Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

rhumatisme (suite)

• Caractères biologiques. L’état inflammatoire se répercute sur le sang. Il existe fréquemment une anémie. Les protéines sanguines sont perturbées, ce qui se traduit par une accélération de la vitesse de sédimentation. D’autres tests sont utiles : indice d’haptoglobine, dosage du fibrinogène, de la protéine-C-réactive. C’est l’électrophorèse du plasma qui fournit les meilleurs renseignements en montrant les augmentations de certaines catégories de protéines (gamma- et alpha-globulines). Certains examens sont dits « spécifiques », car, positifs, ils traduisent l’existence d’une maladie définie : présence d’antistreptolysines dans le rhumatisme articulaire aigu, du facteur rhumatoïde responsable de l’hémoagglutination de Waler-Rose dans la polyarthrite chronique évolutive.

• Caractères radiologiques. Au début, ils sont discrets et se réduisent à une ostéoporose (transparence des os voisins). Puis celle-ci s’accentue, le cartilage s’amincit et les espaces articulaires malades se pincent. À un stade plus avancé, il existe une ankylose par pression des surfaces articulaires. Il n’existe pas d’ostéophytes (proliférations dites « becs de perroquet »).

Sur le plan anatomique, la lésion initiale et fondamentale de toutes les arthrites rhumatismales consiste en une synovite (inflammation de la synoviale). Puis la maladie gagne le cartilage, qui s’altère ; enfin, le tissu osseux est remanié comme le prouve l’activité des ostéoclastes et des ostéoblastes (v. os).

• Caractères histologiques. La lésion élémentaire est le granulome inflammatoire, réunion de cellules particulières (lymphocytes, histiocytes, plasmocytes) dont la présence prouve, de par leur activité, le caractère de la maladie. L’examen histochimique décèle un autre trait commun à tous ces rhumatismes inflammatoires : la présence de nécrose fibrinoïde, altération spéciale de la substance fondamentale du tissu conjonctif, qui se gonfle et se substitue aux fibres collagènes.

• Circonstances d’apparition. Contrairement aux arthroses, maladies de l’âge mûr et de la vieillesse, les arthrites se voient à tout âge et ne semblent pas plus fréquentes après la cinquantaine. On a longtemps donné à l’infection une part prépondérante dans la survenue des arthrites. Certes, certaines arthrites sont dues à un microbe (Streptocoque, Gonocoque, Staphylocoque doré). Mais d’autres sont de cause inconnue (polyarthrite évolutive, spondylarthrite). Certaines affections virales peuvent s’accompagner de poussées rhumatismales (oreillons).

En fait, bien des affections s’accompagnent de signes articulaires et il faut considérer l’état inflammatoire comme une conséquence et non comme une cause.


Rhumatisme articulaire aigu (R. A. A.)

Également appelée maladie de Bouillaud, cette affection succède à une infection rhino-pharingée (angine) due au Streptocoque B hémolytique, du groupe A. Le R. A. A. frappe avant tout les sujets jeunes entre cinq et vingt-cinq ans. La maladie n’est pratiquement pas contagieuse. Relativement fréquente, elle s’observe surtout dans les pays froids et humides (pays nordiques en particulier), et à certaines saisons (à Paris en déc.-janv. et en mai-juin-juill.). Elle évolue le plus souvent par cas isolés. Le risque de rechute diminue avec l’âge et disparaît pratiquement après quarante ans. Cliniquement, la maladie débute de 2 à 3 semaines après l’angine et se manifeste comme une polyarthrite (atteinte de plusieurs articulations) fébrile. Les atteintes articulaires prédominent aux grosses articulations (genoux, hanches, chevilles, coudes), avec chaleur, douleur, rougeur et gonflement. Elles sont fugaces, mobiles, capricieuses, curables sans suppuration ni séquelles. Dans les cas favorables, les atteintes articulaires régressent rapidement sans traitement, le danger de la maladie résidant dans la possibilité d’une atteinte cardiaque. C’est ainsi que l’on peut voir une péricardite (épanchement dans la cavité du péricarde), une myocardite (atteinte du muscle cardiaque) et surtout une endocardite (atteinte de la membrane [endocarde] recouvrant la face interne des cavités cardiaques et des valvules), cette dernière pouvant aboutir à des lésions définitives des valvules cardiaques, qui laissent comme séquelles des insuffisances valvulaires (insuffisance mitrale, insuffisance aortique).

Par ailleurs, le R. A. A. peut atteindre la peau et donner des éruptions, des nodules sous-cutanés, ou encore le tissu cérébral (noyaux gris centraux), ce qui aboutit à la survenue d’une maladie particulière, la chorée. Les examens biologiques montrent une accélération de la vitesse de sédimentation, une hyperleucocytose (augmentation du nombre des globules blancs). La recherche des antistreptolysines est positive. Ces antistreptolysines sont des corps traduisant la réponse de l’organisme à la présence du Streptocoque. Le pronostic de la maladie est le plus souvent bon. Le traitement associe l’acide acétylsalicylique, la pénicilline ou ses dérivés, les corticoïdes si besoin. Ultérieurement, un traitement prophylactique par la pénicilline peut être mis en œuvre à intervalles réguliers. De toute façon, il est conseillé de traiter systématiquement par les antibiotiques toute infection rhinopharyngée survenant chez un ancien rhumatisant. De même, il est impératif de surveiller la dentition de ces enfants, car la moindre infection dentaire peut être la source infectieuse d’une récidive de la maladie.

Jean Bouillaud

Médecin français (Garat 1796 - Paris ; 1881). Professeur de clinique médicale à la Charité, il décrivit le rhumatisme articulaire aigu. Après la Révolution de 1848, il fut quelque temps doyen de la Faculté de médecine de Paris. (Acad. des sc., 1868.)


Polyarthrite chronique évolutive (P. C. E.)

Encore appelée polyarthrite rhumatoïde, cette affection, plus fréquente chez la femme que chez l’homme, commence habituellement entre trente et cinquante ans, vers la période de la ménopause. Elle est caractérisée par des atteintes articulaires multiples, d’évolution chronique, ankylosantes et déformantes. La maladie débute souvent par une atteinte des mains, dont les articulations sont chaudes, gonflées et douloureuses. Peu à peu s’installent des déformations des doigts, qui sont comme rejetés vers l’extérieur de la main (déformation « en coup de vent »). Pendant l’évolution surviennent des atteintes des coudes et des épaules. Les pieds sont le plus souvent atteints précocement. Les genoux sont presque toujours frappés. Au cours des poussées, les signes généraux (fièvre, amaigrissement, fatigue) ne manquent jamais. La maladie évolue pendant des années, par poussées, qui laissent chaque fois les articulations un peu plus meurtries, pour aboutir finalement à une ankylose et à une invalidité. Biologiquement, la maladie se caractérise par la sécrétion d’une protéine particulière, retrouvée dans le sang, le facteur rhumatoïde. Sa mise en évidence consiste à faire agglutiner des globules rouges de mouton ou des particules de latex rendus sensibles à lui. Le sérum du malade mis en présence de ces globules provoque une agglutination visible sous forme d’amas globulaires qui signent la maladie. Le traitement actuel de la maladie en a changé l’évolution, car il permet des rémissions de très longue durée, le traitement de fond faisant appel aux sels d’or, aux antipaludéens de synthèse et à l’acide acétylsalicylique. Lors des poussées, on a recours aux corticoïdes, à l’indométhacine, à la phénylbutazone. Certaines poussées obligent à recourir aux immunodépresseurs du type chloraminophène. Dans l’ensemble, un traitement de fond régulièrement suivi suffit.