Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Révolution culturelle prolétarienne (Grande) (suite)

Les mois qui vont suivre le IXe Congrès seront mis à profit pour rendre à l’immense pays son visage habituel. À vrai dire, celui-ci ne sera jamais plus comme avant. Plusieurs années après ce qui avait pu sembler être la conclusion de la Grande Révolution culturelle prolétarienne, certaines péripéties viennent encore altérer la signification de celle-ci. Ainsi, la disparition de Lin Biao lors d’un accident d’avion le 12-13 septembre 1971 et les attaques dont il a fait l’objet à titre posthume donnent un nouveau relief à l’événement. Outre l’ex-successeur désigné de Mao disparaissent d’autres « grands » du régime, et en particulier Chen Boda, qui avait été pendant des dizaines d’années le porte-parole du président du parti et le vulgarisateur de sa pensée. Un certain nombre de militaires de haut rang — et parmi eux Huang Yongsheng, promu chef d’état-major général en 1968 — quittent la scène. Les explications officielles feront état d’un complot visant à éliminer physiquement Mao pour permettre au groupe de Lin Biao de prendre les rênes du pouvoir.

Il apparaît que l’« ultra-gauche », avec qui l’ancien ministre de la Défense avait partie liée, utilisée, puis mise à l’écart plusieurs fois par Mao Zedong, ait réussi à conserver quelque pouvoir dans les instances dirigeantes de l’État. Or, les divergences entre celle-ci et la tendance médiane, symbolisée par Zhou Enlai, ont dû être légion, non seulement au niveau intérieur, où les compromis sont mal compris par ceux qui avaient mis toute leur énergie pour faire tomber la droite, mais en politique étrangère, principalement au sujet du rapprochement sino-américain. Les principales critiques formulées a posteriori contre la « clique antiparti » de Lin Piao portent sur le fait que celle-ci empêchait pratiquement les masses de s’approprier l’« idéologie révolutionnaire prolétarienne » (par exemple en se servant du Petit Livre rouge comme d’un livre de recettes), qu’elle préférait les attaques personnelles à la lutte idéologique, qu’elle se fondait seulement sur l’empirisme et le spontanéisme.

Le Xe Congrès du parti communiste chinois, réuni à Pékin du 24 au 28 août 1973, reprend à son compte les violentes condamnations contre le « traître ». Les positions de Zhou Enlai se trouvent encore renforcées.

Finalement, la tendance médiane, représentée par le Premier ministre, paraît l’avoir emporté après une lutte qui aura duré une bonne dizaine d’années et dont la Révolution culturelle aura été la face dévoilée et publique. Au-delà de la succession de Mao Zedong et de ses pairs, le grand débat aura peut-être permis au peuple chinois d’échapper au phénomène bureaucratique et d’ouvrir la voie à une société d’un type véritablement nouveau.

C. H.

➙ Chine / Lin Piao / Mao Tsö-tong.

 J. Daubier, Histoire de la Révolution culturelle prolétarienne en Chine (Maspero, 1970). / J. Esmein, la Révolution culturelle chinoise (Éd. du Seuil, 1970). / Dai Hsiao-ai, Mémoires d’un garde rouge (trad. du chinois, A. Michel, 1971). / S. Leys, les Habits neufs du président Mao (Champ libre, 1971) ; Ombres chinoises (U. G. E., 1974). / M. A. Macciocchi, Dalla Cina (Milan, 1971 ; trad. fr. De la Chine, Éd. du Seuil, 1971). / T. W. Robinson, The Cultural Revolution in China (Berkeley, 1971). / J. Guillermaz, Histoire du parti communiste chinois, t. II : le Parti communiste chinois au pouvoir (Payot, 1972). / E. Snow, The Long Revolution (New York, 1972 ; trad. fr. la Longue Révolution, Stock, 1973). / C. Bettelheim, Révolution culturelle et organisation industrielle en Chine (Maspero, 1973). / K. S. Karol, la Deuxième Révolution chinoise (Laffont, 1973). / G. Mury, De la Révolution culturelle au Xe Congrès du parti communiste chinois (U. G. E., 1973. / Révo. cul. dans la Chine pop. Anthologie de la presse des gardes rouges (U. G. E., 1974). / A. Roux, la Révolution culturelle en Chine (P. U. F., 1976).

revue

Publication périodique.


Le terme même de revue, dans son acception actuelle, est emprunté à l’anglais, où review a le sens de « compte rendu », d’« examen critique d’un ouvrage ». Le mot ici n’a fait que suivre la chose, car c’est en Angleterre, avec l’Edinburgh Review, qu’est né en octobre 1802 le prototype de cette formule qui allait rencontrer immédiatement un succès tel que le monde entier s’est aussitôt mis à l’imiter.

Si Albert Thibaudet a pu dire que le xixe s. a été le siècle de la critique, cette dette à l’égard de l’Angleterre doit donc nous rappeler que c’est parce qu’il a d’abord été celui des revues. La critique n’était auparavant qu’orale, brillante dans les salons, pédante dans les cours. Avec les revues, elle s’écrit. Entre l’écrivain, qui produit des livres, et le journaliste, qui rédige les informations des journaux, apparaît donc ce nouveau personnage, le critique, cet « écrivain » que Roland Barthes a fait naître dans le sillage de la Révolution française.

Il y a pourtant une archéologie de la revue qui demande de remonter bien avant cet usage du mot, bien avant l’institutionnalisation de ce type de publication. En relèverait tout ce qui a paru au cours de ce que, sans jeu de mots, on peut appeler la période « pré-critique » de la revue, soit sa période informative, période durant laquelle elle se cherche en cherchant une solution au problème, de plus en plus urgent, de la transmission des informations scientifiques à une époque où les découvertes se succèdent et se multiplient toujours plus vite. S’il suffisait autrefois aux savants de s’entretenir de leurs travaux respectifs et des difficultés qu’ils y rencontraient par le truchement d’échanges épistolaires, la masse d’informations nécessaires pour faire le point a augmenté de façon telle, depuis la fin du xvie s., que des correspondances individuelles, des échanges personnels ne peuvent plus suffire à les transmettre : il y faut des organes indépendants, spécialisés dans la diffusion des informations. C’est à quoi tentèrent de subvenir les premiers ancêtres des revues.