Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Assam (suite)

Le climat est un facteur d’unification. La saison sèche hivernale est courte, puisque cinq mois seulement reçoivent moins de 50 mm (de novembre à mars). Comme la latitude est assez élevée, les températures sont relativement fraîches (de 22 à 24 °C le jour et de 11 à 12 °C la nuit). Les pluies abondantes commencent dès le mois d’avril et se prolongent jusqu’en octobre. Il en résulte surtout des totaux impressionnants pour des stations de plaine : 2 800 mm au fond du « cul-de-sac » (à Dibrugarh), et encore 1 800 mm au centre de la plaine (à Tezpur). Ensuite, le début précoce des pluies empêche l’Assam de connaître le paroxysme thermique de mai-juin, si net ailleurs en Inde. C’est juillet le mois le plus chaud, avec, en moyenne, 32 °C le jour et 25 °C la nuit.

Les averses violentes ont causé de fréquentes inondations le long des cours d’eau et ont entretenu une végétation abondante, que l’homme n’a défrichée que tard. Aujourd’hui encore, il reste des forêts étendues, où vivent de nombreuses bêtes sauvages : tigres, éléphants, rhinocéros.

Cette région a été colonisée assez récemment, à la fois à cause de son isolement par rapport aux grandes vagues de migration qui ont peuplé l’Inde et de la difficulté du défrichement. Dans les régions basses s’est installée une petite paysannerie qui a reçu des allocations de terres. Les propriétaires-exploitants dominent de ce fait, mais les superficies cultivées sont petites, car les immigrants arrivaient sans grands moyens et ne pouvaient cultiver que des étendues réduites (62 p. 100 des exploitations ont moins de 2 ha). Ces paysans sont avant tout des riziculteurs, du fait de l’humidité du climat et de l’origine des migrants (venant surtout de la plaine du Gange). Les Bengalis cultivent aussi le jute.

Les plantations de thé ont été installées par des compagnies britanniques dès la conquête, au cours d’une phase de spéculation effrénée accompagnée de véritables déportations de main-d’œuvre. Elles sont encore importantes, puisque 800 à 1 000 entreprises produisent environ la moitié du thé indien. Le capital britannique reste prépondérant, malgré une certaine tendance à l’indianisation.

L’Assam a encore de vastes perspectives de développement. Les industries de traitement du bois commencent à apparaître à l’initiative du gouvernement, et l’exploitation du pétrole se développe. Une raffinerie a été construite à Digboi. Mais il reste des problèmes difficiles à résoudre. D’une part, les crues dangereuses du Brahmapoutre ont freiné les investissements, puisqu’on est réticent à entreprendre des installations qui risquent constamment d’être emportées. Aussi les ouvrages d’irrigation sont-ils rares et la culture de saison sèche est-elle peu développée. D’autre part, l’Assam est très mal relié au reste de l’Inde, notamment à la métropole dont il dépend, Calcutta. Le dessin des frontières du Bangla Desh interdit en effet l’usage de la voie fluviale et oblige à avoir recours au transport ferroviaire, au prix d’un long détour. Les coûts de transport sont lourdement grevés. À bien des égards, donc, l’Assam reste une région marginale du monde indien.

F. D.-D.


Les grandes lignes de l’histoire politique

Les premiers occupants semblent avoir été des peuples sino-tibétains partis des régions du Yangzijiang (Yang-tseu-kiang) et du Huanghe (Houang-ho) à partir du IIe millénaire avant notre ère. D’où installation des Boḍos, Abors, Akas, Daflas, Miris et Mishmis dans des régions peut-être occupées par quelques tribus dravidiennes.

La constitution de l’Assam en un véritable État indépendant sera, entre 1200 et 1800, l’œuvre des Ahoms, tribu chane qui s’établit définitivement dans le pays en 1228. Sous cette dynastie, l’Assam se caractérise par sa stabilisation culturelle et linguistique, par sa résistance victorieuse aux agressions musulmanes et par l’établissement, avant la « Pax britannica », d’une véritable « Pax ahom », qui favorisera la fusion des différentes tribus en une société à dominantes hindouiste et brahmanique.

Après une résistance victorieuse (1661-1663) contre Mīr Djumla, général d’Awrangzīb (Aurangzeb), la dynastie connaît son apogée entre 1680 et 1720, soit, pratiquement, durant le règne de Rudra Siṃha, ou Singh, que certains ont appelé le Shivājī de l’Assam, soulignant ainsi son action déterminante contre l’hégémonie mongole. Mais, après lui, le pouvoir ahom entre en décadence. Les invasions birmanes (1816-1824) entraînèrent l’annexion de l’Assam par les Britanniques (1826).

Depuis l’accession à l’indépendance, en 1947, l’ambivalence des peuples de l’Assam (opposition entre les habitants de la vallée du Brahmapoutre et les tribus des montagnes) s’est manifestée par l’action de forces centrifuges à tendances séparatistes, et ce sur le double plan de l’opposition parlementaire (parti tribal intitulé « Conférence des chefs de la montagne ») et de l’action militaire de type guérilla pour obtenir la création d’États autonomes. Ainsi, le Nagaland a été créé par le gouvernement central en 1962, mais les extrémistes nagas trouvent les attributions du nouvel État trop restrictives.

L’intégration politique de l’Assam au reste de l’Inde s’est heurtée autrefois à deux obstacles : l’éloignement des grands centres de décision de la politique indienne (Delhi, Āgrā, Bénarès, Vijayanagar) et la non-intégration à l’Empire moghol. De nos jours, le problème politique se pose différemment ; outre l’action désintégrante — au niveau de l’État — des groupes tribaux, la position stratégique de l’Assam par rapport à la Chine fait de cet État l’objet de tous les soins du gouvernement central, ce qui lui confère une situation particulière.

Dans les domaines culturel et économique, le processus d’intégration a été plus efficace. Dès le xvie s., deux grands poètes, Mādhva-Deva et surtout Sankara-Deva, contribuèrent à transformer une région initialement animiste en une contrée à prépondérance hindouiste.