Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Révolutions d’Angleterre (suite)

Pourtant, ce clivage socio-économique n’est pas un clivage politique, car la gentry, dans son ensemble, souffre du régime des Stuarts. La « gentry traditionnelle » subit de plein fouet la hausse des prix. L’exploitation intensifiée de ses ressources féodales par le roi l’atteint durement. C’est la gentry que le pouvoir royal traîne en justice et fait condamner pour avoir enclos ses terres sans autorisation et mis des communaux en culture : sur 45 députés ayant représenté aux Communes les cinq comtés des Midlands, 23 appartiennent à des familles qui ont été lourdement pénalisées pour avoir enclos leurs terres illégalement. Quant à la « nouvelle gentry », classe en plein essor, qui sait répondre à la hausse des prix, qui commence à mettre en valeur les mines de charbon, qui fait quintupler en cent ans la production de fer en Angleterre, qui arme les navires britanniques que l’on trouve aussi bien aux Indes qu’en Amérique, elle est partout attaquée par le pouvoir royal. Sans cesse, elle se heurte aux monopoles économiques accordés par le roi, sans cesse ses biens sont menacés par l’arbitraire royal. Elle est gênée par des droits de douane exorbitants, par des réglementations tatillonnes qui lui paraissent d’un autre âge. Elle réclame la liberté du commerce, l’abolition des monopoles et des réglementations royales. Elle appelle de tout son cœur un développement intensif de la marine qui permette aux marchands anglais de commercer en toute sécurité et d’installer des comptoirs dans le monde entier. Partout, à tous égards, la monarchie des Stuarts heurte ou déçoit.

De plus, il faut insister sur la culture de la gentry. Ce n’est qu’assez tard, au xixe s., que l’on retrouvera dans les Parlements anglais une aussi forte proportion d’hommes ayant fait des études supérieures. Tous les députés ne sont pas des Coke, des Eliot ou des Hampden ; mais ils sont nombreux à avoir été à Oxford, à Cambridge ou dans l’une des Inns of Court (écoles supérieures de droit où l’on enseigne la pratique de la Common Law). La plupart des députés ont, en outre — ne serait-ce qu’en tant que squire de campagne —, pratiqué le droit. Les interlocuteurs du roi sont donc des hommes prospères économiquement, cultivés et compétents. Ajoutons, enfin, qu’ils sont le plus souvent farouchement protestants : la gentry a été la plus grande bénéficiaire des confiscations de biens ecclésiastiques consécutives à la Réforme. Et les puritains, excellents éducateurs, n’ont pas été sans exercer une profonde influence sur leurs élèves : la gentry est, certes, bien éduquée, mais elle l’a presque toujours été par des puritains ou des presbytériens...

En face du Parlement, les Stuarts ont pauvre mine. Laid et de mœurs douteuses, Jacques Ier a certes pour lui son intelligence et son sens politique. La vertu et la prestance de Charles Ier, par contre, ne compensent pas une obstination bornée et une médiocre compréhension des problèmes politiques. Les intrigues de la reine Henriette-Marie, la légèreté d’un favori comme Buckingham sont autant de sujets d’écœurement pour les Anglais ; en dehors du principe monarchique lui-même, le roi n’a décidément pas grand-chose à offrir.


Le déroulement des faits

• La première guerre civile (1642-1646). Les défaites subies face aux Écossais ont obligé Charles Ier à convoquer un nouveau Parlement. Le roi doit accepter l’inculpation de ses ministres Laud et Strafford ainsi que l’exécution de ce dernier. Cependant, lorsque, en octobre 1641, éclate la rébellion d’Irlande, la défiance qu’éprouvent les Communes à l’égard du souverain (dont l’expression la plus manifeste est, en novembre, la Grande Remontrance) paralyse complètement le gouvernement : si Charles Ier entérine jusqu’en février 1642 la législation parlementaire, la vraie rupture date néanmoins de novembre, lorsque échoue la tentative de réaction royale (tentative pour faire arrêter les cinq leaders de l’opposition aux Communes). Dès cette date, les deux partis rivaux s’organisent.

1642. Juin : les parlementaires présentent au roi les Dix-Neuf Propositions, qui sont en fait un véritable ultimatum. Le roi refuse de les entériner.
— 12 juillet : Robert Devereux, troisième comte d’Essex, devient le chef de l’armée parlementaire.
— 22 août : Charles Ier lève l’étendard royal à Nottingham.
— 23 octobre : bataille d’Edgehill. Le résultat est indécis, mais, lorsque Essex fait retraiter ses troupes pour protéger Londres, il permet au roi d’occuper Oxford, où il établit sa capitale. De là, Charles Ier tente de marcher sur Londres, mais Essex l’arrête à Turnham Green.

1643 : les forces royalistes menées par Ralph Hopton remportent une série de victoires (Stratton, Lansdown, Roundway Down) qui assurent la domination royaliste dans le Cornwall, le Devon, le Somerset et le Wiltshire, et qui permettent au Prince Kupert de s’emparer de Bristol le 26 juillet. Essex, qui avait échoué lors d’une première tentative en direction d’Oxford (victoire du Prince Rupert en juin à Chalgrove Field), doit prendre de gros risques pour aller dégager Gloucester assiégée et manque d’être encerclé au retour (première bataille de Newbury, 20 et 21 sept.).

La situation n’est pas meilleure dans le Nord pour les parlementaires : William Cavendish, alors comte de Newcastle, oblige les Fairfax père et fils à s’enfermer dans Hull. Pourtant, au mois d’octobre, l’arrivée d’un nouveau venu, Oliver Cromwell*, à la tête de la formidable cavalerie des comtés de l’Est, permet de dégager le Lincolnshire (victoire de Winceby), tandis qu’une victorieuse sortie des Fairfax oblige Newcastle à lever le siège de Hull. Si, dans l’ensemble, les royalistes l’ont emporté, ils n’ont pu acquérir aucun avantage décisif.

1644 : l’entrée en guerre des Écossais après la conclusion du Covenant (25 sept. 1643) oblige Newcastle à se porter à leur rencontre. Menacé sur ses arrières par Thomas Fairfax, vainqueur à Selby (11 avr.), Newcastle doit se réfugier à York, où l’armée commandée par Edward Montagu, comte de Manchester, et par son second, Cromwell, vient l’assiéger. Lorsque le Prince Rupert essaie de le secourir, il est écrasé à Marston Moor (2 juill.), la plus grande bataille de la guerre civile.

Mais les chefs parlementaires, Manchester, Essex et William Waller, ne s’entendent pas. Isolé, Essex doit abandonner son infanterie à Lostwithiel, et la seconde bataille de Newbury (27 oct.) est indécise, malgré l’énorme supériorité numérique des armées parlementaires.