Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

rêve (suite)

Ainsi, la nuit, grâce au sommeil et au déguisement du rêve, les désirs inconscients réussissent à s’accomplir sur le mode hallucinatoire, trompant la censure psychique qui, à l’état de veille, leur interdirait l’accès de la conscience. Grâce au travail du rêve, cet accomplissement du désir peut se faire sans provoquer, habituellement, le réveil du dormeur, ce qui a fait dire que « le rêve est le gardien du sommeil ». Freud a démontré que même les rêves d’angoisse étaient accomplissement de désir. Seuls les rêves traumatiques (répétition d’une scène d’accident par exemple) échappent à cette règle. Cette exception conduisit Freud à de profonds remaniements de sa théorie, autour des années 20.

Freud a distingué trois catégories de rêves : d’abord des rêves significatifs et compréhensibles qui s’inscrivent sans difficulté dans notre vie psychique, car ils ne présentent aucun caractère d’étrangeté ; ensuite, des rêves dont le sens évident nous paraît surprenant et qui nous font nous poser la question : « Comment ai-je pu avoir cette idée ? » ; enfin, des rêves — les plus fréquents — qui ont cet aspect décousu, confus et absurde que l’on prêle habituellement au rêve, et qui nécessitent une interprétation psychanalytique.

En un mot, pour la psychanalyse, le rêve, gardien du sommeil, est accomplissement d’un désir inconscient, très souvent de nature sexuelle, tout en satisfaisant le désir de dormir.


Le point de vue physiologique

La théorie psychanalytique du rêve s’est construite sans aucune référence à la physiologie du sommeil*, dont on ignorait à peu près tout il y a un demi-siècle. Inversement, la physiologie du rêve et du sommeil s’est développée en dehors de la psychanalyse. Ainsi, nous nous trouvons actuellement en présence de deux ensembles de faits qu’il est tentant d’articuler, bien qu’ils appartiennent à deux disciplines irréductibles l’une à l’autre.

Jusqu’à la découverte d’Aserinsky en 1953, le sommeil était considéré comme un état homogène dont seule la profondeur était variable. En 1953, Aserinsky mit en évidence, pendant le sommeil, des phases de mouvements oculaires rapides au cours desquelles le dormeur, après réveil provoqué, était capable de raconter un rêve. Cette découverte suscita une série de recherches fécondes, notamment de la part de W. C. Dement aux États-Unis et de M. Jouvet en France. De ces recherches naquit une nouvelle conception dualiste du sommeil, selon laquelle la nuit de sommeil se divise en plusieurs phases alternées de sommeil proprement dit et de sommeil paradoxal pendant lequel le dormeur rêve.

Cette dualité, d’une simplicité excessive, ne put longtemps être maintenue, car de nombreux chercheurs mirent en évidence, au cours du sommeil proprement dit, une activité psychique indéniable. La solution du problème du rêve était donc reportée à plus tard, les faits se révélant plus complexes que lors des premières investigations. Ce qui est contesté, ce n’est pas l’existence de deux types de sommeil comportemental (sommeil et phase paradoxale), mais l’existence d’un lien spécifique entre le rêve et la phase paradoxale, entre une certaine activité psychique et un certain état physiologique. L’enjeu des recherches actuelles est considérable, puisqu’il s’agit de démontrer s’il est possible, ou non, de mettre en parallèle les faits psychiques et les faits physiologiques.

Les physiologistes sont généralement d’accord pour admettre qu’au cours du nycthémère nous passons par trois états : de veille, de sommeil et paradoxal, que certains assimilent à l’état de rêve. Nous ne parlerons pas ici de l’état de veille.

L’état de sommeil est bien connu. Le dormeur est immobile, les paupières closes, les pupilles serrées ; parfois, il bouge et peut même changer de position. Ses globes oculaires sont animés par instants de mouvements lents. Plus le sommeil s’approfondit, plus les ondes cérébrales se ralentissent et s’amplifient (du stade I au stade IV). Fait important à noter, c’est au stade IV que surviennent certaines activités motrices particulières : gestes automatiques coordonnés, paroles compréhensives (somniloquie), somnambulisme, réveil brutal par un cauchemar. L’état de sommeil est sous la dépendance d’un système de fibres nerveuses, dites « sérotoninergiques », situées à la partie médiane du tronc cérébral (noyaux du raphé). Chez le chat, la destruction de ce système entraîne une insomnie dont l’intensité dépend de l’étendue de la lésion.

L’état paradoxal (sommeil rapide, phase paradoxale ou rapid eye movements sleep [REMS] des auteurs anglo-saxons), occupe environ 25 p. 100 de la nuit de sommeil d’un adulte normal. Il survient par phases (trois à cinq) séparées entre elles par 90 minutes de sommeil environ. Ces phases sont dites « paradoxales » pour deux raisons. D’abord, parce que c’est au moment où l’électroencéphalogramme ressemble le plus à celui de l’état de veille que le sujet est le plus isolé du monde extérieur. Ensuite, parce que lors de ces phases le sujet est à la fois paralysé par une abolition du tonus musculaire et en proie à une activité musculaire rapide des yeux et des extrémités. L’un des faits les plus curieux, mis en évidence par C. Fisher, est la survenue pendant la phase paradoxale d’une érection pénienne (complète dans 60 p. 100 des cas, incomplète dans 35 p. 100, absente dans 5 p. 100).

En somme, cet état se caractérise par une série de contrastes. Le système nerveux central est le siège d’une activation diffuse et pourtant le sujet est privé de tonus musculaire et de perception sensorielle. Sur ce fond de manifestations durables (composante tonique) surviennent des manifestations intermittentes (composante phasique) auxquelles les physiologistes ont prêté la plus grande attention ; ce sont les mouvements oculaires rapides (M. O. R.), les mouvements des doigts, des orteils, de la bouche et du menton. Chez l’animal, il est possible de détecter des accidents électriques brefs et amples, appelés pointes P. G. O. (ponto-géniculo-occipitales).