Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Asie du Sud-Est (Organisation du traité de l’) (suite)

Au début des années 70, l’avenir de l’O. T. A. S. E. apparaissait incertain. Le départ du Pākistān après la formation du Bangladesh en 1972, les hésitations de la politique américaine préludant au désengagement définitif au Viêt-nam en 1973 remettaient en cause le principe même du pacte de Manille. Aussi, après la mainmise des Khmers rouges sur le Cambodge et compte tenu de l’évolution de la situation internationale dans l’Asie du Sud-Est, les membres de l’O. T. A. S. E., réunis à New York en septembre 1975, décidaient-ils de dissoudre cette alliance.

B. de B.

Aśoka ou Dharmāśoka

(292-236 av. J.-C.), un des plus grands souverains de l’Inde, qui régna de 273 à 236 selon la chronologie le plus souvent adoptée.


« ... Aimé des dieux, le Grand, le pieux, le Roi-moine, le nouveau Constantin » : autant de surnoms qui, attribués au troisième souverain de la dynastie Maurya, témoignent de la place unique tenue par Aśoka au regard de l’histoire.

Plusieurs éléments ont contribué à son prestige : avoir été l’un des rares (avant les Britanniques) à contrôler pratiquement toute l’Inde, exception faite de l’extrémité méridionale du Deccan ; avoir réalisé une synthèse entre la morale et la politique, entre l’enseignement du Bouddha et celui de Kautilya (le Machiavel indien, auteur d’un traité de science politique, l’Arthaśāstra).


Le souverain temporel et traditionnel

Jusqu’à la conquête du Kalinga (actuel Orissa), en 261, le règne d’Aśoka n’est caractéristique que par l’étendue de son empire, dont il héritait d’ailleurs pour sa quasi-totalité.


L’héritage impérial

De son grand-père Candragupta ou Chandragupta (le Sandrakottos des historiens grecs) et de son père, Bindusāra, Aśoka tenait un empire comprenant l’Afghānistān, le Sind et le Cachemire actuels, la totalité de l’Inde proprement dite, sauf l’Assam et les États tamouls du Sud. Le seul accroissement territorial qu’il réalisa fut la conquête du Kalinga, événement lourd de conséquences.

Né à Pāṭaliputra, le futur souverain reçut une éducation soignée pendant environ dix ans. Puis il fit son apprentissage comme vice-roi, d’abord à Ujjain, puis à Taxila. Ainsi, Aśoka semble avoir bénéficié d’une bonne préparation à l’exercice du pouvoir suprême. Il faut ajouter, pour compléter le personnage, qu’à sa sensibilité naturelle s’ajoutait une certaine influence du jaïnisme, secte particulièrement scrupuleuse quant au respect de la vie sous toutes ses formes.

À la mort de Bindusāra (274/273 av. J.-C.), Aśoka, l’un de ses fils cadets, légitimement parlant, n’était pas le mieux placé pour lui succéder, mais la compétence dont il avait fait preuve comme vice-roi (uparāja) et l’appui d’un ministre, Rādhagupta, lui permirent de s’imposer.


Le règne personnel et traditionnel d’Aśoka

Pendant la période prébouddhiste, l’action du souverain s’ordonna autour de deux grands thèmes : la poursuite de l’œuvre conquérante de ses ancêtres, l’institution de meilleures relations entre gouvernants et gouvernés.

En 261 av. J.-C., la conquête du Kalinga se révéla être un véritable point d’inflexion historique. Cette expédition, effectuée pour affirmer ou pour affermir l’autorité des Maurya sur la région, entraîna un changement radical dans la mentalité du souverain, transformant le conquérant traditionnel en un apôtre de la fraternité universelle, écœuré par les cruautés que ses conquêtes avaient déclenchées.

Aśoka, pour améliorer les relations avec ses sujets, perfectionna l’administration ; il établit une rotation périodique dans l’exercice des plus hautes charges, de façon que tout fonctionnaire connaisse mieux les différents rouages de l’organisation de l’empire. De plus, il promut une plus grande moralité : il créa des dharmamahāmatras, fonctionnaires analogues aux censeurs de la Rome ancienne.


Le souverain spirituel

Aśoka semble bien, finalement, avoir été le seul souverain qui ait réalisé, ne fût-ce que momentanément, le vieil idéal de la papauté médiévale : la souveraineté temporelle et spirituelle réunies en une seule personne. C’est bien là le caractère spécifique du souverain indien : la guerre du Kalinga et ses horreurs entraînèrent chez lui une irréversible conversion morale. Qu’on ne voie pas là, toutefois, une sorte d’illumination ou de génération spontanée ; bien avant cette guerre, Aśoka semble avoir été préoccupé de la finalité morale de l’univers. En l’occurrence, le Kalinga a plutôt joué un rôle de révélateur. Quoi qu’il en soit, à partir de ce moment, l’empereur s’efforça de répandre la connaissance et la pratique des divers idéaux bouddhistes, agissant pour cela en tant que souverain et en tant que chef religieux.


Comme souverain

Il élève le principe d’ahiṃsā (en fait, la non-violence) à la hauteur d’une institution impériale ; il apporte tout son soin à la justice, désirant avant tout le triomphe du droit (dharma) sur la force (danda) ; il s’attache aux plus humbles détails matériels, témoin l’attention qu’il porte au mieux-être des pèlerins et des voyageurs le long des routes, y faisant planter des arbres ou édifier des auberges.

Surtout, comme le fait justement remarquer l’historien indien K. M. Panikkar, il comprend l’importance d’une propagande de bon aloi employée à des fins morales : d’où ces fameux édits gravés sur des piliers monolithiques ou sur des rocs et qui sont une source unique de renseignements tant sur l’Inde du iiie s. av. J.-C. que sur les conceptions morales et philosophiques de l’empereur.


Comme chef religieux

Bouddhiste mais non sectaire, religieux mais tolérant, Aśoka joua un rôle décisif dans le développement, l’organisation et la réforme du bouddhisme : c’est, semble-t-il, sous son règne que se tint à Pāṭaliputra le troisième concile bouddhiste, qui, outre une réforme interne de l’ordre (peut-être trop gâté par les libérables de l’empereur ?), décida, avec la bénédiction d’Aśoka, d’envoyer des missionnaires, qui, de Ceylan au Cachemire, du Mahārāshtra à l’est de l’Inde, firent de la secte qu’était encore le bouddhisme une « religion » d’envergure universelle. Dès la fin du iiie s., le bouddhisme était bien connu en Égypte, et notamment à Alexandrie.

Il semble d’ailleurs qu’Aśoka joua un rôle notable dans la transformation accélérée du bouddhisme, qui, de simple conception philosophique de la vie, tendit de plus en plus à devenir une religion et qui fit du Bouddha un dieu.