Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Restauration (suite)

Mercredi 28 juillet

Dans la nuit, les sectionnaires républicains ont mis en place des comités révolutionnaires. L’insurrection éclate à l’aube et, en quelques heures, le centre de Paris, des Halles au Marais et du Temple à la Cité, est hérissé de barricades. Ouvriers, étudiants, gardes nationaux — qui ont conservé leurs armes ! — dépavent les rues, attaquent les postes et isolent les casernes. L’Arsenal et l’Hôtel de Ville tombent. Marmont, laissé sans instructions, envoie quatre colonnes dégager les boulevards et les quais. Le général Talon, parvenu à l’Hôtel de Ville au prix de lourdes pertes, s’y trouve bloqué. Saint-Chamans part de la Madeleine jusqu’au faubourg Saint-Antoine pour rejoindre Talon. C’est la fameuse marche sanglante. Des fenêtres, des toits, des portes cochères, ses soldats se font écraser par les pavés et les meubles. On les fusille à bout portant. La troupe est épuisée, affamée. Des hommes isolés, bientôt des compagnies entières désertent ou passent à l’insurrection. Du côté des parlementaires, on suit la bataille avec attention. Le clan Laffitte tente de négocier. On parle d’acheter Marmont, voire d’en faire un médiateur. Mais Polignac et Charles X sont intraitables.

Jeudi 29 juillet

Paris est aux mains de l’insurrection. Marmont s’est replié sur l’Étoile pour garder le contact avec Saint-Cloud. Le succès de l’insurrection ne faisant plus de doute, la bourgeoisie libérale entre en scène. En premier lieu, il s’agit d’empêcher la république, que certains parlent de proclamer à midi, place de Grève. La Fayette prend le commandement de la garde nationale, le maréchal Gérard celui de l’armée. Une commission municipale siège à l’Hôtel de Ville. En second lieu, il convient de trouver un souverain de rechange. Cédant aux pressions de son entourage, Charles X a retiré les ordonnances et confié au duc de Mortemart le soin de former un gouvernement. La décision intervient trop tard. Les envoyés de Saint-Cloud à Paris, Vitrolles et d’Argout, sont éconduits.

Vendredi 30 juillet

Les nouvelles autorités refusent de reconnaître Mortemart. La solution orléaniste, mise au point par Thiers, a triomphé. Sur les murs de Paris, le 30, une proclamation est affichée : le duc d’Orléans, « prince dévoué à la cause de la révolution », tiendra sa couronne du peuple, évitant les dangers de la république, la guerre civile et les aventures extérieures. Soixante députés réunis sous la présidence de Laffitte décident de confier au duc d’Orléans la lieutenance générale du royaume.

Samedi 31 juillet

Le duc d’Orléans, qui s’est jusqu’alors prudemment tenu à l’écart, est revenu au Palais-Royal et accepte ses nouvelles fonctions. Reste à se faire consacrer par le pouvoir de fait, le peuple insurgé qu’on sait héroïque et dangereux, mais naïf. Le duc paraît au balcon, embrassé par La Fayette dans les plis du drapeau tricolore retrouvé : risque calculé et mélodrame improvisé. Versatile, la foule acclame. Charles X se replie sur Trianon, puis sur Rambouillet, tandis que la province accueille avec surprise et sympathie la nouvelle de la révolution. Le dernier acte se joue rapidement : le lundi 2 août, Charles X abdique.

J. L. Y.

➙ Cent-Jours (les) / Charles X / Decazes / Louis XVIII / Richelieu / Villèle.

 H. Sée, Histoire économique de la France, t. II : les Temps modernes, 1789-1914 (A. Colin, 1951). / D. Bagge, les Idées politiques en France sous la Restauration (P. U. F., 1952). / P. Bastid, les Institutions politiques de la monarchie parlementaire française, 1814-1848 (Sirey, 1954). / G. de Bertier de Sauvigny, la Restauration (Flammarion, 1955 ; nouv. éd., 1963) ; la Révolution de 1830 en France (A. Colin, 1971). / C. Pouthas, la Population française pendant la première moitié du xixe s (P. U. F., 1956). / G. Dupeux, la Société française, 1789-1960 (A. Colin, coll. « U », 1964). / J. Vidalenc, la Restauration, 1814-1830 (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1966 ; 3e éd., 1973) ; la Société française de 1815 à 1848 (Rivière, 1970-1973 ; 2 vol. parus). / M. Brugière, la Première Restauration et son budget (Droz, 1969). / A. Jardin et A. J. Tudesq, la France des notables, 1815-1848, t. II : la Vie de la nation (Éd. du Seuil, 1973).

Restout (Jean)

Peintre français (Rouen 1692 - Paris 1768).


Son père, appartenant à une famille de peintres et de prêtres établie à Caen, vint s’installer à Rouen, où il épousa Marie-Madeleine Jouvenet, sœur du peintre Jean Jouvenet*. Le jeune Restout, orphelin de bonne heure, devient le protégé et l’élève de son oncle à Paris, vers 1707. Comme lui, et contrairement à l’usage, il n’ira pas en Italie compléter sa formation ; comme lui, il sera un professeur à l’Académie (il a rédigé pour les élèves un Discours sur les principes de la peinture), honoré par ses pairs, qui l’éliront directeur, puis chancelier de l’Académie, et par le roi (il aura atelier et logement au Louvre).

Restout débute par des portraits (Dom Louis du Basset, 1716, musée de Rouen), des tableaux religieux (l’Adoration des Mages, 1718, église de Sèvres) et des œuvres mythologiques (Alphée et Aréthuse, morceau de réception à l’Académie, 1720, musée de Rouen). Cette variété se retrouve dans sa production jusque vers 1737-38, époque à laquelle il participe avec Charles Natoire, Boucher*, C. Van Loo* et Pierre Charles Trémolières à la décoration de l’hôtel de Soubise (Archives nationales) [cinq tableaux mythologiques, en place] et signe doux pendants sur l’histoire d’Abdolonyme (musée d’Orléans), en même temps que trois tableaux consacrés à saint Pierre (Orléans, église Saint-Pierre du Martroi). Ensuite, il se spécialise, comme avait fait Jouvenet, dans la peinture religieuse, bien qu’il ait encore peint quelques portraits, disparus pour la plupart (Poète inspiré, musée de Dijon), et quelques toiles mythologiques, aux couleurs vives et variées (deux tableaux sur l’histoire de Psyché, 1748, château de Versailles ; surtout les cartons géants pour une tenture des Arts, exécutés à différentes reprises de 1738 à 1763, dont deux conservés à la préfecture du Rhône, un au musée du Louvre.