Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Asie de la mousson (suite)

La riziculture peut également être extensive dans des régions très peuplées, et, dans ce cas, des problèmes dramatiques se posent : ainsi en Inde, dans la plaine et le delta du Gange (Bihār, Bengale). Les rendements ne dépassent pas une tonne à l’hectare ; 84 p. 100 des terres bengalies ne portent qu’une récolte (soit de riz normal « aman », soit de riz hâtif « aus », récolté avant les typhons de septembre-octobre) ; les engrais ne sont pas utilisés, ni même le fumier, qui sert de combustible ; des canaux ont été creusés, mais ils n’ont qu’un rôle d’appoint réduit (70 p. 100 des rizières ne reçoivent que l’eau des pluies) et sont à sec en saison sèche. Le Bihār et le Bengale sont sous la menace constante des inondations. Les paysans, soumis, de plus, pendant longtemps à la domination des zamīndārī, sont très misérables.

Enfin, il existe une riziculture intensive, comparable par ses techniques et ses résultats à la riziculture chinoise. Telles sont la riziculture telugu (deltas de la Godāvari et de la Kistnā) et la riziculture tamoule. L’irrigation est ici très ancienne et très originale. En pays tamoul, au moins, elle était indispensable, car les pluies sont inférieures à 1 000 mm et trop resserrées en trois mois (octobre-décembre) ; si le Tamilnād est sec de juin à octobre, la Kāviri est abondamment pourvue en eau par les pluies de mousson à sa source, dans les Ghāts occidentaux, de là l’idée d’utiliser son eau pour commencer plus tôt les travaux agricoles, faire une récolte en octobre et une autre en janvier : le grand « Anicut », barrage-déversoir sur la Kāviri, date du iie s. Des réservoirs (tanks) ont été aménagés dès le vie s. par les Pallavas, qui recueillent l’eau de ruissellement et l’eau des rivières plus modestes : ils permettent de prolonger la période de culture, parfois d’arriver à la culture continue.

La plaine de Chiangmai (Thaïlande), quelques vallées du bassin de Mandalay, les plaines de Bali, de Java central et oriental pratiquent une riziculture intensive grâce à l’irrigation qui permet la culture continue.

Enfin, le monde indien a subi l’impact de la colonisation européenne. Celle-ci, aux xixe et xxe s., s’est traduite par l’apparition de cultures commerciales (café, thé, hévéa) et la création des plantations. Les cultures commerciales peuvent être pratiquées dans le cadre de petites exploitations (en faire-valoir direct), souvent conquises par brûlis sur la forêt ; « small holdings » ou « farms » aux arbres serrés et souvent mélangés jouent un rôle économique essentiel, notamment pour la production du caoutchouc (Indonésie, Thaïlande, Malaysia, où les « small holdings » couvrent 600 000 ha). Les cultures commerciales peuvent aussi être pratiquées par de petits tenanciers dans le cadre de grandes propriétés (canne à sucre, tabac, cocotiers aux Philippines).

Mais l’Asie méridionale, surtout l’Asie du Sud-Est, est par excellence le domaine des plantations (estates), c’est-à-dire de grands domaines en faire-valoir direct, appartenant souvent à de puissantes sociétés. Celles-ci se sont généralement installées dans des zones forestières vides et malsaines. Elles n’ont pu être constituées qu’avec un apport de main-d’œuvre étrangère (tamoule en Malaisie et à Ceylan, javanaise à Sumatra), ce qui soulève certains problèmes. La plantation emploie des techniques quasi industrielles, hautement perfectionnées, scientifiques, pour augmenter les rendements et diminuer les frais. Elle présente un paysage géométrique : alignement d’arbres ou d’arbustes sélectionnés ; arbres d’ombre au-dessus des théiers ; plantes de couverture (mimosa invisa) entre les rangs d’hévéas ; villages aux maisons toutes semblables ; usine de traitement.

À ce grand facteur d’unité qu’est la mousson s’opposent, dans cette vaste région du monde, nombre de facteurs de diversité : nature de l’hiver qui distingue une zone tropicale d’une zone tempérée, relief très diversifié, civilisations issues de l’Inde ou de la Chine. Il s’y ajoute le très inégal impact de l’influence occidentale et notamment de la colonisation, qui n’a touché que l’Asie tropicale, ainsi que l’inégalité considérable des densités de population dans un monde si lourd par son poids démographique. La densité moyenne atteint ou dépasse 150 habitants au kilomètre carré en Chine orientale, en Inde et à Ceylan. Elle est supérieure à 200 au Japon et au Bangla Desh. Par contre, l’Asie du Sud-Est, entre ces énormes masses, est moins peuplée : au kilomètre carré, la Thaïlande a seulement 60 habitants, la Birmanie 36, le Cambodge 33, la Malaysia 30, le Laos 10, l’Indonésie 50 (mais Java en a aujourd’hui plus de 500). Les problèmes sont, bien entendu, divers selon les différences de densité.

La plupart des États sont encore essentiellement agricoles et ruraux : 70 p. 100 de la population vivent dans les campagnes, de l’agriculture, sauf à Singapour, au Japon (15 p. 100), en Malaysia (60 p. 100), aux Philippines. Quand la population est dense, il y a surpeuplement des campagnes et existence de villes où règnent chômage et sous-emploi. L’industrie, cependant, se développe à peu près partout, entraînant une urbanisation « vraie » : en Chine, en Union indienne, au Pākistān, en Thaïlande, aux Philippines, à Taiwan (T’aï-wan), en Corée (au nord et surtout au sud), à Hongkong surtout. Enfin, le Japon est la troisième puissance industrielle du monde.

J. D.

 C. Robequain, le Monde malais (Payot, 1946). / J. Delvert, Géographie de l’Asie du Sud-Est (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1967). / J. Dupuis, l’Asie méridionale (P. U. F., coll. « Magellan », 1969).

Asie du Sud-Est (musique de l’)

Ensemble ethnomusical groupant les pays situés au sud de la Chine et à l’est de l’Inde : Birmanie, Thaïlande, Laos, Cambodge, Viêt-nam, Malaisie, Indonésie, Philippines. Musicalement, cette région — moins le Viêt-nam, qui se rattache par sa tradition musicale au monde de civilisation chinoise — présente un certain nombre de caractères communs, mais se subdivise néanmoins en deux grandes familles.