Resnais (Alain) (suite)
Mais peut-être la vérité n’est-elle que mensonge, ou dangereuse illusion. Le héros de Je t’aime, je t’aime (1968) se pose la question et finit par en mourir. Sur un scénario de science-fiction écrit par Jacques Sternberg, un ancien complice de Resnais lorsque celui-ci s’occupait exclusivement de bandes dessinées (une de ses passions), le film constitue un véritable opéra du temps, où souvenirs et prémonitions une fois encore se mélangent, créant un étrange climat d’une précision clinique.
L’échec commercial du film contraint le réalisateur à renoncer à tous ses projets. Il s’expatrie aux États-Unis, où il écrit plusieurs scénarios, tourne la séquence new-yorkaise de l’An 01 (1972) et revient en France pour mettre en scène Stavisky (1973), dont le scénariste est de nouveau J. Semprun, et Providence (1976).
Tributaire des écrivains, à qui il demande des scénarios en leur recommandant toujours de ne jamais penser « cinéma», Resnais a créé un style de récit éclaté, fluide et raffiné, qui correspond à l’actuel chaos du monde. Conscient (sa participation au film collectif Loin du Viêt-nam, en 1967, le prouverait à elle seule), lucide, tourmenté, Resnais, à chaque film, invente un monde de peinture, de musique, où l’imaginaire flamboie, dans la nuit et le brouillard d’un cinéma français banal et mesquin. L’imaginaire flamboie, mail c’est la torche du réel qui l’éclaire. C’est en quoi Resnais demeure un phare. Solitaire.
M. G.
G. Bounoure, Alain Resnais (Seghers, 1962 ; nouv. éd., 1974). / R. Prédal, Alain Resnais (Lettres modernes, 1968). / M. Estève (sous la dir. de), Alain Resnais et Alain Robbe-Grillet. Évolution d’une écriture (Lettres modernes, 1974).