Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Résistance française (la) (suite)

La crise de novembre 1942

Le 11 novembre 1942, pour répondre au débarquement allié au Maroc et en Algérie, la Wehrmacht, violant l’armistice, occupe la zone libre. Alors que l’entrée en campagne de l’armée d’armistice n’avait été préparée que dans la seule hypothèse d’un débarquement allié en France, le général Verneau essaie, néanmoins, à l’insu du gouvernement, de s’opposer militairement à la violation allemande. Un décalage d’horaire dans l’exécution des projets allemands permet au général Eugène Bridoux (1888-1955), secrétaire d’État à la Guerre depuis le retour de Laval au pouvoir (avr. 1942), de faire avorter cette tentative, et seule aura lieu l’action symbolique du général de Lattre* de Tassigny, commandant la 16e division militaire à Montpellier.


La résistance militaire face à l’occupation totale


Création de l’O. R. A.

Le 27 novembre, les Allemands désarment l’armée d’armistice, et la flotte se saborde à Toulon. Que va devenir la résistance militaire ? Au moment où il quitte les fonctions de chef d’état-major de l’armée, le général Verneau crée en décembre 1942 une formation secrète, l’Organisation de résistance de l’armée (O. R. A.), qui prend la suite de l’organisation de mobilisation clandestine de l’état-major, et en adopte les principes. Verneau se met aux ordres du général Frère, que Giraud, avant son départ de France le 3 novembre 1942, a désigné comme chef de l’armée. Ainsi survivent en liaison avec l’O. R. A. les activités clandestines de l’armée d’armistice. Le Service de la statistique recense les démobilisés et les jeunes des Chantiers. Le Service de camouflage des matériels fournit de l’argent et des armes : il fusionnera avec l’O. R. A. en 1943. À la fin de cette année, l’organisation du général aviateur J. Carayon (né en 1895) rejoint l’O. R. A., qui, en outre, bénéficie de l’information et de la protection des services spéciaux dont le chef a rejoint Alger. Enfin, de nombreux gendarmes rendront d’importants services à la Résistance (renseignements, encadrement des unités...).


L’Armée secrète (A. S.)

L’O. R. A. n’est pas la seule formation armée de la Résistance. L’Armée secrète est constituée par la fusion des éléments armés des Mouvements unis de la Résistance (M. U. R.) en zone sud ; de Gaulle lui donne pour chef le général Delestraint. Ce dernier prend son commandement le 11 novembre 1942.


Les Francs-Tireurs et Partisans français (F. T. P. ou F. T. P. F.)

Ils constituent la troisième grande formation militaire de la Résistance française. Issus de l’organisation de défense du parti communiste, commandés par Marcel Prenant (né en 1893), puis par Charles Tillon, beaucoup de chefs F. T. P. ont combattu en Espagne dans les Brigades internationales. Malgré leur intégration de principe aux F. F. I. en 1944, ils conserveront en fait une large autonomie.


Quelle action entreprendre ?

Dans la situation nouvelle créée par l’occupation totale de la France, comment la Résistance va-t-elle orienter son action militaire ? Faut-il seulement se préparer en vue du débarquement allié ou se lancer dans une action immédiate de sabotage et d’attentats ? F. T. P. et parti communiste préconisent ce dernier choix. L’O. R. A. est plus nuancée, le général Frère s’y oppose, la croissance rapide de l’O. R. A. (50 000 hommes au premier semestre 1943) exigeant le silence. En août 1943, Verneau donne son accord à l’action immédiate que la « base » vient de commencer spontanément. Le général Revers, remplaçant Verneau en octobre, poursuit la même politique : interventions limitées aux individus dangereux pour la Résistance et aux objectifs intéressant les alliés, mais opposition aux attentats en ville contre les occupants (280 soldats allemands tués de janv. à oct. 1942) en raison des terribles représailles qu’ils engendrent. L’A. S. suit une politique analogue : pour ses créateurs, elle est un instrument de guerre mis à la disposition des Alliés pour la libération du territoire ; la préparation de l’insurrection est l’affaire du N. A. P. (Noyautage des administrations publiques), créé dans ce but. Après l’arrestation de Delestraint, l’A. S., commandée par un chef d’état-major, Pierre Dejussieu-Pontcarral, se rapprochera partiellement du point de vue F. T. P. Mais les attitudes ainsi définies ne sont pas seulement dictées par un souci de politique intérieure, elles traduisent une philosophie... Les Anglo-Saxons, préparant un débarquement en France, ne tiennent pas à y attirer les meilleures divisions allemandes, d’où les ordres transmis par le B. C. R. A. (Bureau central de renseignements et d’action dirigé à Londres par le colonel Passy) tendant à limiter l’action immédiate comme le font l’A. S. et l’O. R. A. Les Soviétiques au contraire, désirant voir diminuer la pression de la Wehrmacht sur leur front, souhaitent une résistance agressive en Europe occidentale...

Autre problème : à l’heure du débarquement, faut-il déclencher aussitôt l’insurrection générale visant la prise du pouvoir plus que la destruction de l’ennemi ? C’est ce que veulent les F. T. P. par une action à priorité urbaine. Faut-il au contraire, comme le désire l’O. R. A., mener une action liée aux progrès des Alliés : guérillas dans les campagnes paralysant les garnisons allemandes, regroupement progressif des unités jusqu’à leur jonction avec les forces régulières et participation avec elles à la poursuite de l’ennemi ? Cette position recoupe les directives du général de Gaulle du 16 mai 1944 sur l’emploi de la Résistance.


Les combats de la Résistance

Au début de 1944, les affaires militaires de la Résistance sont confiées à un comité militaire d’action, le Comidac, devenu Comac le 13 mai 1944. Cet organisme du Conseil national de la résistance est reconnu par le général de Gaulle ; il est composé de trois membres, qui seront finalement Pierre Villon, Maurice Kriegel-Valrimont et Jean de Vogüé (1898-1972). À prépondérance communiste, le Comac fera appel à des conseillers techniques militaires (Revers, Alfred Malleret-Joinville, Dejussieu-Pontcarral) et exercera une action limitée dans le domaine des opérations, tandis que son efficacité maximale sera obtenue dans l’organisation des commandements régionaux.