requiem (suite)
À partir du xviie s., la messe des morts subit de profonds changements avec l’avènement du style concertant. Elle devient une grande cantate avec chœur, solistes et orchestre. Les compositeurs cherchent à en faire une œuvre colorée et contrastée. Ils se servent de moins en moins des thèmes du plain-chant, et le texte du Dies irae, avec ses sentiments d’épouvante et de miséricorde, va les tenter : ainsi Lully*, dans son Dies irae gour voix et orchestre. Cependant, Étienne Moulinié (début du xviie s. - apr. 1668) écrit encore sa Missa pro defunctis (éditée en 1636) en style polyphonique a cappella, et P. F. Cavalli* compose pour ses obsèques un Requiem à 8 voix, utilisant les thèmes liturgiques. La Messe des morts de Jean Gilles (1669-1705) sera jouée à ses obsèques, à celles de Rameau et de Louis XV. Citons encore la Messe de Requiem (v. 1722) d’André Campra* et les œuvres de Giovanni Battista Bassani, d’Antonio Lotti, d’Antonio Caldara, de Francesco Durante, de Niccolo Jommelli, d’esprit assez mondain. La fin du xviiie s. s’illustre avec le Requiem de Johann Adolf Hasse (1763), celui de Johann Michael Haydn* (1771), celui d’Antonio Salieri et surtout celui de Mozart* (1791), dernière œuvre du maître, que la mort l’empêchera de terminer et qui sera achevée par son élève Franz Xaver Süssmayr. La Messe des morts (1760) de Gossec*, avec son Tuba mirum pour baryton, solo et deux orchestres, dont un pour les instruments à vent, annonce celle de Berlioz.
Au xixe s., les musiciens useront de toutes les ressources du grand orchestre et des voix pour marquer le drame de la mort. Ils écriront des œuvres monumentales, n’ayant plus grand rapport avec le service liturgique. La Messe de Requiem de Cherubini*, écrite pour les funérailles du duc de Berry, emploie une instrumentation brillante. La Grand-Messe des morts de Berlioz* sera exécutée aux Invalides pour les obsèques du général Damrémont (1837). Ses contrastes brusques, ses quatre fanfares de cuivres du Tuba mirum donnent une impression de grandeur et d’épouvante plus que de mysticisme. La Messa di Requiem (1874) de Verdi*, dédiée à la mémoire de l’écrivain A. Manzoni, s’augmente d’un Libera me composé pour la mort de Rossini. Elle s’inspire plus de l’esthétique théâtrale que de l’esthétique religieuse, malgré l’emploi d’une écriture sévère dans certains fragments (fugues du Sanctus et du Libera me). Opposés à cet esprit, mentionnons le Requiem de Gounod* (1842) et celui de Fauré* (1887-88), qui, par sa mesure, sa retenue dans l’expression et une certaine suavité, dégage une atmosphère de paix confiante. Pour cette période, retenons encore le Requiem de Schumann* (1852), celui de Liszt* (1883) et celui de Dvořák* (1890). Ein deutsches Requiem de Brahms* (1868) est une cantate funèbre sur un texte allemand du musicien, emprunté à l’Écriture sainte.
Parmi les contemporains, outre le Requiem de Désiré Émile Inghelbrecht (1941) et celui de Jean Rivier (1953), on citera celui de Maurice Duruflé (1947) pour soli, chœur, orgue et orchestre. Par sa concision et l’emploi qu’il fait des thèmes grégoriens, Duruflé renoue avec la meilleure tradition religieuse.
Y. de B.