Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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République (Ve) (suite)

Déçu, par ailleurs, par le contenu des accords de Nassau de décembre 1962, qui resserrent l’entente militaire américano-britannique — contrairement aux engagements pris envers lui par Harold Macmillan à Rambouillet les 15 et 16 décembre précédents —, il est convaincu, en outre, que les liens préférentiels unissant le Royaume-Uni au Commonwealth ainsi que l’existence des « balance sterling » et du système des « deficiency payments » dont bénéficie l’agriculture d’outre-Manche sont incompatibles avec l’adhésion de la Grande-Bretagne à l’Europe des Six : cette adhésion risquerait d’entraîner la dilatation de la Communauté européenne dans une sorte de vaste zone de libre échange atlantique. C’est pourquoi le chef de l’État oppose son veto aux deux premières candidatures du Royaume-Uni dans ses conférences de presse du 14 janvier 1963 et du 16 mai 1967.

Acceptant d’abréger les étapes du désarmement douanier (10 p. 100 de baisse le 1er janvier 1959, le 1er février 1960, le 1er juillet 1960 et le 1er janvier 1962), il accélère la mise en place du Marché commun agricole, en utilisant, si nécessaire, l’arme du veto contre les cinq partenaires de la France, contraints ainsi à souscrire aux accords de Bruxelles du 14 janvier 1962 (institution du prélèvement). Après la crise du 30 juin 1965 et l’accord de Luxembourg du 30 janvier 1966, il conduit les États de la Communauté européenne à accepter d’assumer le financement de la politique agricole commune (11 mai) et à mener à son terme le désarmement douanier avec deux ans et demi d’avance (1er juill. 1968).


La diversification des alliances

Adversaire de la politique des blocs, refusant, de ce fait, de souscrire aux accords américano-soviéto-britanniques de Moscou du 5 août 1963 sur l’arrêt des expériences nucléaires dans l’atmosphère, qui aurait, selon lui, figé au profit des trois pays signataires le rapport des forces existant dans le monde, le général de Gaulle entend nouer des liens nouveaux et solides avec les puissances communistes et avec les jeunes États du tiers monde. Il reçoit N. Khrouchtchev* en France en 1960 et A. Kossyguine en 1966, et il se rend lui-même en U. R. S. S. du 20 juin au 1er juillet 1966. Il ébauche ainsi avec l’Union soviétique une politique de coopération économique, technique et culturelle (accords du 30 juin 1966). D’autre part, il noue des contacts directs avec la République populaire de Chine, qu’il reconnaît le 27 janvier 1964, la Pologne et la Roumanie, où il se rend respectivement le 6 septembre 1967 et du 14 au 18 mai 1968.

Enfin et surtout, débarrassé de l’hypothèque algérienne depuis la signature des accords d’Évian, il entreprend de resserrer les liens de la France avec les pays du tiers monde : d’abord avec ceux de l’Afrique noire francophone, auxquels il offre une aide financière, technique, militaire et culturelle, et dont il facilite l’association à l’Europe des Six par la convention de Yaoundé du 20 juillet 1963 ; ensuite avec ceux du monde musulman, auprès desquels il bénéficie d’un prestige renforcé au lendemain de la condamnation qu’il porte contre l’action militaire menée par Israël pendant la guerre des six jours ; enfin, dans certains pays de l’Asie du Sud-Est, après qu’il a condamné l’intervention américaine au Viêt-nam par le discours de Phnom Penh du 1er septembre 1966. Ainsi le prestige personnel du général de Gaulle contribue-t-il à rehausser celui de la France sur le plan international comme en témoignent les voyages triomphaux du chef de l’État en Amérique latine (sept.-oct. 1964) et au Québec (juill. 1967).


L’Europe, la Méditerranée et le Proche-Orient

Contrainte de limiter sa contribution à la paix du Viêt-nam, écartée par l’U. R. S. S. et surtout par les États-Unis des négociations qui tentent de mettre fin en 1973 et en 1974 à la quatrième guerre israélo-arabe, la France doit renoncer à jouer un rôle déterminant dans la politique mondiale : G. Pompidou ne dispose pas, en effet, de l’immense autorité de son prédécesseur. Le président de la République, secondé par son ministre des Affaires étrangères Maurice Schumann (22 juin 1969 - 28 mars 1973), prend cependant l’initiative de réunir les 1er et 2 décembre 1969, à La Haye, une conférence au sommet des Six, qui s’assigne pour buts essentiels et immédiats l’approfondissement et l’élargissement du Marché commun. L’accord du 7 février 1970 sur le financement de la politique agricole commune, l’entrée de la Grande-Bretagne, du Danemark et de l’Irlande dans la C. E. E. le 1er janvier 1973 marquent la réalisation partielle de ces buts.

En fait, cette réussite apparente ne peut empêcher les conflits de renaître entre les Six, auxquels la France réussit à imposer la constitution d’une union économique et monétaire commune, décidée en 1973 à son initiative, mais dont la Grande-Bretagne, puis l’Italie empêchent la réalisation effective en prenant la décision de faire flotter respectivement la livre sterling le 23 juin 1972 et la lire en mars 1973. Mettant ainsi en danger le Marché commun agricole, qui repose sur un système de parités fixes, la prolongation de ces mesures « temporaires » invite la France, à son tour, à faire flotter le franc le 19 janvier 1974 pour garantir sa monnaie, qui flottait déjà depuis le 11 février 1973 avec les autres monnaies européennes vis-à-vis du dollar.

À l’égard des pays arabes, le gouvernement continue à mener une politique de collaboration : livraisons de matériel de guerre aux pays musulmans qui ne font pas partie du champ de bataille, telle la Libye, qui lui achète, dès décembre 1969, 110 « Mirage » ; rétablissement des relations diplomatiques avec le Maroc le 16 décembre 1969 ; rapprochement franco-tunisien, scellé par le voyage officiel de Ḥabīb Bourguiba à Paris en 1972 ; accords négociés avec certains États du Proche-Orient par le ministre des Affaires étrangères Michel Jobert lors de la crise du pétrole (janv.-févr. 1974).

Le rôle capital joué par la France à la jonction de l’Europe et du monde méditerranéen conduit les dirigeants soviétiques et américains à resserrer leurs liens avec elle. Après le séjour de Leonid Brejnev à Paris du 25 au 30 octobre 1971, les accords économiques et scientifiques franco-soviétiques se multiplient, et les liens se précisent lors du séjour de Georges Pompidou à Minsk en janvier 1973 et de celui de Leonid Brejnev à Paris en juin 1973. De même, après le voyage outre-atlantique de Georges Pompidou du 23 février au 3 mars 1970 et la rencontre Pompidou-Nixon aux Açores pour résoudre la crise du dollar le 13 décembre 1971, les liens franco-américains se resserrent. Mais, à la conférence de Washington sur les accords pétroliers (févr. 1974), la France s’oppose à la fois à la diplomatie américaine et à ses partenaires européens.