Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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République (Ve) (suite)

Pour pallier les conséquences sociales de la mutation de l’économie française, le gouvernement prend d’importantes mesures : création de l’assurance chômage complémentaire dès le 31 décembre 1958 ; généralisation des retraites complémentaires par l’accord du 8 décembre 1961 ; octroi de la quatrième semaine de congés payés aux ouvriers de chez Renault le 29 décembre 1962, mesure qui fait rapidement tache d’huile. Mais il se heurte à la méfiance des trois grandes centrales syndicales (C. G. T., C. F. D. T. et F. O.) lorsqu’il veut instaurer l’« association capital-travail » promise par le chef de l’État. Le mécontentement des syndicats se traduit par des grèves, dont la plus importante est celle des Charbonnages de France, où le conflit dure du 1er mars au 5 avril 1963. De nouvelles hausses accroissent l’inflation, qui se révèle très dangereuse pour les exportations. Le gouvernement constitue alors, le 13 mars, une « commission des sages » chargée d’élaborer une politique de revenus, dont les principes sont exposés dans le « rapport Massé », publié sous le nom de son président le 6 février 1964 ; puis il institue le 27 juillet 1963 un préavis de grève de cinq jours qui doit protéger les usagers contre les conséquences d’arrêts de travail inattendus ; enfin, il impose l’adoption, le 12 septembre, d’un « plan de stabilisation » (blocage des prix, limitation du crédit, abaissement des tarifs douaniers, remboursement anticipé des dettes extérieures, création du Fonds national de l’emploi ; etc.) visant à relancer les exportations. Celui-ci n’empêche pas d’entreprendre une fructueuse politique d’investissements à l’étranger, politique qui renforce la position internationale du franc, monnaie solide face à un dollar en difficulté, auquel il se substitue comme base de référence dans les accords commerciaux internationaux, au début de 1968.

Mais, freinant trop longtemps la hausse des salaires et donc la consommation, le plan de stabilisation rend difficile l’application du cinquième plan. Adopté par le Parlement le 19 novembre 1965, celui-ci se propose d’augmenter la productivité et de développer l’économie française dans un cadre non plus quadriennal et national, mais quinquennal et régional (1966-1970). Aussi le nouveau ministre des Finances, Michel Debré, doit-il promouvoir le 16 février 1966 un plan de relance dans la stabilité (création des « contrats de programme », mesures fiscales favorisant les investissements, etc.). En fait, la production et la consommation privée ne croissent respectivement que de 4,2 et de 3,8 p. 100 en 1967, au lieu des 5 p. 100 prévus, tandis que le nombre des chômeurs et des demandeurs d’emploi approche 500 000 au début de 1968. Et, paradoxalement, c’est la crise de mai-juin 1968 qui assure la reprise de l’expansion après un arrêt total de la production pendant plus d’un mois.


La politique de « concertation » et la relance

Les accords de Grenelle, conclus le 27 mai 1968 entre les représentants du gouvernement (Georges Pompidou, Jean-Marcel Jeanneney et Jacques Chirac), du patronat (C. N. P. F. et Confédération générale des petites et moyennes entreprises) et des syndicats (C. G. T., C. F. D. T., F. O., C. F. T. C., C. G. C. et F. E. N.), prévoient une augmentation des salaires en moyenne de 10 p. 100, la réduction d’une ou de deux heures de la semaine de travail avant 1970, des garanties pour les libertés syndicales, etc.

Contestés comme insuffisants par nombre d’ouvriers (Renault), ils n’empêchent pas, dans l’immédiat, les grèves de se prolonger. De plus, ils provoquent une hausse des prix d’autant plus menaçante pour les exportations que celles de la République fédérale d’Allemagne sont favorisées par la sous-évaluation du mark. Spéculant alors sur la réévaluation du mark et sur la probable dévaluation du franc, les détenteurs de cette dernière devise exportent leurs capitaux à l’étranger. Déjà atteint par une première hémorragie financière au lendemain du 13 mai, le franc s’affaiblit une seconde fois, entraînant une diminution considérable des réserves de la France en or et en devises. Le refus du général de Gaulle de dévaluer le franc le 23 novembre, le rétablissement du contrôle des changes le 25, l’adoption d’un programme d’austérité le 26 (majoration de la T. V. A. [taxe à la valeur ajoutée]) ralentissent la spéculation, qui reprend de nouveau au profit du mark à la suite de la démission du général de Gaulle le 28 avril 1969. Et c’est pour y mettre un terme définitif et relancer les exportations que Georges Pompidou se résout à dévaluer, par surprise, le franc de 12,5 p. 100, le 8 août 1969.

Les mesures d’accompagnement décidées le 28 août (tirage sur le Fonds monétaire international ; emprunt aux pays de la C. E. E.), et l’adoption d’un plan d’austérité le 3 septembre assurent la réussite de la dévaluation à la veille de la mise en œuvre du sixième plan (1971-1975), qui doit assurer le déblocage de la société française. La politique définie par Jacques Chaban-Delmas sur le thème de la « nouvelle société » le 16 septembre repose sur trois idées maîtresses : la participation aux résultats et à la gestion, la concertation et l’amélioration des conditions de travail et de vie.

Lancée depuis longtemps par le général de Gaulle, amorcée par l’amendement Vallon à la loi du 12 juillet 1965, « garantissant les droits des salariés sur l’accroissement des valeurs d’actifs des entreprises dû à l’autofinancement », et par les ordonnances du 17 août 1967 sur l’intéressement*, la première de ces idées est reprise par Georges Pompidou lorsqu’il institue, par les lois du 2 janvier 1970 et du 4 janvier 1973, l’actionnariat ouvrier, d’abord chez Renault, puis dans de nombreuses entreprises nationales.

La concertation, pratiquée dans le secteur privé (accords syndicats - C. N. P. F. du 10 février 1969 sur la sécurité de l’emploi), est étendue au secteur public par Jacques Chaban-Delmas avec la signature, le 10 décembre 1969, d’un premier « contrat de progrès » entre la direction et les syndicats de l’E. D. F. - G. D. F. à l’exclusion de la C. G. T. Enfin, de nombreuses mesures législatives contribuent à l’amélioration des conditions de travail et de vie : substitution du S. M. I. C. (salaire minimum interprofessionnel de croissance) au S. M. I. G. (salaire minimum interprofessionnel garanti) le 10 décembre 1969 ; mensualisation progressive des salaires à partir du 20 avril 1970 ; institution de la formation permanente par la loi du 16 juillet et les cinq décrets du 11 décembre 1971 ; amélioration du régime des retraites par la loi du 31 décembre 1971 ; réduction du temps de travail depuis 1971 ; création de nouvelles prestations familiales par les dispositions de la loi du 3 janvier 1972 ; enfin amélioration des conditions de travail prévue par le projet de loi du 15 décembre 1972.