Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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République (Ve) (suite)

Faisant partie, au même titre que les Affaires étrangères et la Défense, du domaine réservé au chef de l’État, le problème algérien a donc finalement contribué à renforcer le pouvoir de ce dernier. En votant les 2 et 3 février 1960 la loi autorisant le gouvernement à faire des ordonnances sous la signature du président de la République et non sous celle du seul Premier ministre, les députés avaient bien montré quel était pour eux le réel détenteur du pouvoir exécutif.


Les deux premiers ministères Georges Pompidou (14 avr. 1962 - 8 janv. 1966)

En choisissant son ancien directeur de cabinet Georges Pompidou* comme Premier ministre le 14 avril 1962, le général de Gaulle renforce le caractère présidentiel du régime. En contrepartie, il tente de faire entrer dans le nouveau gouvernement des personnalités politiques de premier plan : Edgar Faure, qui refuse en raison de l’opposition du parti radical-socialiste ; Pierre Pflimlin et Maurice Schumann, membres du M. R. P., qui acceptent, puis démissionnent au lendemain de la conférence de presse du chef de l’État du 15 mai au cours de laquelle celui-ci déclare que la seule Europe possible est celle des États. L’opposition parlementaire, renonçant à renverser le gouvernement le 16 juillet, se constitue en « cartel des non » lorsque le général de Gaulle décide, le 12 septembre, de soumettre à référendum l’élection du président de la République au suffrage universel, afin de se doter et surtout de doter son successeur de l’appui populaire nécessaire à l’exercice de ses responsabilités dans le cas où lui même serait victime d’un attentat analogue à ceux auxquels il a échappé à Pont-sur-Seine le 8 septembre 1961 et au Petit-Clamart le 22 août 1962. Après avoir voté le 5 octobre une motion de censure qui renverse le premier gouvernement de Georges Pompidou, le « cartel des non » subit un double échec : le 28 octobre, 12 809 363 électeurs métropolitains (61,70 p. 100 des suffrages exprimés) approuvent en effet le recours au suffrage universel pour désigner le chef de l’État, alors que l’opposition ne rassemble que 7 932 695 non (38,2 p. 100 des suffrages exprimés), le nombre des abstentionnistes restant stable (6 280 297, soit 22,70 p. 100 du corps électoral) ; les 18 et 25 novembre, la majorité gouvernementale sort renforcée des élections législatives grâce au succès remporté par l’U. N. R. - U. D. T. (Union démocratique du travail) [233 élus], soutenue par les Républicains indépendants de Valéry Giscard d’Estaing détachés du C. N. I. entre les deux tours (35 élus). Ces élections donnent au général de Gaulle les moyens d’appliquer son programme sans l’opposition des partis politiques. Elles contribuent, par ailleurs, à faire sortir le P. C. F. (41 élus) de l’isolement dans lequel il était plongé depuis 1947 ; en effet, le 12 novembre, le socialiste Guy Mollet a invité à voter au second tour en faveur des candidats communistes s’ils restent seuls en présence de l’U. N. R. Appelé à reconstituer son gouvernement dès le 28 novembre, Georges Pompidou met en chantier des réformes de structure : remodelage administratif de la Région parisienne, création de l’O. R. T. F., etc. Mais il ne peut empêcher une certaine surchauffe de l’économie française, qui déclenche un processus inflationniste. Pour l’enrayer, le gouvernement met en œuvre le « plan de stabilisation », élaboré par le ministre des Finances Valéry Giscard d’Estaing, mais qui, maintenu trop longtemps en application, freine l’expansion économique. Le mécontentement qui en résulte est exploité naturellement par les oppositions, qui, à partir de 1963, tentent de se regrouper en vue de l’élection présidentielle de 1965. Soutenu par les clubs de gauche, le socialiste Gaston Defferre pose sa candidature dès le 18 décembre. Mais il ne peut faire entériner son projet de « Fédération démocrate socialiste », qui échoue, dans la nuit du 17 au 18 juin 1965, du fait de l’opposition profonde de la S. F. I. O. et du M. R. P., en particulier en matière d’enseignement. Aussi retire-t-il sa candidature dès le 25 juin, laissant la place à François Mitterrand, qui pose la sienne dès le 9 septembre et fonde le 10 la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (F. G. D. S.), unissant la S. F. I. O., le parti radical-socialiste, la Convention des institutions républicaines et l’U. D. S. R. Appuyé par la F. G. D. S. et le parti communiste, François Mitterrand devient le « candidat unique de la gauche » à la présidence de la République face au général de Gaulle, au centriste Jean Lecanuet (président du M. R. P.), au représentant de la droite libérale (Pierre Marcilhacy), à celui de l’extrême droite (Jean-Louis Tixier-Vignancour) et à un adversaire de l’Administration toute-puissante et méprisante à l’égard du citoyen, Marcel Barbu. Le 5 décembre, le général de Gaulle est mis en ballottage au premier tour (avec 43,47 p. 100 des voix), mais il est réélu le 19 décembre président de la République avec 55,20 p. 100 des suffrages exprimés, François Mitterrand en obtenant 44,80 p. 100.


Le second septennat (8 janv. 1966 - 28 avr. 1969)

Georges Pompidou constitue son troisième gouvernement (8 janv. 1966 - 1er avr. 1967), au sein duquel Michel Debré remplace au ministère des Finances Valéry Giscard d’Estaing.

Enhardie par le succès que représente pour elle la mise en ballottage du général de Gaulle au premier tour de l’élection présidentielle, l’opposition se regroupe, d’une part, autour du Centre démocrate, créé le 2 février 1966 par Jean Lecanuet, qui en a publié le manifeste à caractère nettement européen dès le 7 janvier, et, d’autre part, autour de la F. G. D. S. ; celle-ci constitue le 29 avril et le 5 mai un « contre-gouvernement » sous la présidence de François Mitterrand, qui signe le 20 décembre un accord de désistement réciproque avec le parti communiste, applicable entre le premier et le second tour des élections des 5 et 12 mars 1967. Affaiblie par l’exploitation que fait l’opposition de l’affaire Ben Barka, ébranlée par le « oui mais » de Valéry Giscard d’Estaing, attitude que condamne le chef de l’État (« on ne gouverne pas avec des mais »), la majorité réussit, grâce à l’unité de candidature sous l’étiquette « Ve République », à conserver de justesse la majorité absolue avec 244 élus ; les 40 sièges perdus par elle bénéficient pour l’essentiel au P. C. F. (73 élus ; + 32), au P. S. U. (4 élus ; + 3) et à la F. G. D. S. (116 élus ; + 25), qui tirent également profit du recul des divers gauches (5 ; – 8), du Centre démocrate (27 ; – 15), recul, en fait, difficile à chiffrer en raison des prétentions du Centre démocrate et des gouvernementaux à s’attribuer ces derniers sièges ainsi que ceux des 15 élus modérés.