Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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République (IIIe) (suite)

Toute cette période est marquée par un net redressement économique du pays. Ministre des Travaux publics de décembre 1877 à décembre 1879, l’ingénieur Charles de Freycinet (1828-1923) élabore un plan — le plan Freycinet — dont l’essentiel consiste à terminer le réseau de chemin de fer, à compléter le système de voies navigables et à doter les ports de commerce d’un outillage moderne ; son but est de favoriser l’expansion économique tout en assurant des marchés aux industries lourdes françaises.


La République opportuniste (1879-1899)

La majorité républicaine est divisée entre opportunistes et radicaux. Ceux-ci ont en commun une philosophie, le positivisme, mais, tandis que les premiers (l’Union républicaine de L. Gambetta* aussi bien que la Gauche républicaine de J. Ferry*) souhaitent réaliser progressivement des réformes (surtout politiques et scolaires), les seconds — animés par G. Clemenceau* — voudraient les précipiter. Hantée par le souvenir de la Commune, la IIIe République est, à ses débuts, moins « sociale » que le second Empire.

Un homme, Gambetta, pourrait donner au régime une impulsion vigoureuse, mais Grévy l’écarté longtemps de la présidence du Conseil au profit de Waddington, Freycinet et Ferry. Ce dernier, président du Conseil pour la première fois de septembre 1880 à novembre 1881, fait voter la gratuité de l’enseignement primaire, l’extension aux jeunes filles du bénéfice de l’enseignement secondaire d’État et quelques-unes des lois fondamentales de la démocratie (liberté de réunion [juin 1881], liberté de presse [juill. 1881]). Mais cette politique se teinte d’un certain anticléricalisme, comme en témoigne la dissolution, en 1880, de 300 congrégations (3 000 membres) non autorisées. Quand Gambetta obtient le pouvoir, il est déjà usé ; en butte à de nombreuses oppositions, son « grand ministère » est vite renversé (nov. 1881 - janv. 1882).

Durant les années qui suivent (1882-1885), une certaine instabilité parlementaire — accentuée par le fait que le pouvoir exécutif effectif glisse du président de la République au président du Conseil — ne doit pas faire oublier une grande continuité dans l’enracinement de l’idéal républicain. Jules Ferry incarne cet idéal soit comme ministre de l’Instruction publique dans le second cabinet Freycinet (janv. - août 1882), soit, de nouveau, comme Premier ministre (févr. 1883 - avr. 1885) : c’est ainsi qu’il introduit dans la législation l’obligation et la laïcité de l’enseignement (mars 1882). Surtout, trois lois fondamentales sont votées en 1884 : loi Waldeck-Rousseau (21 mars), qui fonde officiellement le syndicalisme français ; loi municipale (5 avr.), qui donne à toutes les communes (sauf à Paris) un régime uniforme décentralisé ; loi Naquet (27 juill.), qui institue le divorce. Cette même année voit se multiplier les actes de laïcisation.

Jules Ferry — « le Tonkinois » — mène une politique d’expansion coloniale (établissement d’un protectorat sur la Tunisie en 1881 ; pénétration en Afrique noire, à Madagascar et en Indochine) qui mécontente aussi bien la droite, qui craint les aventures, que la gauche, qui ne songe qu’au retour de l’Alsace et de la Lorraine à la France. Animée par Georges Clemenceau, cette double opposition chasse Ferry du pouvoir à la faveur de l’incident de Lang Son (30 mars 1885).

Autre facteur de malaise : la crise économique qui naît en 1882, dont les bourgeois au pouvoir ne veulent pas voir toutes les conséquences sociales. Si bien que c’est en marge du monde politique, mais d’une manière de plus en plus pressante, que grandit le mouvement socialiste.

Une crise du régime s’amplifie après les élections législatives d’octobre 1885, qui voient se renforcer la droite et surtout l’extrême gauche radicale. En décembre 1887, le « scandale des décorations », dans lequel est principalement compromis Daniel Wilson (1840-1919), gendre du président de la République, oblige Jules Grévy à démissionner (2 déc.). Il est remplacé par Sadi Carnot*.

Mais déjà le beau général Georges Boulanger*, ministre de la Guerre dans les cabinets Freycinet et Goblet (janv. 1886 - mai 1887), s’impose comme « le syndic de tous les mécontents », qu’ils soient royalistes ou républicains. Symbole d’un nationalisme exacerbé, il monte à l’assaut de la République, porté par les foules qui l’acclament et font de lui un député. Cependant, en janvier 1889, ses hésitations devant un coup de force provoquent sa perte.

Au moment où a lieu à Paris la très brillante Exposition universelle de 1889, la France républicaine semble épanouie. Son armée a retrouvé sa puissance ; longtemps isolée sur le plan diplomatique, elle est assurée, à partir de 1890, de trouver en la Russie tsariste une alliée décidée à intervenir à ses côtés en cas de conflit, contre les Empires centraux.

Pourtant, de graves difficultés s’annoncent. Une nouvelle période de stagnation économique commence en 1893, qui touche les petits rentiers, les ouvriers et surtout les paysans. C’est pourquoi Jules Méline (1838-1925), ancien ministre de l’Agriculture élu président de la commission des Douanes, fait établir les « tarifs Méline » (juill. 1892), qui, en protégeant les producteurs de blé, empêchent la France de faire sa révolution agricole. Quant à la classe ouvrière, durement marquée par la civilisation industrielle, elle s’organise et se manifeste avec l’aide du socialisme*, du syndicalisme* et, partiellement, du catholicisme* social, en plein renouvellement (v. ouvrière [question]) ; la fusillade de Fourmies (1er mai 1891) est l’illustration sanglante d’un conflit de classes qui ne fera que s’aggraver.

Sur le plan politique, la République marque un point quand Léon XIII* invite les catholiques français à rallier le régime qu’elle représente (encyclique Au milieu des sollicitudes, [16 févr. 1892]). Mais, outre que la masse des catholiques se montre rétive à cette invite, le scandale de Panamá*, qui atteint son paroxysme en 1893, favorise l’opposition nationaliste et royaliste en même temps qu’il renforce la position des socialistes : ceux-ci, à la suite des élections du 20 août et du 3 septembre 1893, sont représentés à la Chambre par Jaurès*, Guesde*, Viviani, Millerand*, Sembat, Vaillant. Les attentats anarchistes* qui se multiplient entre 1892 et 1894 (en juin 1894, le président Sadi Carnot est assassiné à Lyon) semblent ébranler un peu plus le régime.