Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

renseignement (service de) (suite)

Les services spéciaux allemands

Dès 1750, Frédéric II élève au rang d’« appareil d’État » le service de renseignement hérité de son père. Après une période de déclin, il est remis en honneur au xixe s. sous le nom de Nachrichtendienst. Sous la direction de Wilhelm Stieber (1818-1882), il aidera puissamment la Prusse de 1870-71, et sous celle du colonel Walther Nicolai, l’Allemagne de 1914-1918. Le régime nazi développera beaucoup plus encore les services spéciaux, qui, au nombre de neuf, se concurrencent et contrarient sans cesse leur action. Parmi eux on citera : le Service de renseignement militaire de l’armée, ou Abwehr, dirigé depuis 1935 par l’amiral Wilhelm Canaris (1887-1945) ; l’Office central de sécurité du Reich (Reichssicherheitshauptamt, ou RSHA), relevant de Himmler et dirigé par Reinhard Heydrich (1904-1942), puis par Ernst Kaltenbrunner (1903-1946) et coiffant en particulier la fameuse police secrète d’État, ou Gestapo ; le Service de renseignement des affaires étrangères, placé sous l’autorité de Joachim von Ribbentrop (1893-1946) et le Service de sécurité du parti nazi (Sicherheitsdienst, ou SD), dont le secteur « étranger » était dirigé par Walter Schellenberg (1910-1952). Après une lutte implacable, qui aboutit notamment à l’éviction en 1944 de l’amiral Canaris, l’ensemble des services spéciaux fut coiffé par les hommes de Himmler, qui y généralisèrent les méthodes sinistres de la Gestapo.

Tous ces services ont disparu dans le naufrage de l’Allemagne en 1945. L’un d’entre eux toutefois, le Service des armées étrangères « est » (Abteilung fremde Heere Ost), chargé au grand quartier général de l’armée de terre du renseignement sur les forces soviétiques et dirigé par le colonel Reinhard Gehlen (né en 1902), sera reformé après la guerre pour le compte des Américains, auxquels Gehlen avait versé ses archives. C’est de l’Organisation Gehlen (dont le chef a conservé ses fonctions jusqu’en 1968) qu’est né en 1955 à Pullach im Isartal (près de Munich) le Bundesnachrichtendienst (BND), service de renseignement de l’Allemagne fédérale, qui comptait en 1972 environ 4 000 titulaires et dont l’école de formation est installée à Bad Ems. Aux côtés du BND, il existe deux autres services spéciaux dans l’Allemagne occidentale, le Militärischer Abschirmdienst (MAD), service de sécurité intérieur à la Bundeswehr, et un service de sûreté fédéral chargé de la surveillance du territoire.


Les services spéciaux soviétiques

La création des premiers services secrets de l’empire russe remonte au règne d’Ivan IV le Terrible (1533-1584), où, sous le nom d’Opritchnina, un réseau serré d’informateurs est créé au service du tsar. Dès sa prise du pouvoir, Lénine se hâte de substituer à son lointain successeur, l’Okhrana (ou « protection »), créée en 1881, une police politique dite Tcheka (ou commission extraordinaire), qui conservera son organisation et ses méthodes. Instituée le 20 décembre 1917 comme « les oreilles et les yeux de la guerre civile », elle mènera la « forme supérieure de lutte du parti communiste ». Conçue à l’origine pour les affaires intérieures, la Tcheka étend rapidement son action à l’extérieur de la Russie et devient un organe de renseignement, de contre-espionnage et d’intervention. En 1922, elle prend le nom de Guépéou (GPU), ou Direction politique de l’État. Son pouvoir étant devenu redoutable pour les dirigeants soviétiques eux-mêmes, elle est supprimée en 1934, et ses attributions sont confiées au Commissariat du peuple aux affaires intérieures, ou NKVD, dirigé à partir de 1938 par Lavrenti Pavlovitch Beria (1899-1953). En 1941, le NKVD est lui-même scindé en deux organismes, le NKVD et le NKGB, Commissariat du peuple pour la sécurité de l’État chargé de tous les problèmes de renseignements à l’étranger. Désignés par les sigles MVD et MGB lorsque les « commissariats du peuple » seront devenus des ministères, ces organismes seront coiffés par Beria, dont la chute sera provoquée en 1953 par la mort de Staline. En 1954, le MGB devient KGB, ou Comité de sécurité de l’État, qui, avec le GRU (Direction principale du renseignement), service militaire relevant de l’état-major soviétique, assure la responsabilité de l’ensemble des services de renseignement de l’U. R. S. S. Le KGB est articulé en trois grands services : recherches et contre-espionnage extérieurs ; contre-espionnage intérieur ; écoles de formation, qui jouent un rôle essentiel. On estime en effet que le total des agents relevant du KGB s’élevait en 1970 à environ 150 000 personnes, dont 40 000 spécialistes de la recherche. Présent partout dans le monde, le KGB, instrument de la politique de l’U. R. S. S., agit avec la plus grande souplesse, notamment par l’existence à l’étranger d’une double filière, l’une officielle, l’autre clandestine. Le « réseau ouvert » est constitué par les représentants officiels (diplomatiques, commerciaux, ...) de l’U. R. S. S., la seconde filière, absolument indépendante d’eux, est totalement clandestine. L’une et l’autre sont tour à tour, voire simultanément, mises en œuvre en fonction du climat politique local, de la personnalité des représentants officiels de l’U. R. S. S., de la nature de l’objectif poursuivi. L’expansion mondiale de la puissance soviétique depuis 1945 a engendré un développement correspondant de ses services spéciaux, qui coiffent en outre leurs homologues dans les États du pacte de Varsovie*.


La CIA et les services américains

Sans remonter aux très secrets services de renseignement de Washington et de Franklin, ou à ceux de la guerre de Sécession, on peut admettre que c’est vers 1880 qu’apparaissent aux États-Unis les premiers organismes permanents en ce domaine. La Division d’information militaire pour l’armée, le Bureau de navigation pour la marine ont subsisté sans connaître une grande activité jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Mais, au lendemain de Pearl Harbor, le président Roosevelt créa un véritable service de renseignement qui prit en 1942 le nom d’Office of Strategic Services, ou OSS. Son véritable chef fut le colonel William Donovan (1883-1959) et son action fut essentielle tant en Europe, par sa branche « guérilla et résistance », qu’en Extrême-Orient. L’OSS fut dissoute en 1945, mais son service « renseignement » fut conservé et passa sous l’autorité d’une agence groupant tous les services spéciaux des États-Unis. Organisée en 1947 par le président Truman, cette agence prit le nom de Central Intelligence Agency, ou CIA.