Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Rennes (suite)

Dès le ixe s., les pillards normands submergent la Bretagne, entrent à Rennes, ravagent et pillent l’abbaye de Saint-Mélaine, mais ne peuvent emporter le château. Alain II Barbe-Torte les chasse définitivement et les Bretons lui défèrent le titre de duc de Bretagne (938-952). Une nouvelle ère belliqueuse s’ouvre bientôt entre les comtes de Rennes et les comtes de Nantes dont l’enjeu est la dignité ducale. Les premiers finissent par s’imposer avec Conan Ier le Tort (970-992), Geoffroi Ier (992-1008) et Alain III (1008-1040), qui se font successivement couronner ducs de Bretagne à Rennes. Enfin, en 1084, Alain IV Fergent réunit le comté de Rennes au domaine ducal et la paix s’instaure.

Au xive s., la guerre de Succession (v. Cent Ans [guerre de]) agite le duché à la mort du duc Jean III en 1341. Rennes connaît des heures tragiques entre les armées de Charles de Blois-Châtillon, soutenues par le roi de France, et celles de Jean de Montfort, qui s’emparent de la ville dès l’ouverture des hostilités. L’année suivante Rennes se donne à Charles de Blois et subit un siège des Anglais, alliés de Jean de Montfort, qui ne parviennent pas à la faire capituler. En 1356, le duc de Lancastre l’investit de nouveau.

La guerre prend fin le 29 septembre 1364 avec la mort de Charles de Blois à la bataille d’Auray. Le fils de Jean de Montfort est reconnu duc et règne sous le nom de Jean IV (1365-1399). Le duché vit paisiblement pendant la première moitié du xve s. À la fin de ce siècle, Charles VIII l’envahit, assiège Rennes (15 nov. 1491), tragédie qui se termine en idylle par le mariage de la duchesse Anne et du roi (6 déc.).

En 1532, l’union avec la France est consommée, et le dauphin François reçoit solennellement la couronne ducale à Rennes le 14 août. Le 28 mars 1548, Henri II accorde un conseil municipal à la ville, qui obtient, en 1592, le droit d’avoir une « maison de ville » et un maire, lequel ne sera électif qu’en 1604, et même pour peu de temps. Il faudra attendre les lettres patentes données par Louis XVI le 15 juillet 1780, reconnaissant aux Rennais la liberté de se choisir une assemblée municipale présidée par un maire élu pour quatre ans. En 1554, Henri II crée le parlement de Bretagne, qui siège alternativement à Rennes et à Nantes, puis est transféré à Rennes définitivement par un édit de 1561.

Au début de la Ligue, le duc de Mercœur occupe la ville le 13 mars 1589, mais doit l’abandonner peu après. En 1598, à son retour de Nantes, où il a signé le 13 avril l’édit de pacification, Henri IV fait son entrée solennelle. La lune de miel commencée avec le roi Henri s’assombrit en 1675. De nouveaux impôts provoquent une révolte au cours de laquelle, le 17 juillet, on incendie le bureau du papier timbré. Le duc de Chaulnes, gouverneur de la Bretagne, châtie durement la province et exile à Vannes le parlement, qu’il accuse du soulèvement. La punition dure jusqu’en octobre 1689. Mais le parlement reste l’indomptable défenseur des libertés reconnues à la Bretagne, et, quand le comte de Bissy veut faire enregistrer de force, le 10 mai 1788, des édits qui y portent atteinte, des manifestations se déploient dans toute la ville. La réunion des états, au début de 1789, relance l’agitation ; le 27 janvier, c’est l’émeute, à laquelle prennent part les étudiants en droit, menés par Moreau, leur prévôt, le futur général. Comme le remarquera Chateaubriand, « les premières gouttes de sang versées par la Révolution coulèrent à Rennes ». Cependant, la Terreur s’y fait moins sentir qu’en bien d’autres villes malgré le passage de Jean-Baptiste Carrier. En 1795, des pourparlers de paix ont lieu entre les chouans* et Hoche au manoir de La Mabilais, non loin de Rennes.

Avec le Consulat, la ville retrouve le calme. Le second Empire laissera le souvenir de la visite de Napoléon III et de l’impératrice (20 août 1858).

Lors de la Seconde Guerre mondiale, les bombardements causent de grands dégâts à la ville.

M. M.


Le développement démographique et économique

Située au confluent de l’Ille et de la Vilaine, dans une région de terres relativement basses, Rennes est la seule grande ville de Bretagne sans rapport avec la mer. Construite sur une butte dominant les marécages du confluent, l’ancienne Condate gauloise, bénéficiant de possibilités de défense, mais aussi de circulation, fut le lieu de convergence d’un faisceau de voies anciennes. Au cours des siècles se développe alors la quadruple fonction de la cité : militaire, commerciale, religieuse (siège épiscopal, puis archiépiscopal, résidence de nombreuses communautés religieuses) et administrative (surtout à partir du xvie s., lorsque le parlement de Bretagne y fut installé). La ville, depuis le xixe s., a profité de l’exode rural, à partir de campagnes surpeuplées. Après une phase d’expansion rapide (la population passa de 40 000 hab. en 1851 à 69 000 hab. en 1891), le rythme de croissance se ralentit dans les premières décennies du xxe s. (83 000 hab. en 1930). Mais depuis 1945, le taux moyen annuel d’accroissement a été voisin de 3 p. 100 (124 000 hab. en 1954, 157 000 hab. en 1962, 189 000 hab. en 1968, plus de 200 000 en 1975). Cette croissance rapide, qui place Rennes dans le peloton de tête des grandes villes françaises, est surtout liée au dépeuplement rural des départements agricoles voisins (le solde migratoire représente plus de 60 p. 100 de cette croissance), mais Rennes est aussi une ville jeune (45,4 p. 100 des habitants ont moins de 25 ans), à forte natalité. Cet afflux de population vers la capitale régionale profite également aux bourgs ruraux limitrophes, où l’on observe un renversement des tendances démographiques. Cela explique la création en 1970 du district urbain de l’agglomération rennaise, regroupant Rennes et 26 communes proches, soit 262 000 habitants, et on envisage « 500 000 Rennais de l’an 2000 ». Le rajeunissement de la population et la création d’emplois féminins ont augmenté le taux d’activité (41 p. 100 de personnes au travail en 1968), mais la composition sociale change très lentement. Le développement industriel augmente le nombre des ouvriers, mais leur proportion reste relativement faible (34,4 p. 100), car parallèlement s’accroissent le secteur commercial et le rôle régional, qui renforcent la place des cadres moyens et supérieurs (15 p. 100 en 1962, 20 p. 100 en 1968). La croissance des emplois (31 000 créés en quinze ans) a essentiellement renforcé le caractère tertiaire de la ville.