Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

relativité (suite)

Dynamique relativiste

Dans la transformation de Lorentz, les lois classiques de la mécanique newtonienne ne sont conservées qu’en première approximation et valables qu’aux faibles vitesses. La relativité restreinte permet d’établir des lois plus exactes. On peut, en particulier, montrer que la masse d’une particule dépend de sa vitesse de la façon suivante : la quantité de mouvement d’une particule est définie dans un système S comme le produit de sa masse m par sa vitesse dans ce système :

Le théorème le plus puissant de la mécanique indique que, pour un système mécanique isolé (qui n’est soumis à aucune force extérieure), la somme des quantités de mouvement des différentes particules qui le constituent est constante. Si l’on suppose que ce théorème est valable dans tout système de référence inertiel, conformément au principe de relativité, on peut montrer que la quantité de mouvement d’une particule ayant la vitesse u par rapport à un système S est donnée dans le système par l’expression

m0 est la masse d’une particule identique au repos dans le système S. Étant donné la définition de , on peut écrire que la masse de la particule en mouvement est

Le reste de la dynamique relativiste est simple dans son principe. La seconde loi de Newton, qui lie la forme exercée sur une particule à la variation de sa quantité de mouvement , est encore valable :

mais il ne faut pas écrire puisque m varie avec la vitesse (l’expression correcte est

La définition du travail dW effectué pendant le déplacement est inchangée : Dans le cas où ce travail sert entièrement à accélérer une particule, il est égal à la variation d’énergie de celle-ci. En l’écrivant algébriquement, on en déduit l’expression de l’énergie cinétique

expression qui se réduit à l’expression newtonienne aux faibles vitesses.

La dynamique relativiste a fait l’objet de nombreuses vérifications expérimentales, concernant notamment le comportement des particules de grande vitesse observées dans les chambres de Wilson ou les chambres à bulle, et ces vérifications sont parfaitement satisfaisantes.

La propriété naturelle la plus importante prévue par la relativité restreinte est l’équivalence de la masse et de l’énergie. La discussion précédente montre déjà qu’en fournissant de l’énergie à une particule on augmente sa vitesse et donc sa masse. Si l’on considère maintenant un ensemble de particules en mouvement les unes par rapport aux autres, sa masse totale est plus grande que la somme des masses qu’auraient ces particules si elles étaient au repos, même si ce système (un gaz par exemple) est enfermé dans une enceinte immobile par rapport à l’observateur. Ainsi, l’énergie cinétique interne du système correspond à une augmentation de masse

Comme l’a montré Einstein, cela peut être généralisé à d’autres formes d’énergie que l’énergie cinétique. Ainsi, tout corps qui emmagasine une énergie ΔE voit sa masse augmenter d’une quantité ΔM telle que
ΔE = ΔM ∙ c2.

L’importance pratique de cette relation est énorme. Elle permet de prévoir par exemple le phénomène d’annihilation, qui est d’observation courante dans les laboratoires de physique nucléaire. Lorsqu’une particule élémentaire rencontre l’antiparticule correspondante, celles-ci disparaissent, leur masse se transformant en énergie électromagnétique, qui apparaît sous la forme de deux photons γ ; inversement, l’énergie électromagnétique peut se matérialiser en couples particule-antiparticule.

Par ailleurs, certaines particules peuvent transformer partiellement leur masse en énergie électromagnétique : par exemple, deux noyaux de deutérium (formés chacun d’un électron et d’un proton) peuvent se combiner pour former un noyau d’hélium dont la masse est moindre que celle de la somme des masses des noyaux constituants, la différence des masses étant convertie en énergie électromagnétique (photons γ) ; ce type de conversion est réalisé dans les bombes thermonucléaires, et l’on essaye, sans succès jusqu’ici, de le réaliser d’une façon moins violente, ce qui résoudrait complètement le problème de l’énergie sur la Terre. Inversement, on peut fabriquer par collision de noyaux des noyaux plus lourds, dont la masse est plus grande que la somme des masses des noyaux constituants, l’excès de masse étant emprunté à l’énergie cinétique des noyaux initiaux. Ces effets, prévus par Langevin dès 1913, apportent la confirmation la plus éclatante de la validité de la théorie de la relativité restreinte.


Relativité générale


Concepts de base ; le principe d’équivalence

Comme nous l’avons dit, la relativité restreinte est insuffisante, d’une part parce qu’elle prévoit l’invariance des lois de la physique seulement dans des systèmes d’inertie, et non pas dans n’importe quel système de référence, et d’autre part parce qu’elle n’est pas une théorie de la gravitation. Einstein a franchi vers 1916 le pas vers une telle généralisation. Le point de départ de son raisonnement est une réflexion sur la gravitation. Considérons par exemple, dans un système d’inertie, des corps soumis à un champ de gravitation uniforme : on les verra se mouvoir d’un mouvement uniformément accéléré. Si, d’autre part, on observait dans un système non inertiel en mouvement uniformément accéléré des corps qui ne seraient soumis à aucune force (de gravitation par exemple), on les verrait également se mouvoir d’un mouvement uniformément accéléré. Tout se passe pour l’observateur de cette seconde expérience comme si les corps étaient placés dans un champ de gravitation : il n’est pas possible de distinguer les deux cas par une expérience locale ; c’est le principe d’équivalence. Ce principe prévoit, en particulier, qu’il doit y avoir équivalence totale entre la masse pesante m d’un corps — rapport de la force f exercée sur lui à la gravitation g (dont la pesanteur est un cas particulier) : m = f/g — et sa masse inerte m′ — rapport de la force f ′ exercée sur lui à l’accélération γ qu’il subit : m′ = f ′/γ. L’équivalence de la masse pesante et de la masse inerte a été effectivement constatée expérimentalement dès 1890 par L. Eötvös, puis avec une précision accrue par d’autres auteurs : les dernières expériences montrent que l’équivalence est réalisée à 10–12 près.