Reims (suite)
Cette dernière est le grand chef-d’œuvre gothique de Reims. La cathédrale carolingienne, reprise au xiie s., fut incendiée en 1210 ou 1211. Elle fut aussitôt rebâtie sur de nouveaux plans. Le labyrinthe autrefois pavé dans la nef donnait les noms de plusieurs architectes : Jean d’Orbais, Jean le Loup, Gaucher de Reims et Bernard de Soissons. Robert de Coucy leur succéda ; au xive s., on travaillait encore aux parties hautes de la façade, mais le monument est dans son ensemble une œuvre du xiiie s., dont la construction débuta par le chevet, terminé avant 1241. L’influence de Chartres s’y manifeste dans les proportions équilibrées : les grandes arcades ont la même hauteur que les fenêtres hautes, qui s’élèvent au-dessus de la ligne obscure du triforium. Le souvenir du chevet de Saint-Remi se voit dans l’ordonnance des chapelles rayonnantes et dans le passage qui court tout au long des fenêtres inférieures. Mais l’architecture innove dans l’élancement, invente la fenêtre « rémoise », dont la structure est indépendante des murs, affine les arcs-boutants et les adapte à l’écoulement des eaux des toitures. La décoration sculptée l’emporte encore en renommée sur l’architecture : les anges déploient leurs ailes aux contreforts du chevet, sur les culées des arcs-boutants, à la flèche (refaite) de l’abside et aboutissent à l’Ange au sourire de la porte gauche de la façade. Les plus anciennes sculptures apparaissent au chevet et à la façade nord : à la porte dite « romane », avec un remploi de la fin du xiie s. ; à la porte Saint-Calixte (anciennement dite Saint-Sixte), ornée de scènes de la vie de saint Nicaise et de saint Remi ; à la porte du Jugement dernier, où les morts ressuscitent avec une vivacité extraordinaire. Les prophètes et la Visitation antiquisante de la façade occidentale dérivent aussi des premiers ateliers. À cette façade, les sculpteurs d’Amiens ont apporté leur sobre noblesse, notamment dans la Présentation, et le style rémois s’épanouit dans les statues de saint Joseph et de l’ange avec une grâce élégante et un sourire qui humanisent l’art gothique. Le revers de la façade est aussi tapissé de reliefs qu’illuminent les verrières des tympans évidés des portes. Ces verrières sont modernes, mais aux fenêtres hautes règne une procession triomphale et colorée de saints, de rois de France et d’évêques, qui complète par le vitrail cet ensemble du xiiie s.
À côté de la cathédrale subsistent la chapelle de l’archevêché, la salle du Tau du xve s. et le palais du xviie, très endommagés en 1914 et aujourd’hui restaurés. On y a déposé les sculptures les plus abîmées de la cathédrale et le trésor, où voisinent le talisman de Charlemagne, le calice du xiie s. dit « de saint Remi », le reliquaire du xve s. de la sainte épine, la nef Renaissance de sainte Ursule ainsi que les ornements et les vases liturgiques du sacre de Charles X.
La Révolution, puis la guerre de 1914 ont défiguré la ville. Pourtant, l’église Saint-Jacques, avec sa nef du xiiie s. et son chevet du xvie, les restes de l’abbaye de Saint-Nicaise dans les caves Taittinger, les statues du xiiie s. de la maison des Musiciens recueillies au musée, l’hôtel Le Vergeur, aujourd’hui musée du Vieux-Reims, l’hôtel de Bezannes et l’hôtel de La Salle rappellent la cité du Moyen Âge et de la Renaissance, tandis que la façade Louis XIII de l’hôtel de ville, les façades de la place Royale, d’époque Louis XV, avec les figures de bronze de Pigalle*, la grille en fer forgé élevée pour le sacre de Louis XVI et l’ancienne abbaye de Saint-Denis, aujourd’hui musée des Beaux-Arts, évoquent la ville classique. Ce musée conserve des collections remarquables, en particulier des toiles peintes rarissimes de la fin du Moyen Âge, des portraits de Cranach et d’Holbein, des peintures de Vouet, de Philippe de Champaigne et des Le Nain, des pastels du Rémois Robert Nanteuil (v. 1623-1678), des tableaux de David, de Delacroix, de Corot, de l’école de Barbizon, des impressionnistes, de Gauguin, de Dufy, de Matisse et de Picasso. Il faut y ajouter les peintures de la chapelle Notre-Dame-de-la-Paix de Foujita, inaugurée en 1966, les vitraux de Joseph Sima et de Vieira da Silva exécutés pour l’église Saint-Jacques par l’atelier Marq-Simon de Reims, ainsi que les vitraux de Chagall installés dans la chapelle d’axe de la cathédrale en 1974.
A. P.
L. Lefrançois-Pillion, les Sculpteurs de Reims (Rieder, 1928). / H. Reinhardt, la Cathédrale de Reims (P. U. F., 1963).