Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Artois (suite)

Cette différence est importante, car l’Artois, au sens strict, est essentiellement rural. Les champs n’y sont pas enclos ; l’habitat est groupé en villages. Le sud-est est plus fertile, plus proche aussi de l’axe de circulation du seuil de Bapaume ; la densité y est de l’ordre de 40 ; on y cultive le blé, la betterave à sucre ; Saint-Pol-sur-Ternoise est un centre actif ; l’extrême est se polarise sur Arras. Le nord-ouest s’oriente davantage vers l’élevage, la densité descend au-dessous de 40, et l’aménagement de l’espace y pose des problèmes délicats : c’est la partie la plus vide de la région du Nord.

L’Artois est la limite sud des régions densément peuplées de l’Europe du Nord-Ouest. C’est un contact de civilisations et un lieu de batailles. Cette hauteur reste isolée ; on ne la franchit guère qu’aux extrémités, surtout à l’est : le seuil de Bapaume laissait passer la route des Flandres vers l’Italie, l’autoroute du Nord l’emprunte aujourd’hui.

A. G.


L’histoire

La contrée tire son nom du pagus Atrebatensis, qui fit partie de la Gaule Belgique avant l’intervention de César, puis de la province de Belgique au temps d’Auguste. Constituant alors la civitas Atrebatum, elle est incorporée au iiie s. apr. J.-C. à la Belgique Seconde, province du diocèse des Gaules. Occupé peut-être dès 430 par les Francs, partie intégrante de la Neustrie mérovingienne, puis carolingienne, éprouvé par les invasions normandes (fin du ixe s.), le pays des Atrébates entre alors dans le comté de Flandre et ne conquiert son autonomie qu’à la fin du xiie s., le comte de Flandre, Philippe d’Alsace, l’ayant donné en dot à sa nièce Isabelle, épouse du jeune Philippe II Auguste (1180). Possession personnelle de la souveraine, l’Artois devient celle du prince royal Louis lorsque sa mère meurt en 1190.

Cédé au roi de France par le comte Baudouin IX de Flandre (traité de Péronne, 2 janv. 1200), l’Artois est finalement incorporé au domaine royal lors de l’avènement de Louis VIII, en 1223. Mais, en vertu du testament de ce souverain (juin 1225), Louis IX le constitue en apanage en faveur de son frère Robert, qui en prend possession en juin 1237, avec le titre comtal. Resté à l’écart des crises franco-flamandes et anglo-flamandes, l’Artois est gouverné par les descendants de Robert Ier jusqu’en 1382. Le problème de la succession se pose pourtant avec acuité sur le plan juridique au début du xive s., en raison de la coutume d’Artois, qui ignore le droit de représentation. Aussi les femmes sont-elles amenées à gouverner le comté entre 1302 et 1382, non sans que l’avènement de la première d’entre elles, Mahaut d’Artois (1302-1329), ait été contesté par son propre neveu Robert.

Victime des débuts de la guerre de Cent* Ans, l’Artois entre dans les biens de la maison de Flandre en 1382, lorsque Louis de Mâle l’hérite de sa mère, la comtesse Marguerite de France (1361-1382). Deux ans plus tard, le décès de Louis livre l’Artois au duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, époux de sa fille et unique héritière, Marguerite de Dampierre. Bien des Habsbourg (1477-1482), puis des Valois (traité d’Arras, 1482), restitué par Charles VIII à la maison d’Autriche (traité de Senlis, 1493), l’Artois relève toutefois de la suzeraineté française jusqu’à la conclusion du traité de Madrid, qui le cède en toute propriété aux Habsbourg (1526).

Le pays est doté par Charles Quint d’un parlement particulier, le conseil souverain d’Artois (2 mai 1530). Il est occupé en partie (1640), puis en totalité par les troupes françaises (1677) ; il est donc restitué officiellement à la France par les traités des Pyrénées (1659) et de Nimègue (1678). Si l’Artois conserve ses États et son Conseil souverain, il est administré d’Amiens jusqu’en 1754, puis de Lille (généralité de Flandre). En 1790, il forme l’essentiel du département du Pas-de-Calais. Devenu purement honorifique, le titre comtal est porté pour la dernière fois par le futur Charles X entre 1757 et 1824.

P. T.

Les hauts lieux de l’Artois

Pour ses visiteurs, l’Artois évoque le souvenir des terribles combats livrés sur son sol au cours de la Première Guerre mondiale.

Sauvé de justesse de l’occupation allemande, Arras resta durant plus de trente mois sur la ligne de feu. C’est au nord de la ville, de part et d’autre de la route de Béthune, que la bataille fut le plus acharnée, pour la possession des crêtes de Notre-Dame-de-Lorette et de Vimy, qui dominent la plaine de Lens, où commence le bassin houiller, que les Allemands voulaient à tout prix contrôler. En 1915, deux offensives y furent conduites, l’une en mai par les fantassins de Pétain, de Maistre et de Balfourier, l’autre le 25 septembre sous la direction de Foch. Elles se heurtèrent à la puissance des organisations défensives allemandes sur les deux lignes Carency, Ablain-Saint-Nazaire, Lorette et Souchez, la Targette, Neuville-Saint-Vaast, Thélus.

En avril 1917, l’affaire était reprise par les Britanniques conduits par Haig, avec deux armées (Horne et Allenby), de part et d’autre d’Arras, entre Souchez et Croisilles. C’est dans cette offensive, qui dégagera enfin Arras en ruine, que se distingueront les 4 divisions canadiennes (Currie, Burstal, Lusset, Watron) : elles enlèveront Givenchy, Bailleul, Monchy-le-Preux et surtout la crête de Vimy, où se dresse aujourd’hui le monument élevé en souvenir de leur victoire. La région sud du front de l’Artois, entre Arras et Croisilles, connaîtra encore de durs moments lors des offensives allemandes de mars 1918, et ce n’est qu’à la fin du mois d’août qu’elle sera définitivement libérée du cauchemar des bombardements et de la guerre.

P. D.


L’art en Artois

Zone de conflits armés à toutes les époques, l’Artois ne conserve que de rares monuments, et la plupart très restaurés, si ce n’est même entièrement restitués.

Rares sont les vestiges de l’époque romane. La grande église de Lillers, construite pour la plus grande partie au cours de la première moitié du xiie s., n’a pas de voûtes, ce qui est typique d’une région demeurée longtemps fidèle aux charpentes apparentes ou plafonnées des édifices carolingiens, qui permettaient d’avoir des vaisseaux larges et directement éclairés par des fenêtres hautes ; le déambulatoire, au contraire, est une disposition nouvellement importée dans la région. À Guarbecque, le clocher de croisée, un des plus beaux du Nord, est encore de forme romane et en harmonie avec la nef et le chœur, en partie du xiie s. Mais, à la voûte qu’il surmonte, apparaissent des croisées d’ogives primitives.