Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Réforme (suite)

L’actualité de la Réforme

Longtemps, la polémique contre les positions spirituelles de la Réforme s’est développée sur deux fronts : le catholicisme a interprété la justification à la fois dans le sens d’une sous-estimation des possibilités de l’homme et comme la réduction du salut à une dimension purement intérieure ne modifiant pas le comportement personnel ; l’humanisme et l’athéisme, d’autre part, encouragés sans doute par certaines manifestations individuelles ou collectives des protestants, y ont vu un principe d’absentéisme social et la source d’une morale de l’échec, de la tristesse et du renoncement, avec, en arrière-plan, une activité profane d’enrichissement et d’austérité favorisant la naissance du capitalisme (v. puritanisme).

Aujourd’hui catholiques et protestants se sont retrouvés dans une intelligence commune de la dialectique de la grâce et des œuvres à l’intérieur du message évangélique (on en trouvera de nombreuses expressions dans l’annotation de l’Épître aux Romains, dans la traduction œcuménique de la Bible ; cf. en particulier la note sur iii, 28). Quant aux alliées, notamment aux marxistes, après avoir longtemps déclaré que le message de la grâce est le type de la parole religieuse aliénante, ils en sont arrivés à nuancer leur jugement et à reconnaître que l’homme doit être transformé en même temps que sont renouvelés les rapports de production et les institutions socio-politiques. Les scientifiques et les technologues, eux aussi, sont de plus en plus confrontés par la question de l’homme, de son mystère, de sa fragilité, de son aptitude à détruire.

La question de la Réforme (comment un homme nouveau peut-il naître, sinon là où retentit le Soli Deo gloria, comme une promesse de vie et une puissance libératrice ?) reste donc pleinement actuelle, tout autant sinon plus qu’au xvie s.

Il faut signaler enfin que les ambiguïtés socioculturelles auxquelles est liée la naissance de la Réforme, celles aussi qui affectent jusqu’aujourd’hui l’existence des communautés protestantes sont de plus en plus devenues une question aux chrétiens les plus lucides du temps présent : c’est ainsi que se sont multipliées les affirmations de l’indépendance de la Parole de Dieu par rapport aux pouvoirs socio-économiques et les prises de positions critiques, au service des droits essentiels des personnes, des classes et des peuples opprimés. Un certain nombre des grands témoins de la justification comme acte libérateur de Dieu dans l’histoire se retrouvent dans toutes les Églises protestantes du xxe s. (K. Barth*, M. Niemöller, D. Bonhoeffer, M. L. King*, J. L. Hromadka, E. Mondlane, etc.). Leur témoignage et leur engagement rejoignent ceux des plus radicaux parmi les catholiques et les non-chrétiens contemporains. Ils tracent, avec eux, la ligne d’un humanisme contestataire qui, remettant en question les structures et l’idéologie de l’« establishment » socio-religieux, vise une société nouvelle, au sein de laquelle des communautés chrétiennes servantes et pauvres pratiqueront un œcuménisme* concret dans une solidarité active avec les opprimés.

Ainsi, la « protestation » du Christ dans le monde contemporain apparaît-elle à de nombreux chrétiens comme inséparable de cette participation responsable à l’histoire, en vue d’une société plus humaine.

G. C.

➙ Calvin (J.) / Christianisme / Églises protestantes / Humanisme / Luther (M.) / Melanchthon (Ph.) / Protestantisme / Zwingli (U.).

 D. Bonhoeffer, Nachfolge (Munich, 1937, 8e éd., 1964 ; trad. fr. le Prix de la grâce, Delachaux et Niestlé, 1962, nouv. éd., Éd. du Seuil, 1971 ; Das Wesen der Kirche (Munich, 1971 ; trad. fr. la Nature de l’Église, Labor et Fides, Genève, 1972). / K. Barth, Gotteserkenntnis und Gottesdienst (Zollikon, 1938 ; trad. fr. Connaître Dieu et le servir, Delachaux et Niestlé, 1945) ; Gemeinschaft in der Kirche (Zurich, 1943 ; trad. fr. la Confession de foi de l’Église, Delachaux et Niestlé, 1943, nouv. éd., 1946) ; Dogmatik im Grundriss (Zurich, 1947 ; trad. fr. Esquisse d’une dogmatique, Delachaux et Niestlé, 1950, nouv. éd., 1968) ; Die Menschlichkeit Gottes (Zollikon, 1956 ; trad. fr. l’Humanité de Dieu, Labor et Fides, Genève, 1957) ; Einführung in die evangelische Theologie (Zurich, 1962 ; trad. fr. Introduction à la théologie évangélique, Labor et Fides, Genève, 1962). / H. Strohl, la Pensée de la Réforme (Delachaux et Niestlé, 1951). / E. G. Léonard, Histoire générale du protestantisme (P. U. F., 1961-1964 ; 3 vol.). / G. Casalis, Luther et l’Église confessante (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1962). / P. Maury, Trois Histoires spirituelles, saint Augustin, Luther, Pascal (Labor et Fides, 1963). / O. Chadwick, The Reformation (Harmondsworth, 1964). / R. Stupperich, Geschichte der Reformation (Munich, 1967). / R. Stauffer, la Réforme, 1517-1564 (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1970 ; 2e éd., 1974). / G. Zeller, la Réforme (C. D. U., 1974).

Réforme (musique de la)

Très rapidement, la nouvelle Église — dotée de sa confession de foi qui, préparée par Martin Luther* et Melanchthon*, aboutira à la Confession d’Augsbourg (1530) — est à la recherche d’une liturgie et d’une hymnologie spécifiques, en accord avec les préoccupations religieuses, psychologiques et musicales du xvie s., où la Réforme, l’humanisme et la Renaissance sont étroitement associés.


Les doctrines de Luther sont diffusées en Prusse, dans les Pays nordiques (Danemark, Suède, Norvège) ; celles de Calvin se propagent en France, en Alsace, en Suisse, en Flandre, dans les Pays-Bas et en Écosse, où pédagogues, humanistes et musiciens protestants collaborent et tentent de forger un répertoire musical liturgique s’adaptant aux nouvelles exigences des réformateurs.


Les réformateurs et la musique

La musique, facteur d’unité et de discipline, a été exploitée à des fins de propagande par tous les réformateurs. Martin Luther la considère comme la « servante de la théologie » (ancilla theologiae). Il affirme, dans ses Propos de table, que « la musique est un don de Dieu tout proche de la théologie », qu’« elle rend le texte vivant », et rejoint en ce sens Agrippa d’Aubigné*, qui constate que « tels vers de peu de grâce à les lire et les prononcer, en ont beaucoup à être chantés ». Pour le réformateur allemand, la musique s’intègre à l’école, à l’Église, à la vie domestique, « le diable ne doit pas garder les belles mélodies pour lui ».