Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

récitatif (suite)

Depuis le xviiie s. (notamment chez C. Ph. E. Bach, 1re des 6 sonates prussiennes, Wq 48, 1742), le récitatif s’est introduit dans la musique instrumentale. À l’imitation de la voix, l’instrument déclame librement une phrase musicale sans paroles, de caractère dramatique (Mozart, concertos pour piano et orchestre ; Beethoven, sonates op. 106 et 110, IXe symphonie [finale] ; Berlioz, prologue de Roméo et Juliette ; Liszt, poèmes symphoniques ; C. Saint-Saëns, concerto pour violon et orchestre, op. 61 ; P. Hindemith, symphonie Mathis le peintre, 1934).

A. V.

➙ Air / Bel canto / Chant / Opéra / Opéra bouffe.

 F. Raguenet, Parallèle des Italiens et des François en ce qui concerne la musique, (J. Moreau, 1702). / J. L. Lecerf de La Viéville de Fresneuse, Comparaison de la musique italienne et de la musique françoise (Bruxelles, 1704 ; 2e éd., 1706). / J. L. Le Gallois de Grimarest, Traité du récitatif (Le Fèvre, 1707). / A. Solerti, Le Origini del melodramma (Turin, 1903). / P. M. Masson, l’Opéra de Rameau (Laurens, 1930). / F. H. Neumann, Die Ästhetik des Rezitativs (Strasbourg et Baden-Baden, 1962).

Reconquista (la)

Mot espagnol employé par les historiens pour designer la reconquête de l’Espagne par les chrétiens sur les musulmans.



La Reconquista et la croisade

Sous l’impulsion de Mahomet, les Arabes* s’étaient lancés à la conquête du monde entier pour le convertir à l’islām. Dans la péninsule Ibérique, où ils abordent en 711, ils ne portent guère leurs efforts de guerre sainte au-delà des montagnes du Nord (v. Andalousie). C’est dans ces zones montagnardes que naissent sporadiquement, de la Galice à la Catalogne, de multiples foyers de résistance que la tradition représente comme animés d’un idéal de reconquête, celui de refaire l’unité compromise par l’invasion arabe, l’unité de l’Espagne chrétienne et wisigothique. Ces communautés chrétiennes s’organisent bientôt en royaumes ou comtés (Asturies*, Léon* [910], Castille* [931], Navarre* [840], Catalogne* [985], Aragon* [1035]). Le premier qui se distingue est le royaume des Asturies, où se situe la première victoire chrétienne (semi-légendaire) de Covadonga (718). Dans son expansion vers le sud, le royaume asturien atteint Léon en 914. Un des souverains des Asturies et du León, Ramire II (931-951), manifeste son désir de « restaurer l’antique gloire des Goths » en prenant le titre d’imperator ; il s’avère un redoutable adversaire du calife ‘Abd al-Raḥmān III* lorsqu’il inflige à ce dernier la grande défaite de Simancas (939), au cours d’une campagne que le monarque cordouan avait qualifiée d’« omnipotente ». Mais, au xe s., la lente progression des royaumes reconquérants du Nord cesse devant les raids victorieux d’al-Manṣūr († 1002) à Zamora, Léon, Saint-Jacques-de-Compostelle, etc. : en détruisant Saint-Jacques (997), un des sanctuaires les plus vénérés d’Europe occidentale, al-Manṣūr lance un défi à la chrétienté tout entière. À une époque où celle-ci prend conscience de son unité face à l’islām, qui lui a ravi de vastes régions dans le monde entier, la Reconquista va devenir pour l’Occident chrétien un nouveau front guerrier sur les infidèles. Parmi les auxiliaires venus d’outre-monts, les moines clunisiens français jouent un rôle de premier plan : ils favorisent l’essor du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle*, permettant ainsi l’afflux de chevaliers (en majorité français), qui se joignent à l’offensive de Reconquista. Puis les Clunisiens obtiennent du pape l’appel à la croisade : en 1063, Alexandre II prône la Reconquista comme une guerre sainte accordant l’indulgence plénière à tous ses participants, formule qui allait devenir la règle classique de la croisade*. De l’importance de ces croisades « venues de France » aux xie s. et xiie s., on a beaucoup discuté ; il est certain cependant, car les documents le prouvent, que de nombreux « Francs » étaient établis sur les terres reconquises dès les xie et xiie s., et qu’ils avaient leur quartier dans certaines villes, notamment à Logroño, Burgos et Sahagún sous Alphonse VI* de Castille (1072-1109). Pour exemple de ces expéditions militaires, on peut citer celle qui est dirigée par le duc Gaston de Béarn, qui aide Alphonse Ier d’Aragon (1104-1134) à s’emparer de Saragosse (1118).

Incontestablement, la Reconquista, qui ne devait s’achever qu’en 1492, a suscité chez le peuple espagnol une certaine ferveur religieuse et nationale, comme l’attestent, par exemple, les nombreux subsides votés par les Cortes de Castille ; ou encore la lutte menée par les ordres militaires nationaux aux frontières de l’Espagne chrétienne lorsque la pression almohade y atteint son point culminant. Mais la Reconquista conserve-t-elle pendant sept siècles cette ambiance religieuse et patriotique dont l’a volontiers chargée l’historiographie des xviie-xive s. ?


La Reconquista : une croisade de sept siècles ?

Rétablir l’unité religieuse sur une Péninsule réunifiée, tel était le but que s’étaient assigné les chrétiens au lendemain de la conquête arabe. Mais, plutôt qu’elle ne s’unifie, l’Espagne reconquérante se divise : la première conséquence de la conquête arabe, en effet, a été de rallumer le particularisme ibérique que Rome, puis les Wisigoths avaient dominé pendant sept siècles. La Reconquista est née en plusieurs points de l’Espagne du Nord : Asturies, Navarre, Comtés pyrénéens, autant de petits États qui vont être les cellules de base du gouvernement de l’Espagne médiévale et qui, dès leurs origines, présentent les mêmes faiblesses que celles qui avaient déconsidéré la monarchie wisigothique et permis aux Arabes une conquête si rapide (711-718) de la Péninsule : leur histoire intérieure est tout entière emplie de conflits dynastiques, de révoltes nobiliaires, de guerres civiles... Plus encore que le réveil du particularisme ibérique, la Reconquista favorise l’esprit d’indépendance : elle donne l’occasion à certains nobles de se distinguer par leur valeur individuelle dans les combats contre les Maures. Ainsi le comte de Castille, Fernán González (923 ou v. 930-970), par ses prouesses contre l’Andalousie, acquiert un tel prestige auprès de ses partisans (il est pour eux leur egregius comes) qu’il parvient à émanciper la Castille du León et à transmettre la succession du trône castillan à ses héritiers (v. 951). Jusqu’au xe s., l’Espagne chrétienne, avec ses divisions et ses querelles intestines, ne peut constituer un véritable danger pour l’Andalousie : au contraire, ‘Abd al-Raḥmān III profite du long répit que la guerre de succession léonaise (925-931) lui procure aux confins de son royaume pour parfaire l’unification du califat ; après le désastre de Simancas, il multiplie les opérations offensives contre les royaumes chrétiens au moment où il les juge le plus affaiblis par leurs guerres civiles ; et, à la fin de son règne, les principaux États chrétiens du Nord lui versent une indemnité de trêve. Enfin, au lendemain des victoires d’al-Manṣūr en pays chrétien, l’avenir de la Reconquista semble définitivement compromis.