Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

artillerie (suite)

L’entre-deux-guerres

Au lendemain de leur victoire, les Alliés, et singulièrement la France, se trouvaient à la tête d’un immense parc d’artillerie, situation peu propice à son renouvellement. Aussi les progrès réalisés entre les deux guerres furent-ils modestes. Alors que dans les armées étrangères s’affirme la primauté de l’obusier, la France seule fait exception. Malgré sa portée insuffisante et les défauts inhérents au tir tendu, le 75, consacré par la victoire, demeure intouchable. On s’efforça toutefois de moderniser les matériels lourds, en utilisant notamment les affûts à flèche ouvrante, qui permettaient une nette augmentation du champ de tir horizontal. Ainsi fut créé le 105 L 1936 ; mais le seul matériel réellement nouveau fut le canon antichar (en France, le 47 mm modèle 1937), qui se révéla une arme excellente, fabriquée trop tardivement. L’amélioration la plus nette fut acquise dans le domaine de la mobilité ; certaines unités furent munies de tracteurs à chenilles ou à roues, et même d’affûts chenilles. L’amplitude des déplacements de l’artillerie motorisée atteignit 100 à 120 km par jour, progrès considérable sur la traction hippomobile, qui demeurait malheureusement largement majoritaire dans l’artillerie française de 1939.

On conçoit que, dans ces conditions, l’organisation de l’artillerie ait très peu évolué entre les deux guerres. En Allemagne, les divisions disposeront en 1939 de 44 obusiers de 100 et de 150, et de 16 canons longs de 77 et de 100 mm. En France, l’artillerie divisionnaire (36 pièces de 75, 24 de 105 ou de 155, 8 pièces antichars de 47) demeure chargée de l’appui direct des troupes, abandonnant à l’artillerie de corps (48 pièces de 105 L ou de 155) les missions de contrebatterie et les objectifs éloignés. Le dynamisme de l’arme et de ses cadres est encore entier, et s’efforce de suppléer l’insuffisance technique d’un matériel encore très nombreux.


La Seconde Guerre mondiale

Alors que l’état-major allemand fonde la réussite de son entreprise sur la puissance et la mobilité de ses forces, il ne trouve en face de lui que des armées dont le matériel et l’organisation sont l’héritage direct de la guerre de position des années 1915-1917. Cette situation explique les terribles déboires de l’artillerie française en mai-juin 1940, qu’il faut attribuer avant tout au manque de mobilité de ses batteries, trop souvent paralysées par les hécatombes de chevaux effectuées par les stukas. Le conflit marqua la fin de la traction hippomobile, remplacée chez tous les belligérants par des batteries tractées ou par des canons sur affût automoteur. La rapide désorganisation de l’artillerie française en 1940 avait souvent conduit les pièces de campagne à effectuer des tirs antichars ou antipersonnel par batteries isolées, et certains avaient alors pensé que l’emploi en masse de l’artillerie allait devenir périmé. La suite des opérations devait prouver le contraire, notamment sur le front russe, où les Soviétiques, grâce à la création de divisions d’artillerie (canons et obusiers de 122 et 152 mm), réalisèrent de véritables barrages massifs de feu qui brisèrent fréquemment les assauts de la Wehrmacht. À partir de 1943 apparaît le matériel américain, qui dominera peu à peu dans le camp allié et équipera notamment la Ire armée et la 2e D. B. françaises. Le système d’artillerie américain, très homogène, comprenait des obusiers de 105, HM 2 et HM 7, et de 155, HM 1, tractés ou automoteurs, complétés par des canons de 155 Gun et par des matériels antichars et antiaériens bien adaptés aux nécessités de l’époque. D’une portée suffisante (11 km pour le 105) et d’une précision remarquable, les obusiers ne laissaient pratiquement aucun angle mort à l’abri de leurs feux. La doctrine d’emploi avait peu évolué et restait proche de celle qui était professée en France avant 1939 ; mais elle s’appuyait sur un matériel beaucoup mieux adapté en raison de sa mobilité et aussi d’un remarquable système de transmissions. Fantassins ou chars purent ainsi bénéficier de détachements d’artillerie de liaison et d’observation auprès de leurs éléments les plus avancés (32 postes radio par groupe en 1945 contre 7 en 1939).

En ce qui concerne l’artillerie de campagne, la Seconde Guerre mondiale avait apporté plus de perfectionnements que de bouleversements par rapport à sa devancière de 1918. Les quelques nouveautés apparues concernaient notamment l’emploi des canons* sans recul et surtout celui des projectiles autopropulsés*, matériels rustiques capables d’une très grande puissance de feu. Enfin, l’artillerie alliée obtenait ce qu’elle avait maintes fois réclamé depuis 1918, à savoir sa propre aviation d’observation. Dotée d’appareils particulièrement maniables (piper-cub), celle-ci facilitera d’autant plus les réglages qu’elle pouvait compter sur une supériorité aérienne qui ne cessera de s’affirmer jusqu’à la fin de la guerre.


L’artillerie depuis 1945

Dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, l’artillerie « classique » semble avoir atteint un plafond dans son perfectionnement. Son action s’intègre étroitement dans la manœuvre des feux terrestres et aériens, mais elle reste caractérisée par la profondeur, la puissance et la permanence de ses possibilités.

L’artillerie divisionnaire semble alors stabilisée à trois groupes d’obusiers de 105, tractés, et un ou deux groupes de 155, appuyés par deux avions d’observation. S’il s’agit de divisions blindées, les 105 sont évidemment automoteurs.

C’est dans ce cadre que se réorganise l’artillerie française, d’abord avec du matériel américain, puis avec le matériel national assez remarquable qui est réalisé à partir de 1950 : obusiers de 105 et de 155 modèle 1950, obusiers automoteurs de 105 sur châssis de char AMX, ultérieurement canons de 155 automouvants, obusiers adaptés aux troupes aéroportées, canons sans recul de 75 et de 105 mm, engins multitubes, etc. L’articulation de l’arme avait atteint le maximum de souplesse : chaque commandant d’artillerie pouvait en effet distribuer tout ou partie de ses moyens aux échelons subordonnés, et les reprendre en main dans le minimum de temps. À cette souplesse d’emploi permise par la qualité des transmissions s’ajoutait l’aisance de la mise en œuvre, due à la qualité excellente de matériels sans cesse perfectionnés depuis 1914. Les recherches continuaient notamment pour les matériels aéroportés de petit calibre parachutables avec leur personnel. Ces matériels étaient encore décomposés en plusieurs fardeaux, et il fallait reconstituer l’obusier après l’arrivée de ses éléments au sol...