Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Raspail (François Vincent) (suite)

Déjà il avait publié en 1832 pour les écoles primaires un Cours élémentaire d’agriculture et d’économie rurale. Après avoir pris parti de manière retentissante dans l’affaire Lafarge, en 1840, pour dénoncer une expertise contestable, il publie en 1843 une Histoire naturelle de la santé et de la maladie chez les végétaux et chez les animaux en général et en particulier chez l’homme, puis en 1845 un Manuel annuaire de la santé ou Médecine et pharmacie domestiques contenant tous les renseignements théoriques et pratiques nécessaires pour savoir préparer et employer soi-même les médicaments, se préserver ou se guérir. Ces deux ouvrages auront d’innombrables éditions.

Derrière ces ouvrages, une idée force — celle que, souvent, des remèdes simples, en grand nombre à base de plantes, peuvent constituer contre les maladies une aide aussi efficace que celle que fournissent des médecins, qu’il juge en grande partie ignorants et peu scrupuleux — et peut-être aussi un ressentiment : un de ses enfants, mal soigné d’une angine, avec l’application de sangsues, est mort en bas âge. Raspail, bien qu’il n’ait pas le titre de docteur, n’hésite pas à donner des consultations qui lui valent des poursuites. Peu lui chaut : son renom gagne toutes les classes de la société.


Sous la IIe République et sous le second Empire

Pas plus qu’il ne s’était rallié à la monarchie de Juillet, Raspail ne se rallie à la République bourgeoise. Certes, le 25 février 1848, il est à la tête d’une délégation de compagnons charpentiers qui se rend à l’Hôtel de Ville et, plus tard, il se targuera d’avoir coupé court à certaines intrigues, au sein du gouvernement provisoire, qui pouvaient aboutir à une régence et d’avoir, de nouveau, fait proclamer la République une et indivisible. Le 27, il lance l’Ami du peuple (en souvenir de Marat), qui porte en épigraphe : « Dieu et patrie, liberté pleine et entière de la pensée. Tolérance religieuse illimitée, suffrage universel » (il n’en paraîtra que 21 numéros). Il crée le club de la rue Montesquieu, qui aspire à la République européenne, puis à la République universelle ; il songe seulement à une action politique de la jeune République et non à une action militaire.

Mais, le 15 mai 1848, il est l’un des organisateurs de la « journée » en faveur de la Pologne, qui aboutit à l’occupation provisoire de la salle de l’Assemblée. C’est lui qui lit la pétition à la tribune. Le mouvement échoue. Arrêté, Raspail est détenu préventivement à Vincennes où il écrit la Lunette du donjon de Vincennes, almanach démocratique et socialiste de l’Assemblée du peuple pour 1849. Élu par Paris à l’Assemblée en septembre 1848, il ne peut y siéger. Le 10 décembre, les socialistes de gauche le présentent à la présidence de la République. Raspail ne recueille que 36 000 voix en face des 5 430 000 voix de Louis Napoléon, des 1 440 000 de Cavaignac et des 370 000 de Ledru-Rollin. Traduit devant la Haute Cour, à Bourges, il est condamné à cinq ans de détention et emprisonné à Doullens, d’où il publie une Lunette de Doullens. Il y expose ses idées par rapport à la constitution de 1848.

Les funérailles de Mme Raspail, le 13 mars 1853, rassemblent plus de participants que Raspail n’avait eu de voix en décembre 1848 (près de 100 000). La peine de prison commuée en bannissement (Napoléon III espérait-il un ralliement ?), Raspail se retire près de Bruxelles, où il va vivre dix ans, reprenant son œuvre de vulgarisation scientifique. En 1863, cependant, il accepte l’amnistie et rentre en France. Installé à Arcueil, il publie chaque année une nouvelle édition de son Manuel de la santé et du Fermier vétérinaire, qu’il avait fait paraître en 1854.

En 1869, soutenu par la maçonnerie et fort populaire à cause de ses écrits, il est élu député du Rhône contre Jules Favre. Lors du plébiscite de 1870, il se prononce résolument pour le « non ». Au lendemain de la dépêche d’Ems, il votera contre l’octroi des crédits nécessaires à la mobilisation.


Sous la IIIe République

Raspail reste à l’écart de la Commune et des communards, en faveur desquels, cependant, il réclame l’amnistie. Pour avoir, dans un almanach, commémoré la mort de Delescluze, « homme intègre et de souffrance qui couronna sa longue vie par l’héroïsme de sa mort », il est condamné de nouveau, en 1874, à une peine d’un an de prison, qu’il purge malgré ses quatre-vingts ans. Député des Bouches-du-Rhône en 1876, il ouvre la législature en tant que doyen d’âge et vote l’ordre du jour des « 363 ». Il meurt le 7 janvier 1878. Ses obsèques, d’Arcueil au Père-Lachaise, sont l’occasion d’une imposante manifestation.

D’une intelligence vive, mais qui ne poussait pas jusqu’au bout ses intuitions et laissait à d’autres le soin de les utiliser, Raspail, en dépit du rôle qu’il a joué occasionnellement, a plus marqué l’histoire de la vulgarisation scientifique que l’évolution politique de la France. Scientiste, il l’est assurément. En 1862, en tête d’un mémoire sur les Bélemnites fossiles, il écrit cette dédicace :
À la science
hors de laquelle tout n’est que folie
À la science
l’unique religion de l’avenir.

On ne peut, au surplus, lui dénier un certain sens des nécessités à venir. Il est l’un des premiers à avoir préconisé la création d’une organisation de la médecine. Ses campagnes contre le régime des prisons annoncent par ailleurs certaines préoccupations contemporaines.

G. L.

➙ Socialisme.

 X. Raspail, la Vie et l’œuvre scientifique de F. V. Raspail (Vigot, 1926). / J. Wogue, Raspail (Sorlot, 1939). / G. Duveau, Raspail (P. U. F., 1948). / D. B. Weiner, Raspail, Scientist and Reformer (New York, 1968). / D. Ligou, François-Vincent Raspail ou le Bon Usage de la prison (Martineau, 1968).

Rastrelli (Bartolomeo Francesco)

Architecte d’origine italienne dont la carrière s’est déroulée en Russie (Paris v. 1700 - Saint-Pétersbourg 1771).


S’il fallait attacher un nom autre que celui de la souveraine au style rococo du règne d’Élisabeth Petrovna, celui de son architecte s’imposerait par le nombre et la qualité de ses œuvres, et plus encore, peut-être, par sa compréhension de l’âme russe en un siècle voué aux influences étrangères.