Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

artillerie (suite)

Vocabulaire

artillerie d’assaut, nom donné en 1917 par le général Estienne aux premiers chars de combat. (V. blindé.)

artillerie de campagne, celle qui est chargée de l’appui des autres armes dans la bataille terrestre.

artillerie guidée, celle qui est dotée de missiles sol-sol ou sol-air.

artillerie lourde, celle qui comprend des canons de gros calibre (155 mm et au-dessus).

artillerie lourde sur voie ferrée (A. L. V. F.), celle qui était dotée d’un affût muni de bogies lui permettant de circuler sur voie ferrée.

artillerie de montagne, celle, de petit et de moyen calibre, dont les matériels sont fractionnables en fardeaux susceptibles d’être portés à dos de mulet.

artillerie nucléaire, celle qui est dotée de projectiles nucléaires.

artillerie tractée, celle dont les pièces sont tirées par des véhicules à moteur.

artillerie de tranchée, nom donné, pendant la Première Guerre mondiale, aux matériels à tir courbe utilisés dans la guerre de tranchée.

système d’artillerie, ensemble de matériels de calibres divers, construits à la même époque suivant les mêmes principes et possédant des caractéristiques de fabrication voisines (le système de Bange).


Apparition de la poudre et des premiers canons

Les mélanges grossiers de soufre, de charbon et de salpêtre étaient connus dans l’Antiquité. Perfectionnés, ils conduiront à l’invention de la poudre*, utilisée soit pour porter le feu chez l’ennemi (avec transport par des moyens classiques : flèches, boulets), soit pour constituer des engins dénommés fusées (par bourrage dans des tubes). Celles-ci pouvaient être des tubes fixes, souvent terminés en tête d’animaux crachant le feu devant eux (d’où leur nom de bouche à feu), ou des tubes mobiles se déplaçant sous l’action de la poudre et transportant ainsi le feu. (V. autopropulsé.)

Les progrès accomplis tant par les Arabes que par les Italiens amenèrent ces derniers à construire des tubes de métal courts, fermés à une extrémité et lançant soit un boulet ou une flèche courte, soit un artifice incendiaire ou explosif. Cet engin était la bombarde, ancêtre du canon. Pour la première fois en 1350 des canons figurèrent ainsi dans l’armement de Paris, et en l’espace de quarante ans toutes les villes de France engagèrent de fortes dépenses pour se doter de ce nouveau matériel, dont les projectiles étaient en général des carreaux, c’est-à-dire de grosses flèches très courtes.


Première organisation de l’artillerie (xve-xvie s.)

Lorsqu’en temps de guerre on avait besoin du service de l’artillerie, on faisait appel aux maîtres artillers et engeigneurs, sortes d’entrepreneurs privés qui louaient à forfait le matériel et le personnel spécialisé. Ainsi se formèrent des corporations de maîtres ouvriers (bombardiers et canonniers), qui, quand ils faisaient campagne, étaient aux ordres des maréchaux de France et du grand maître des arbalétriers, le plus souvent par l’intermédiaire d’un maître de l’Artillerie, nommé d’abord de façon temporaire. En 1527, le maître général de l’Artillerie, créé par Louis XI en 1479, devient « grand maître » et prend le pas sur celui des arbalétriers, qui disparaît en 1543. Mais cette charge n’est pas militaire, et il n’existe encore aucune distinction entre l’artillerie de siège, l’artillerie de bataille et l’artillerie portative, c’est-à-dire entre l’énorme veuglaire, la couleuvrine ou l’escopette. Les anciennes machines de guerre et les fusées disparaissent pour faire place à une profusion de canons de toutes sortes et de tous modèles.


La militarisation de l’artillerie et l’œuvre de Louvois

Au début du xviie s., le roi de Suède Gustave II Adolphe tenta le premier de moderniser l’artillerie, alors surtout orientée sur la guerre de siège, pour la rendre capable d’appuyer les troupes sur le champ de bataille. Ainsi il engagea la Suède dans la fabrication de matériel léger possédant une certaine mobilité tactique.

En France, cette évolution fut suivie, et l’on commença à adopter les canons sur affûts « roulants » de 4, 8, 12 et 24 livres. La modification la plus importante fut toutefois l’intégration de l’artillerie dans l’armée, afin de l’adapter de façon permanente à son emploi militaire. Ce fut l’œuvre de Louvois*, appuyé dans ce domaine de façon décisive par Louis XIV, qui comprit toute la valeur de cette arme encore nouvelle. Les corporations de maîtres ouvriers canonniers furent supprimées. En 1671 fut créé le régiment des fusiliers du roi, chargé de la garde de l’artillerie. Son personnel, en majeure partie composé d’ouvriers du bois ou du fer, est l’ancêtre des techniciens du futur service de l’artillerie. En 1684, on constitua le premier véritable régiment d’artillerie, le royal-bombardier, chargé du service des canons. L’arme de l’artillerie était créée, et ses unités établies à Strasbourg, Metz, Douai et La Fère, où fonctionnaient déjà des écoles techniques.


Naissance de l’artillerie moderne (1715-1850)

Plus que toute autre arme, l’artillerie, qui désormais constitue partout un élément essentiel des armées, allait bénéficier du progrès technique du xviiie s. Héritant d’un matériel nombreux (7 000 bouches à feu en 1715) mais encore singulièrement disparate, Vallière, nommé premier inspecteur général de l’artillerie, provoqua par une ordonnance royale de 1732 la réduction à cinq des modèles réglementaires des bouches à feu. Les canons de 24, 16, 12, 8 et 4 livres étaient plus légers et plus courts que les précédents, et mieux équilibrés sur des affûts à roues. À ces types de matériel, il ajouta un obusier de 8 pouces de diamètre, deux modèles de mortiers (8 et 12 pouces) et un pierrier de 15 pouces. Pour pallier le nombre insuffisant des canons légers, on utilisa un expédient consistant à donner à chaque bataillon d’infanterie un canon très léger appelé rostaing. Pendant la guerre de Sept Ans, on aboutit du côté français à un système comportant des pièces légères mais peu efficaces, disséminées et difficiles à approvisionner, tandis que l’artillerie de gros calibre, paralysée par son immobilité, était inutile si l’ennemi ne se présentait pas dans son champ de tir. Au contraire, Frédéric II, passionné de manœuvres, avait réorganisé son artillerie sous le signe de la légèreté et de la mobilité, en créant même des batteries dans lesquelles tout le personnel était à cheval.