Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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raffinage (suite)

Composition du pétrole

Chaque gisement recèle un pétrole différent : bruts paraffiniques, naphténiques ou aromatiques caractérisés par la prédominance de l’une de ces trois catégories d’hydrocarbures, bruts sulfureux ou bitumeux ou autres. Tous doivent, quelle que soit leur composition, finalement procurer au consommateur le même produit pétrolier de qualité garantie. La tâche du raffineur sera donc de régler la marche de ses installations de traitement et, le cas échéant, d’en construire de nouvelles mieux adaptées, de manière à tirer le meilleur parti possible de sa matière première pour satisfaire les exigences d’une clientèle variée : automobiliste, ménagère, agriculteur ou industriel. Les produits pétroliers issus d’un grand complexe de raffinage moderne, au nombre de 500 environ, présentent des caractéristiques très différentes, puisqu’ils se présentent aussi bien à l’état gazeux, liquide, pâteux ou solide, sous une apparence incolore, blanche, jaune ou noire, etc.


Procédés de raffinage

Faisant appel à toutes les ressources de la physique et de la chimie, les méthodes industrielles utilisées sont de trois sortes :
— des procédés de séparation, qui isolent les uns des autres les hydrocarbures (distillation, extraction par solvant, adsorption par tamis moléculaires) ;
— des procédés d’épuration, qui purifient et « raffinent » en retenant les fractions indésirables à l’aide de réactifs chimiques, acide sulfurique, soude caustique ou autres ;
— des procédés de synthèse, qui créent des hydrocarbures nouveaux, inexistants ou trop rares dans le pétrole brut : craquage, hydrogénation, isomérisation, reformage, alkylation, polymérisation, hydrocraquage, etc.

Le raffinage par synthèse, né il y a cinquante ans de l’application de températures et de pressions élevées, bouleversé vers 1940 par l’introduction des catalyseurs, bénéficie encore aujourd’hui d’un développement constant.


La distillation

Le plus ancien des procédés, dérivé de la cornue de l’alchimiste, la distillation fractionnée des mélanges d’hydrocarbures liquides et dissous, demeure la base fondamentale du raffinage, qu’il s’agisse de séparer le pétrole brut en coupes élémentaires ou de redistiller le produit hétérogène provenant d’une synthèse, ou encore d’isoler une matière première particulière à traiter. Elle se pratique dans une tour, ou colonne de fractionnement, équipée intérieurement de plateaux perforés ou de chicanes procurant un contact continu et étroit entre le liquide descendant et les vapeurs ascendantes en équilibre dynamique.

La première distillation du pétrole brut, dite « atmosphérique » et naguère encore appelée topping, nécessite une cinquantaine de plateaux espacés d’environ un mètre, si bien que la hauteur de la tour atteint 60 m, avec un diamètre de 8 m pour les très grosses unités actuelles, capables de traiter 10 Mt/an. Elle livre trois sortes de produits :
— une fraction volatile, gaz et essence légère, évaporée en tête de tour, condensée et redistillée ;
— des fractions latérales, distillats moyens soutirés aux divers plateaux (essence lourde, kérosène, gas-oil) ;
— une fraction lourde, le résidu, ou fuel-oil.

S’il était possible jadis d’utiliser directement la plus grande partie du pétrole que constituent les combustibles, le raffinage se limitant aux carburants et au lampant, le recours massif aux bruts sulfureux et une lutte toujours plus sévère contre la pollution imposent maintenant le traitement complémentaire de la quasi-totalité des produits obtenus en première distillation. C’est notamment le cas pour le « résidu atmosphérique », dont l’emploi comme mazout de chaufferie industrielle se heurte de plus en plus aux restrictions imposées pour la protection de l’environnement et qui doit donc être fractionné à son tour par distillation sous vide pour donner :
— un gas-oil de tête de tour ;
— des coupes latérales, matières premières de craquage ou pour la fabrication des huiles lubrifiantes ;
— un produit de fond de tour, le « résidu sous vide », matière première de cokage (ou coking) ou pour la fabrication des bitumes.

Les schémas de raffinage, même les plus compliqués, deviennent clairs après une bonne compréhension de ces deux opérations de base que sont la distillation atmosphérique et la distillation sous vide.


La désulfuration

Presque tous les produits pétroliers doivent être désulfurés, l’élimination du soufre et de ses composés présents dans le brut étant nécessaire si l’on veut que les carburants soient exempts d’odeur, que la combustion des hydrocarbures se fasse sans dégager de fumées corrosives qui attaqueraient les surfaces métalliques et, enfin, que la quantité d’oxydes de soufre présents dans l’atmosphère n’atteigne pas le seuil d’alerte. D’autre part, la désulfuration préalable est indispensable pour certains procédés complémentaires de raffinage par catalyse comme le reformage.

Pendant longtemps, on désulfurait les essences et le pétrole lampant à l’aide de réactifs chimiques : soude, hypochlorite, acide sulfurique, plombite ou autres produits qui fixaient ou neutralisaient le soufre, présent sous forme d’hydrogène sulfuré H2S ou de mercaptans (union d’une molécule de soufre avec une molécule d’hydrocarbure).

Ces méthodes anciennes ont été supplantées par l’hydrodésulfuration permettant, grâce à l’action conjuguée de la température, de la pression et d’un catalyseur, de faire agir de l’hydrogène sur les mercaptans pour les redécomposer. Le soufre est ainsi extrait et retenu, à l’aide d’un absorbant (amine), à l’état d’hydrogène sulfuré (H2S) ; ce gaz extrêmement toxique est immédiatement transformé en soufre élémentaire, mis sur le marché. Ce procédé complète le schéma de raffinage en ce qui concerne les gaz liquéfiés (propane et butane), les carburéacteurs (kérosène), le gas-oil (carburant Diesel ou fuel-oil domestique) et quelques autres produits pétroliers moins importants (solvants). Il est possible également de désulfurer les résidus (mazout), mais l’opération est très déficitaire avec le niveau actuel des prix des combustibles lourds. La même chose est vraie de la désulfuration des fumées mises à l’atmosphère, si bien que ces deux procédés ne peuvent être envisagés que dans le cadre d’une obligation administrative assortie d’une rentabilité assurée.