Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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radiocristallographie (suite)

Méthode des poudres ou de Debye et Scherrer

La substance, en grains cristallins ayant quelques centièmes de millimètre à une fraction de micron, est exposée à l’action d’un rayonnement monochromatique dont la longueur d’onde sert de repère de longueur. Dans le dispositif le plus classique, elle constitue un bâtonnet de diamètre inférieur à 0,5 mm. Ce bâtonnet est disposé suivant l’axe d’une chambre cylindrique de rayon R, sur laquelle s’applique une pellicule photographique ; le faisceau linéaire de rayons X est délimité par un collimateur cylindrique. Comme les grains sont petits, dans le volume de matière soumis aux rayons X, toutes les orientations sont statistiquement réalisées autour du faisceau incident, de sorte que, pour chacune des familles de plans réticulaires d’intervalle d, il se trouve un grand nombre de grains disposés suivant l’incidence θ de Bragg. Pour chaque valeur de d, il correspond des cônes de diffraction de révolution ayant pour axe le faisceau incident et dont l’angle au sommet est 2θ avec

Les intersections de ces cônes avec le cylindre sont des lignes continues ; à chacune de diamètre l = 4 R θ correspond une valeur de calculée à partir de la formule précédente (fig. 12).

On utilise de plus en plus des diffractomètres. La poudre est répartie à la surface d’une plaque de verre disposée au centre d’un cercle goniométrique qui tourne avec une vitesse angulaire ω, tandis que le compteur tourne à la vitesse 2ω. L’intensité des raies de diffraction et leur position sont déterminées avec précision (fig. 13).


Interprétation des clichés

Quand la symétrie du milieu cristallin est peu élevée, la suite des intervalles des plans réticulaires ne permet pas de déterminer les paramètres cristallographiques et d’interpréter les clichés de poudre. Cependant, si la symétrie est cubique, les intervalles des plans (hkl) ne dépendent que du paramètre a de la maille cubique Il est alors facile d’indexer les raies, de calculer a, de déterminer le mode de réseau. Aussi la méthode des poudres est-elle celle des métallurgistes, car les métaux et les alliages sont microcristallins et souvent cubiques. Moins riche en information que la méthode du cristal tournant, elle est très utilisée, car le montage est simple et toute substance cristallisée peut être identifiée par son diagramme de poudre, comme les empreintes digitales identifient un individu.


Détermination des structures atomiques

Le problème est d’établir l’architecture atomique des substances cristallisées en déterminant la maille et la position des différents atomes à l’intérieur de la maille par leurs coordonnées x, y, z, telles que le vecteur allant de l’origine d’une maille à l’atome soit

On a résolu ce problème pour des milliers de substances cristallisées, et des laboratoires bien équipés déterminent les structures de composés chimiques de plus en plus compliqués. Ces recherches ont bouleversé nos idées sur la nature des atomes, leurs dimensions, leurs modes de liaison, précisé la notion de valence, renouvelé certains chapitres de la chimie, comme celui des silicates.

La méthode utilisée est celle du cristal tournant ; elle nécessite donc un monocristal dont la plus grande dimension n’excède pas quelques dixièmes de millimètre. On détermine d’abord la maille élémentaire par voie photographique, c’est-à-dire si le cristal est triclinique les six valeurs a, b, c, puis la composition chimique du motif cristallin ; par exemple, si le cristal est l’assemblage de molécules de masse moléculaire M (c’est le cas des corps organiques), le nombre Z de molécules contenues dans la maille est donné par v étant le volume de la maille, D la masse spécifique et N le nombre d’Avogadro. Le dépouillement des clichés fournit le mode de réseau de Bravais et le groupe de symétrie spatial, l’un des 230 de A. M. Schoenfliess et I. S. Fedorov. La mesure des intensités des faisceaux diffusés se fait à partir des clichés de cristal tournant, de sorte qu’à chaque réflexion hkl se trouve associé le module du facteur de structure F(hkl). Mais, de plus en plus, toutes ces opérations sont grandement facilitées et deviennent plus précises grâce à l’emploi de diffractomètres automatiques.

À partir de ces informations fournies par l’expérience, fixer les positions mutuelles des atomes dans la maille nécessite toujours un dur travail. Une méthode d’approximations successives, dite d’« essais et retouches » (trial and error), consiste à imaginer un arrangement vraisemblable des atomes, obéissant à la symétrie du groupe spatial. À partir de ce modèle, on calcule les facteurs de structure des centaines de faisceaux diffractés, dont les carrés des modules sont les intensités fournies par l’expérience. Par retouches successives des positions des atomes, on recherche l’accord entre les intensités calculées et observées. Avant l’emploi des ordinateurs, cette méthode n’était applicable qu’à des composés chimiques relativement simples.

Puisque les rayons X ne sont diffractés que par les électrons périphériques des atomes, on révèle ceux-ci en déterminant en chaque point de la maille la densité électronique (nombre d’électrons par unité de volume). Si l’on connaît celle-ci, donc la structure, l’espace réciproque se calcule par une transformation de Fourier de l’espace direct. Toutes les recherches sont orientées vers la détermination de l’espace réciproque, c’est-à-dire des phases des facteurs de structure, dont l’expérience donne aisément les modules. La transformée de Fourier de l’espace réciproque fournit, grâce aux ordinateurs, la structure.

Ce problème des phases peut être attaqué par différentes voies ; par exemple, si le motif cristallin comporte un atome lourd, dont la position dans la maille est connue, sa contribution à la phase de chaque facteur de structure est prépondérante (signe + ou – si l’origine de la maille est un centre de symétrie). Un développement en série de Fourier-Bragg fait apparaître de nouveaux atomes dont on tient compte pour recalculer les phases. Dans les méthodes directes, on détermine les phases par des calculs statistiques que permettent les ordinateurs. Et l’on peut envisager, puisque l’expérience a déjà été réalisée, le temps où, à partir d’un monocristal impondérable (1/1 000 de milligramme) et dont on ne sait rien du point de vue chimique, un diffractomètre automatique associé à un ordinateur révélera rapidement les différents atomes, avec leur degré d’ionisation et leurs positions mutuelles.

J. W.