Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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radicalisme (suite)

Hostiles, dans l’ensemble, à l’expérience d’union nationale de Gaston Doumergue (févr.-nov. 1934), les radicaux participent ensuite au pouvoir jusqu’au début de 1936, mais Pierre Laval (juin 1935 - janv. 1936) voit se dresser contre sa politique autoritaire de déflation la majorité des députés radicaux. Après le ministère radical de « vigilance républicaine » présidé par Albert Sarraut (janv.-juin 1936), le parti radical, qui de 1936 à 1940 est présidé de nouveau par Daladier, proclame qu’il n’a « pas d’ennemis à gauche », mais se montre violemment hostile aux ligues de droite. Cela explique sa participation au rassemblement populaire qui anime les élections de mai 1936 : la discipline républicaine joue en fait au détriment des radicaux, qui perdent 52 sièges et doivent laisser aux socialistes la première place à la Chambre.

Dans le ministère de Front* populaire constitué le 4 juin 1936 par Léon Blum*, on compte 8 ministres et 6 sous-secrétaires d’État radicaux, dont Daladier, qui, ministre de la Défense nationale, a le titre de vice-président du Conseil. Mais, si les radicaux soutiennent massivement le premier cabinet Blum (juin 1936 - juin 1937) et aussi les troisième et quatrième cabinets Chautemps (juin 1937 - mars 1938), la majorité d’entre eux se manifeste antigouvernementale durant le second cabinet Blum, qu’elle contribue à renverser (8 avr. 1938).

La constitution, le 10 avril 1938, du cabinet Daladier de « défense nationale » refait l’unité radicale, la rupture avec les communistes et les socialistes s’opérant en novembre. Désormais, l’extrême gauche s’opposera au gouvernement, appuyé par la grande majorité des radicaux. Quand Paul Reynaud, le 21 mars 1940, remplace Daladier, les radicaux — quoique participant au gouvernement, avec, notamment, Chautemps à la vice-présidence du Conseil et Daladier à la Défense nationale — se montrent plus que réticents. Il est vrai que la défaite, puis l’instauration du régime de Vichy* sur les ruines de la IIIe République bouleversent rapidement toutes les données politiques.


Le parti radical depuis la Seconde Guerre mondiale

Les radicaux sont divisés en juillet 1940 face au maréchal Pétain*. Sur les 80 parlementaires qui votent contre celui-ci, 23 appartiennent au parti radical-socialiste ; 8 radicaux (dont Herriot) s’abstiennent volontairement, et une trentaine d’autres sont absents. Plusieurs chefs radicaux auront à souffrir des rancunes de Vichy ou des « collaborateurs » (Herriot, Daladier, Jean Zay, Maurice Sarraut) ; d’autres (J. Moulin, H. Queuille, P. Mendès France...) participeront activement à la Résistance*.

Mais, principal parti d’une République qui a basculé dans la défaite en juin 1940, le parti radical-socialiste subit un grave échec électoral en octobre 1945 face aux trois « grands » (communistes, socialistes, M. R. P.) : il ne garde, en effet, que 35 sièges. Après une période de flottement, les radicaux se rapprochent de la S. F. I. O. et du M. R. P. (1946), et perdent de ce fait leurs membres les plus à gauche (Pierre Cot et Albert Bayet notamment). Jouant de la double étiquette avec le R. G. R. (Rassemblement des gauches républicaines : U. D. S. R. et radicaux) de 1946 à 1955 et avec le R. P. F. de 1947 à 1951, le parti profite de la fin du tripartisme pour redevenir, à la tête de la « troisième force » (radicaux, socialistes et M. R. P.), l’arbitre de la politique française. Tandis qu’André Marie (1897-1974) et Henri Queuille (1884-1970) passent successivement à la tête du gouvernement (1948-1951), Édouard Herriot est président de l’Assemblée nationale, Gaston Monnerville président du Conseil de la République, Albert Sarraut président de l’assemblée de l’Union française et Émile Roche président du Conseil économique. Le prestige du vieux parti républicain se traduit aussi par une nette remontée lors des élections de juin 1951 (75 élus).

Mais le vieillissement des cadres militants et de la masse de l’électorat radical oblige le parti à modifier sa politique, notamment sur le plan de la laïcité, certains de ses membres — désireux de garder contact avec le M. R. P. — allant jusqu’à voter la loi Marie-Barangé (1951), qui accorde une aide financière à l’enseignement privé. La vieille garde, elle, incarnée dans Herriot et Daladier, qui se relaient à la présidence du parti jusqu’en 1958, freine la tendance néo-radicale, « sociale » et gauchisante de Pierre Mendès France (président du Conseil de juin 1954 à février 1955, vice-président du parti de 1955 à 1957) et la tendance « européenne » de René Mayer (1895-1972).

Cependant, lors du congrès extraordinaire de mai 1955, les « anciens » sont mis en minorité par Mendès France, qui redonne un sang nouveau au parti, qui, aux élections du 2 janvier 1956, rassemble 2 300 000 voix — soit plus d’un million de plus qu’en 1951 ; le recrutement de ses militants déborde largement les bastions traditionnels — Corse, Sud-Ouest : la Seine, par exemple, peut envoyer 8 députés radicaux à l’Assemblée nationale.

Mais le néo-radicalisme rencontre de vives résistances. Après l’exclusion, en décembre 1955, d’Edgar Faure, qui prend la direction du Rassemblement des gauches républicaines, 13 parlementaires radicaux, tenants d’une politique « modérée », quittent le parti, avec Henri Queuille et André Morice. Mendès France, qui ne peut imposer la discipline de vote à son groupe parlementaire, quitte la vice-présidence du parti en mai 1957 et manifeste son désaccord sur la politique coloniale avec le gouvernement présidé, de novembre 1957 à avril 1958, par le radical Félix Gaillard (1919-1970).

La fin difficile de la IVe République et l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle précipitent la crise du radicalisme, les « mendésistes » — qui seront exclus de fait au début de 1959 — se montrant opposés au nouveau régime. Aux élections de novembre 1958, 13 parlementaires radicaux seulement sont réélus. Dès lors, le parti de la rue de Valois confie sa présidence à des hommes plus attachés à l’aspect libéral du radicalisme. C’est d’abord, de 1958 à 1961, l’ancien président du Conseil Félix Gaillard, puis Maurice Faure (1961-1965) et René Billères (1965-1969). Celui-ci accède à la présidence du parti, alors que le radicalisme n’obtient dans les consultations nationales guère plus de 7 p. 100 des suffrages exprimés. Bientôt, l’unité radicale est de nouveau mise en cause par l’élection présidentielle de septembre 1965 : tandis que Maurice Faure et ses amis soutiennent la candidature de Jean Lecanuet, d’autres — dont R. Billères — se déclarent favorables à la candidature de François Mitterrand.