Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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racisme (suite)

En France, la guerre d’Algérie n’a pas contribué à assainir les relations de nombre de Français avec les ouvriers immigrés d’origine nord-africaine. Par ailleurs, il subsiste un vieux fond populaire illustré par le « cartiérisme » (du nom du journaliste Raymond Cartier [1904-1975]) ; celui-ci s’insurge contre l’aide française au tiers monde, qui devrait, selon lui, céder la priorité à l’équipement métropolitain. Enfin, l’opinion publique demeure persuadée que la présence de travailleurs noirs ou nord-africains est à l’origine des problèmes de chômage, de logement, d’encombrement des hôpitaux, de délinquance. Les enquêtes font ressortir l’existence d’un certain racisme parmi la population française. Les pouvoirs publics en sont conscients, et le Parlement a voté une loi contre le racisme (1er juill. 1972) [v. migration].


Le racisme aux États-Unis, en Rhodésie et en Afrique du Sud

Hors d’Europe, le racisme s’est instauré, avec plus ou moins de virulence, dans la plupart des anciennes colonies de peuplement devenues aujourd’hui indépendantes. L’âpreté de la ségrégation varie avec la présence, dans ces pays, soit d’importantes minorités noires descendantes d’esclaves (États-Unis), soit de majorités noires (Afrique* du Sud, Rhodésie*).

Aux États-Unis, en dépit d’une évidente amélioration de la condition des Noirs, la chance de promotion de ceux-ci est inférieure à celle des autres groupes ethniques récemment immigrés. Le droit de vote des hommes de couleur continue à être mis en échec dans les États du Sud. L’accès à certaines universités demeure interdit aux Noirs. En même temps, le pourcentage des chômeurs noirs est supérieur à celui des chômeurs blancs ; les salaires sont également différents suivant les races. La Cour suprême des États-Unis a tenté, par des arrêts, de favoriser l’intégration. Mais l’égalité des droits entre races ne s’est pas encore instaurée.

En Afrique du Sud et en Rhodésie, le racisme est, au contraire, officialisé par l’apartheid, qui sépare rigoureusement la communauté blanche et la communauté noire et qui interdit tout contact. Alors que les pouvoirs publics américains se défendent d’être racistes, les gouvernements sud-africains proclament ouvertement leur volonté de discrimination. L’Afrique du Sud est, géographiquement, séparée en zones noires et en zones blanches. Les premières, les Bantoustans constituent des réserves où les Noirs sont censés être les maîtres chez eux, étant précisé que les domaines essentiels de la défense, de la diplomatie, des communications, de la finance sont de la compétence du gouvernement de Pretoria. En face, les zones blanches sont installées sur les meilleures terres, où les seuls Noirs tolérés sont ceux qui sont indispensables à l’économie. Ces Noirs vivent parqués dans des enceintes d’où ils ne sortent que pour se rendre au travail et sont l’objet de contrôles fréquents. La loi sur les Bantous des zones urbaines interdit à tout Africain de rester plus de soixante-douze heures dans une zone urbaine, à moins qu’il puisse prouver :
— qu’il habite dans cette zone sans interruption depuis sa naissance ou qu’il habite cette zone sans interruption depuis dix ans, au service du même employeur ;
— qu’il a reçu de l’office de recrutement de la main-d’œuvre l’autorisation de rester dans cette zone.

Pour conclure sur l’apartheid, il faut ajouter qu’au niveau de la répression le pourcentage de la population pénitentiaire est de 86 p. 100 chez les non-Blancs et de 14 p. 100 chez les Blancs ; le pourcentage des exécutions capitales est de 89 p. 100 chez les non-Blancs.

Devant cette situation, l’opinion internationale a réagi. Les 6 mai et 16 juillet 1963, l’Assemblée générale de l’O. N. U. a adopté deux rapports qui lui étaient présentés à propos de l’apartheid. Le 7 août 1963, le Conseil de sécurité adoptait par 9 voix contre 0, moins 2 abstentions (la France et la Grande-Bretagne), une résolution par laquelle :
— il réprouve énergiquement la politique de l’Afrique du Sud ;
— il demande au gouvernement sud-africain d’abandonner la politique d’apartheid et de discrimination ;
— il demande solennellement à tous les États de mettre fin immédiatement à la vente et à l’expédition d’armes, de munitions et de tous types de véhicules militaires à l’Afrique du Sud.

En Rhodésie, le gouvernement de Ian Smith a adopté une politique assez voisine de celle de l’Afrique du Sud.

Bref, de siècle en siècle, de continent à continent, il semble que l’homme ait rarement pu résister à la tentation du racisme.

L’Occidental n’a pas le monopole de la discrimination. Certaines thèses répandues chez les Noirs américains du Black Power laissent à craindre qu’un racisme noir ait répondu à la ségrégation. Des affrontements entre groupes ethniques africains (Hutus et Tutsis au Burundi), entre musulmans et hindous ne s’expliquaient pas seulement par des oppositions d’intérêts. En juillet 1972, le comportement des pouvoirs publics de l’Ouganda à l’égard des populations indiennes exilées n’était pas dénué de racisme. On peut aussi s’interroger sur la persistance de certains trafics humains le long des côtes de la mer Rouge. Plus qu’ailleurs le manichéisme doit être exclu de ce débat.

Dans la mesure où l’agressivité participe du comportement humain, il est à craindre que le racisme ne continue ses ravages. Dans la mesure où celui-ci apparaît comme la traduction de la force devant certaines catégories défavorisées, il est comme une des zones d’ombre de la condition humaine. Mais le défi antiraciste aboutit en définitive au refus de l’animalité, de la brutalité. Dans une perspective humaniste, ce combat difficile est essentiel à l’humanité.

F. H.

➙ Afrique du Sud / Antisémitisme / Colonialisme / Esclavage / Génocide / Juifs / Migration / National-socialisme / Noirs des États-Unis (les) / Rhodésie.

 G. Martin, Histoire de l’esclavage dans les colonies françaises (P. U. F., 1948). / A. Memmi, Portrait du colonisateur et portrait du colonisé (Buchet-Chastel, 1957 ; nouv. éd., Payot, 1973). / P. Paraf, le Racisme dans le monde (Payot, 1964 ; 4e éd., 1972). / P. H. Maucorps, A. Memmi et J. F. Held, les Français et le racisme (Payot, 1965). / M. Banton, Races Relations (Londres, 1967 ; trad. fr. Sociologie des relations raciales, Payot, 1971). / L’Apartheid, ses effets sur l’éducation, la culture, l’information (Unesco, 1968 ; 2e éd., 1972). / P. de Comarmond et C. Duchet (sous la dir. de), Racisme et société (Maspero, 1969). / S. Thion, le Pouvoir pâle. Essai sur le système sud-africain (Éd. du Seuil, 1969). / H. Deschamps, Histoire de la traite des noirs de l’Antiquité à nos jours (Fayard, 1972). / C. Guillaumin, l’Idéologie raciste. Genèse et langage actuel (Mouton, 1972). / G. Varet, Racisme et philosophie (Gonthier, 1973). / F. de Fontette, le Racisme (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1975).