Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Québec (province de) (suite)

La neige tombe en abondance, souvent en tempêtes violentes, spécialement dans le sud-est de l’Ungava aux confins du Labrador* (4,5 m de neiges fraîches cumulées), l’est de la Côte Nord (5 m) et les Laurentides de Québec (4,5 m). Les glaces qui encombrent l’estuaire et le golfe de la fin de décembre à la mi-avril ont longtemps interdit la navigation d’hiver ; la technique moderne l’a rendue possible jusqu’à Québec d’abord, Montréal ensuite.

Dans la plaine de Montréal, les quatre mois les plus chauds ont une moyenne de 18,5 °C ; en juin et surtout juillet, on y connaît de très fortes chaleurs, rendues pénibles par l’humidité. En revanche, malgré quelques journées très chaudes, la température de l’été est à peine suffisante pour permettre l’agriculture dans le sud du Bouclier : 14 °C de moyenne pour les quatre mois les plus chauds en Abitibi. Outre un maximum secondaire en novembre-décembre (sous forme de neige), les précipitations ont leur maximum principal en été ; leur total annuel, élevé dans le sud (1 000 à 1 100 mm), diminue vers le nord (400 à 500 mm dans le nord de l’Ungava).

La zonation latitudinale du climat entraîne celle de la végétation et des formations pédologiques. La forêt mixte laurentienne, formée de conifères boréaux (sapins, épinettes [épicéas], certains pins) et de feuillus tempérés (érables, tilleuls, hêtres, frênes) et boréaux (certains peupliers et bouleaux), occupe surtout les basses terres et la cuvette du lac Saint-Jean ; les sols sont faiblement podzolisés (sols bruns, podzoliques bruns ou gris-brun) grâce à la chaleur relative de l’été, au sous-sol sédimentaire et à la forte proportion de feuillus. La forêt boréale transcontinentale (épinette noire, sapin baumier, tremble, bouleau à papier, auxquels s’associent d’autres espèces selon les régions) garnit tout le Bouclier jusqu’au 52e parallèle environ ; la proportion élevée de conifères (donnant un humus acide), l’évaporation réduite et le sous-sol siliceux favorisent le développement des podzols ; les tourbières sont fréquentes dans cette zone ; la nature du sous-sol réduit la podzolisation en Abitibi, où les sols peuvent donner des terres arables après aménagement (drainage). Dans la forêt boréale ouverte (parc subarctique), la toundra boisée et la toundra à lichens, le froid et l’engorgement hydrique (gélisol saisonnier et pergélisol) freinent les processus pédologiques. La forêt des parties élevées des Appalaches (Mégantic, Gaspésie) comprend une proportion de conifères qui croît avec l’altitude.


La population

L’actuelle province de Québec ne fut pas colonisée avant le début du xviie s. ; c’est surtout après 1650 que commença l’expansion démographique, territoriale et économique de la Nouvelle-France. Lorsque la colonie fut conquise par les Britanniques (1759-60), elle ne comptait qu’environ 65 000 habitants. Un fort accroissement naturel, dû à un taux de natalité inégalé chez aucun autre peuple de race blanche, permit la survivance des vaincus : ce fut la célèbre « revanche des berceaux ». La population s’éleva ainsi à 500 000 âmes (dont trois quarts de Canadiens français) vers 1830 et à 1 192 000 en 1871 (dont 78 p. 100 de francophones). À cette époque, le surpeuplement des vieilles paroisses entraîna une émigration importante vers les États-Unis et une expansion de l’agriculture hors des basses terres, dans les Appalaches, à la frange sud du Bouclier et dans la cuvette du lac Saint-Jean. C’est alors que commença la francisation des Cantons de l’Est, peuplés uniquement d’anglophones à l’origine. Malgré l’émigration, la population doubla entre 1871 et 1921 (2 360 000 hab. à cette date) et de nouveau entre 1921 et 1956 (462 800 hab.) ; les effets à retardement de l’explosion démographique du xixe s. ont entretenu un accroissement rapide (30 p. 100 pendant les quinze années 1956-1971).

Depuis 1960 environ, on assiste à un bouleversement du comportement démographique des Québécois : en dix ans, le taux de natalité s’est effondré de près de 25 p. 1 000 à 16 p. 1 000 (c’est le plus bas de toutes les provinces). Le croît naturel reste cependant élevé à cause du très faible taux de mortalité (6,7 p. 1 000), mais la structure de la population par classes d’âge indique déjà une tendance au vieillissement.

Les quatre cinquièmes des Québécois sont aujourd’hui des francophones. Malgré une immigration britannique constante au Québec, le fort excédent naturel des Canadiens français leur a permis d’élever lentement leur part dans la population totale au cours de la seconde moitié du xixe s. ; depuis 1901, cette part se maintient à 80-81 p. 100. Les anglophones (Britanniques et immigrants anglicisés) sont au nombre de 790 000 (13 p. 100). Les Néo-Canadiens du Québec, autres que francophones ou anglophones, sont environ 400 000 (dont 100 000 Italiens). Alors que les Canadiens français sont répartis dans toute la province, les deux tiers des anglophones se rassemblent dans l’agglomération montréalaise (l’autre tiers dans certaines villes industrielles et dans des comtés ruraux du sud des Cantons de l’Est) ; Montréal et sa banlieue concentrent aussi la quasi-totalité des Juifs, des Italiens, des Allemands, des Russes et des Slaves d’Europe centrale. La province de Québec compte en outre 27 000 Indiens (11 p. 100 de ceux du Canada) et 3 800 Esquimaux (sur 17 000 au Canada).

On assimile souvent province de Québec et Canada français, à tort, car d’une part le Québec n’est pas totalement francophone, et, d’autre part, le domaine des Canadiens de langue française déborde sur l’est de l’Ontario* et le nord du Nouveau-Brunswick* ; au total, près d’un million de Canadiens français résident hors du Québec.

Confiné dans les basses terres du Saint-Laurent sous le régime français, le domaine peuplé s’est étendu à la fin du xviiie s. et au xixe s. aux Cantons de l’Est, aux Laurentides, à la vallée de l’Outaouais (Ottawa), à la Gaspésie, au Saguenay - lac Saint-Jean et à la Côte Nord, puis, au début du xxe s., au Témiscamingue et à l’Abitibi, enfin, plus récemment et de façon ponctuelle aux centres miniers de Chibougamau, Schefferville, Gagnon et Matagami. Les migrations modifient la répartition et la densité de la population à l’intérieur du domaine occupé. Certaines régions à croît naturel élevé et relativement surpeuplées alimentent un fort courant d’émigration ; c’est le cas de comtés éloignés des grands centres, peu industrialisés, presque exclusivement canadiens-français (Gaspésie, rive sud du fleuve et de l’estuaire, lac Saint-Jean). D’autres comtés ruraux, longtemps ou encore à majorité britannique (Pontiac, Brome, Huntingdon), sont aussi des régions d’émigration ; mais, par suite d’un accroissement naturel très faible, leur population totale est restée stable ou même a diminué.

Les courants de migration les plus importants se dirigent vers les villes, dans lesquelles résident près de 80 p. 100 de la population. Les principales agglomérations sont celles de Montréal (2 720 420 hab.), Québec (476 232 hab.), Hull (148 440 hab.), Chicoutimi-Jonquière (131 924 hab.), Trois-Rivières-Cap-de-la-Madeleine (95 000 hab.) et Sherbrooke (95 000 hab.).