Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Quaternaire (suite)

La chronologie absolue

Des tentatives de chronologie absolue avaient été menées à bien, en Suède, par Gérard De Geer (1858-1943) sur la base de l’étude des varves. Dans ces dépôts lacustres finement stratifiés, chaque année a laissé sa trace sous la forme d’une couche de vase fine et de matière organique de teinte sombre. Mais la chronologie fondée sur les varves est limitée dans le temps et dans l’espace. Par le comptage et l’analyse des anneaux de croissance des arbres, la dendrochronologie a contribué à la reconstitution des séquences climatiques sur cinq millénaires environ. La téphrochronologie livre aussi des datations absolues lorsque les explosions volcaniques sont datées par des documents historiques. Mais l’information est limitée à une courte période ; au-delà, la chronologie redevient relative.

Les mesures de radioactivité, inaugurées par Willard Frank Libby en 1946, ont ouvert la voie à une chronologie absolue plus longue, qui a rendu nécessaires le choix d’une date de référence (1950) et l’emploi d’un système de datation négatif à partir de cette date, signalé par l’abréviation BP (before present). Le dosage du carbone 14, isotope radioactif du carbone 12 contenu dans les matières organiques, indique la durée de la période de désintégration du carbone depuis la mort de l’organisme. Mais la rapide réduction de la proportion du carbone 14 limite le champ d’information à 50 000 ans. Le potassium radioactif40K, contenu dans des cristaux de roches éruptives, se désintègre en libérant de l’argon,40Ar, qui manque à l’origine. Le rapport40K/40Ar date la formation des cristaux. L’utilisation de cette méthode a conduit à une périodisation longue du Quaternaire. Les datations au carbone 14 et au potassium-argon laissent à l’écart une longue période du Quaternaire comprise entre 50 000 et 1 million d’années. D’autres méthodes sont fondées sur l’examen des produits de décomposition des isotopes 235 et 238 de l’uranium,234U,230Th et231Pa.

L’utilisation des données de la radioactivité* a ouvert de larges possibilités à l’étude des paléotempératures et du paléomagnétisme*. L’oxygène, dont le poids moléculaire est de 16, comporte un isotope radioactif18O. Les mesures de rapport16O/18O réalisées par Cesare Emiliani ont permis de préciser l’évolution des paléotempératures des eaux marines en déterminant le pourcentage de l’isotope18O dans les carbonates précipités des coquilles. Un relèvement sensible des températures a été ainsi enregistré entre 16 500 et 6 000 BP. Toutefois, la faible sensibilité des eaux marines aux oscillations de courte durée, la lenteur des modifications de la circulation océanique d’ensemble et les irrégularités de la sédimentation marine rendent parfois illusoires les datations fines obtenues par cette méthode.

La datation au potassium-argon a précisé les données du paléomagnétisme enregistrées par les roches éruptives. Lorsqu’elles se refroidissent, les particules magnétiques incluses dans la roche s’alignent définitivement dans la direction d’aimantation de polarité, introduisant ainsi un magnétisme thermorémanent. Or, le champ magnétique varie et même s’inverse au cours des temps géologiques. Les mesures du paléomagnétisme quaternaire indiquent une succession de périodes dites « normales », marquées par une orientation vers le nord, et de périodes dites « inverses », marquées par une orientation vers le sud. En combinant ces observations avec des datations au potassium-argon, on a pu définir quatre époques : Gilbert, inverse ; Gauss, normale, entre 3,4 ± 0,1 millions d’années et 2,5 ± 0,2 millions d’années ; Matuyama, inverse, entre 2,5 ± 0,2 millions d’années et 0,7 ± 0,15 million d’années ; Brunhes, normale, qui correspond à la période actuelle. Les époques comportent des épisodes à polarité inverse.


Principales phases

Plus chaude et plus humide que de nos jours, l’Europe avait accueilli au Pliocène des espèces végétales localisées aujourd’hui en Extrême-Orient, comme Ginkgo biloba ou Liquidambar orientalis, ou sur la façade pacifique de l’Amérique du Nord, comme les Séquoias ou les Caryas. Le refroidissement du climat marque en principe le début du Quaternaire ; une altération du climat a été signalée néanmoins avant la fin du Pliocène.


Le Pléistocène

Le Calabrien marin et son équivalent, le Villafranchien continental, sont considérés comme les étages de base du Quaternaire, bien que les sites qui ont donné leurs noms aux étages ne correspondent pas exactement aux caractéristiques que l’on attribue désormais à la période qu’ils désignent. En Europe du Nord, le Villafranchien débute par une période froide, le Prétiglien, qui correspondrait à la glaciation de Donau dans les Alpes. Le Séquoia est alors définitivement éliminé de l’Europe. Après le réchauffement tiglien, plusieurs épisodes froids se succèdent, parmi lesquels figure la glaciation de Günz, qui daterait de 650 000 à 500 000 ans. Au cours du Günz, les Mastodontes disparaissent et les Bovidés primitifs (Leptobos etruscus) se raréfient. Le Rhinocéros étrusque cède progressivement place au Rhinocéros de Merck. Equus Stetonis, le premier cheval connu, apparaît et se substitue à l’Hipparion tridactyle de l’ère tertiaire. Mais les épisodes froids du Villafranchien ne semblent atteindre qu’une partie de l’Europe. Alors que les Conifères se répandent dans les plaines de l’Europe du Nord, le climat du sud-ouest de la France reste encore chaud et sec. Les Hominidés apparaissent approximativement au début du Quaternaire en Afrique. Le plus ancien Australopithèque reconnu avec certitude, découvert dans la vallée de l’Omo, en Éthiopie, date de 3 300 000 ans. Aucune trace d’Hominidé villafranchien n’a été découverte en Europe.

À partir du Quaternaire moyen, la flore exotique héritée du Pliocène disparaît complètement. Au cours de l’interglaciaire Günz-Mindel, connu sous le nom de Cromérien, la forêt de Chênes, d’Ormes et de Tilleuls s’étend aux dépens des Aulnes, des Bouleaux et des Pins ; la faune chaude, qui comprend l’Éléphant antique, le Rhinocéros de Merck, l’Hippopotame majeur et le Machairodus, occupe encore le territoire européen. La glaciation de Mindel provoque l’expansion des espèces végétales boréales en Europe. Le Renne peuple une partie du continent, alors qu’Elephas meridionalis disparaît. La présence de l’Homme est attestée à Vértesszőllős, en Hongrie, et à Terra Amata, au pied du mont Boron, près de Nice, au cours d’interstades mindéliens. Réduit à des galets aménagés au début de l’occupation du site de Terra Amata, l’outillage s’affine ensuite ; les gisements du dernier interglaciaire livrent des bifaces.