Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

puniques (guerres) (suite)

Quand Hannibal fut sous les murs de la ville, les femmes, à en croire les historiens, passèrent leur temps à gémir, à embrasser les autels et à tendre les mains vers le ciel. La panique s’empara de la foule quand une troupe de transfuges numides traversa la ville pour aller occuper les positions de défense : on croyait voit l’ennemi dans la place, on se bousculait au milieu du bétail réfugié qui campait dans les rues, on se réfugiait sur les toits. Quand Hannibal s’éloigna enfin, on consacra un temple au dieu du Retour (Rediculus).


La troisième guerre (149-146)

Cependant, la puissance carthaginoise devait encore se relever. Elle put effectuer le paiement anticipé de l’indemnité de guerre. Dépouillés de leur empire colonial, les Carthaginois se tournèrent vers leur arrière-pays et firent progresser l’agriculture. Caton*, qui visita le pays vers 153, s’alarma de ce redressement et donna l’alerte, répétant que Carthage devait être détruite (Delenda est Carthago). D’ailleurs, les prétentions de Masinissa, roi des Numides, sur les territoires d’Afrique obligeaient celui-ci à reconstituer ses stocks d’armes, plus ou moins clandestinement. Un prétexte se présenta en outre : la guerre éclata entre Masinissa et Carthage, et Carthage fut vaincue. Rome pouvait craindre de voir la puissance carthaginoise relayée et accrue par le Numide vainqueur. Une expédition romaine débarqua en Afrique (149) et, malgré les promesses répétées de soumission de la part de Carthage, assiégea la ville. Les opérations traînèrent jusqu’à la prise en main par P. Cornelius Scipio Aemilianus (Scipion Émilien), en 147. En 146, la ville fut conquise maison par maison. Ensuite, elle fut rasée, et son territoire devint domaine public de l’État romain. Ainsi s’achevaient, dans un anéantissement total d’un des adversaires, ces trois guerres inexpiables, lourdes de conséquences pour Rome elle-même, entraînée dans des conquêtes sans fin et profondément transformée dans son gouvernement et ses mœurs par sa position de conquérante.

La vengeance de l’Afrique devait s’exercer longtemps après, quand le Vandale Geiséric débarqua en Italie et prit Rome : on a pu qualifier son raid de « quatrième guerre punique » (455 apr. J.-C.).

R. H.

➙ Carthage / Hannibal / Rome / Scipions (les).

 B. Combet-Farnoux, les Guerres puniques (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1960). / B. H. Warmington, Carthage (Londres, 1960 ; nouv. éd. Harmondsworth, 1965). / A. J. Toynbee, Hannibal’s Legacy. The Hannibalic War’s Effects on Roman Life (Oxford, 1965 ; 2 vol.). / G. C. et C. Picard, Vie et mort de Carthage (Hachette, 1970).

Purcell (Henry)

Compositeur anglais (Londres 1659 - id. 1695).



L’homme

« Mélange de virtuosité et d’étrangeté », dit Benjamin Britten du plus grand compositeur anglais. Purcell est virtuose par une exceptionnelle maîtrise de son art, comparable seulement à celle de Monteverdi, et par une fusion synthétique des styles européens qui préfigure Bach. Il est étrange par tout ce qui échappe aux habitudes d’écriture du musicien de son temps et qui nous frappe aujourd’hui, comme autant de familiarités ou d’audaces shakespeariennes.

Que Purcell ait été souvent embarrassé par l’esthétique un peu officielle encouragée par la Restauration anglaise, laquelle prônait un art copié sur celui de Versailles, cela n’est sensible que dans l’aspect formel de son œuvre : un certain déchet dans un ensemble immense créé en une quinzaine d’années, et des cadres parfois un peu vieillis. Mais son indomptable originalité non seulement s’est accommodée de la convention — tout grand artiste baroque en fait autant —, elle l’asservit, dans ses grands chefs-d’œuvre, à la réalisation de messages universels qui défient le temps et dont l’exemple suprême, mais non le seul, est Dido and Aeneas (Didon et Énée). Il manque peut-être au portrait fait par Britten un autre mélange : celui de l’intimité et de la grandeur.

Thomas Purcell († 1682) et Henry Purcell († 1664), respectivement père et oncle du musicien, ont eux-mêmes été musiciens du roi. Henry Cooke (v. 1616 - † 1672), Pelham Humphrey (1647-1674), puis John Blow (1649-1708) ont été les maîtres d’Henry Purcell à Londres, ville dans laquelle se déroulera sa brève carrière musicale jusqu’à l’automne de 1695. Trente-six années d’une vie pleine à déborder auront permis à Purcell de connaître et de servir trois souverains : Charles II, Jacques II et Guillaume III. C’est à la Chapelle royale, où il est entré dès l’âge de neuf ans, qu’il apprend à être musicien. En 1677, il a dix-huit ans et prend les fonctions de compositeur ordinaire des violons du roi. Deux ans plus tard, succédant à son maître Blow, il est organiste à Westminster. De son mariage en 1680 ou 1681 naissent six enfants, dont trois meurent tout jeunes. À partir de 1682 jusqu’à sa mort, il occupe l’un des trois postes d’organistes de la Chapelle royale.


La musique instrumentale


Les fantaisies

Purcell a vingt et un ans lorsqu’il écrit son chef-d’œuvre instrumental, et son œuvre la plus archaïsante en ce domaine reste curieusement pour nous la plus moderne. Les quinze fantaisies s’inscrivent en effet dans la lignée des compositions similaires de l’époque élisabéthaine. Purcell, composant pour trois, quatre, cinq, six ou sept parties, rejoint ses ancêtres William Byrd* ou Orlando Gibbons (1583-1625), mais, comme eux, il ne considère le jeu polyphonique que comme prétexte à la plus grande intensité expressive ; comme eux, il fait alterner dans chaque fantaisie des épisodes contrastés. Et, comme eux, il accomplit des tours de force en se jouant : faire circuler à l’une des parties l’In nomine, vieux motif d’une messe de John Taverner (v. 1495-1545) qui a hanté les élisabéthains, et construire une fantaisie entière sur la permanence d’une seule note tenue. Le jeune musicien dépasse tout cela et tous ceux-là : la profondeur de ces pages appelle irrésistiblement la comparaison, si étrange que cela puisse paraître, avec certains moments des derniers quatuors de Beethoven. Ce recueil de fantaisies, ignoré jusqu’en 1927, contient encore une chaconne et une pavane en sol mineur.