Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Puce (suite)

Nutrition et rôle pathogène

Strictement hématophages, les Puces perforent la peau de leurs victimes grâce aux stylets vulnérants que constituent leurs mandibules et leur labre ; les maxilles sont peu développées, et les palpes labiaux forment un étui autour des pièces piqueuses. La salive injectée provoque une irritation désagréable. Le sang est rapidement aspiré par le pharynx, parfois en excès, si bien qu’une gouttelette en exsude par l’anus de l’Insecte. Repue, la Puce abandonne la plaie ; mais la Chique femelle reste fichée par sa trompe et s’enfonce dans la peau ; elle gonfle progressivement jusqu’à atteindre la taille d’un petit pois, alors qu’avant de se fixer elle mesurait à peine 1 mm.

Beaucoup d’espèces de Puces piquent de préférence un hôte déterminé, mais ne dédaignent pas éventuellement une espèce plus ou moins apparentée : la Puce du Chien peut se rencontrer sur d’autres carnivores ainsi que sur l’Homme ; celle de l’Homme vit à l’occasion sur le Chien ou le Chat. Toutes les espèces de Puces de la famille des Ischnopsyllidés parasitent des Chauves-Souris.

Plusieurs Puces sont responsables de la transmission de graves maladies microbiennes. Ainsi la peste bubonique est-elle propagée chez les Rats par diverses espèces, en particulier par Xenopsylla cheopis, qui la transmet à l’Homme, surtout dans les régions chaudes : absorbé avec le sang du Rat infesté, le bacille de Yersin se multiplie dans le tube digestif de la Puce et est inoculé en grande quantité quand l’Insecte pique un hôte sain. D’autres Puces transmettent chez les Rongeurs la tularémie et le typhus murin. Ajoutons que la Puce du Chien sert d’hôte intermédiaire à un Ténia propre aux carnivores, Dipylidium cannium.


Reproduction et développement

Le dimorphisme sexuel n’apparaît guère que dans la taille, plus grande chez la femelle que chez le mâle. Après l’accouplement, les œufs sont projetés à quelque distance par la femelle ou déposés sur l’hôte, puis tombent le plus souvent sur le sol. Les larves, vermiformes, apodes et aveugles, se déplacent en rampant ; avec leurs mandibules broyeuses, elles se nourrissent des débris organiques qu’elles rencontrent dans le nid ou la tanière de l’hôte ; les Puces domestiques trouvent leurs aliments dans la poussière. Après quelques jours, la larve file un cocon soyeux qui abrite la nymphe ; l’adulte éclôt, mais reste souvent dans le cocon ; la sortie est déclenchée par une excitation mécanique, par exemple par un frottement, une vibration dus à un hôte éventuel. Chez Pulex irritans, la vie larvaire dure une dizaine de jours et la vie nymphale trois semaines ; l’imago peut vivre un an et demi.


Affinités

L’ambre oligocène de la Baltique a livré des Puces voisines des formes actuelles. Une Puce beaucoup plus ancienne, découverte dans des formations secondaires d’Australie, ne diffère guère des espèces contemporaines que par ses longues antennes. La paléontologie ne nous renseigne donc guère sur les origines de l’ordre des Siphonaptères, que l’on a longtemps rapproché des Diptères.

M. D.

 E. Séguy, Insectes ectoparasites mallophages, anoploures, siphonaptères (Lechevalier, 1944).

Pucelle (Jean)

Peintre enlumineur actif à Paris vers 1320-1330, mort dans cette ville au cours de l’hiver 1333-34.


Artiste célèbre, il décora des manuscrits de grand luxe et fut vraisemblablement l’initiateur d’un nouveau style pictural dans la France du xive s. Mais bien des mystères demeurent autour de sa personne et de son art. Outre la date de sa mort, découverte récemment, on sait que Pucelle dessina le grand sceau de la confrérie de Saint-Jacques-aux-Pèlerins à Paris entre 1319 et 1324. Son nom apparaît entre 1323 et 1326 dans les notes marginales du Bréviaire de Belleville (Bibliothèque nationale, Paris) avec ceux des peintres Mahiet, Ancelot et J. Chevrier. Il est mentionné en 1327, à côté des deux premiers de ces collaborateurs (ici appelés Jaquet Maci et Anciau de Sens), dans la Bible de Robert de Billyng (Bibliothèque nationale). Jeanne d’Évreux, reine de France et de Navarre, veuve de Charles IV le Bel, a légué dans son testament un petit livret d’oraisons que son royal époux avait commandé pour elle et que « Pucelle enlumina ». Le duc Jean de Berry* possédait dans ses collections un livre d’heures enluminé de blanc et de noir, dit « Heures de Pucelle ». Toute la réputation de l’artiste est établie sur ces quelques documents, sur les enluminures du Bréviaires de Belleville et de la Bible de Robert de Billyng, dont il ne fut que l’un des illustrateurs, et sur celles du Livre d’heures de Jeanne d’Évreux (musée des Cloîtres, New York), qui est peut-être le manuscrit mentionné dans les inventaires du duc de Berry.

Plus que du style de Jean Pucelle, il conviendrait de parler de celui de l’atelier Pucelle, car on ne peut distinguer la main du maître de celles de ses collaborateurs. Cet atelier mit à la mode, dans les marges des manuscrits, les sujets naturalistes et anecdotiques, dont les antécédents existaient dans la peinture anglaise, mais qui s’incorporèrent alors à l’ensemble de l’illustration. Il répudia les couleurs éclatantes au profit des tons subtils et nuancés, et même de la grisaille, qui était déjà employée dans l’art du vitrail. Il accusa les tendances linéaires, les silhouettes souples et élégantes des écoles picturales parisienne et siennoise. Mais il introduisit aussi en France les conceptions italiennes de perspective, appliquées à un espace clos et peu profond, avec indications de plans, conceptions alors très nouvelles. Ce « style Pucelle » ne permet pas de discerner les origines de l’artiste : venait-il du Nord ou, au contraire, d’Italie ? En tout cas, c’est à Paris, dans l’entourage du mécénat royal, que sa manière s’affirma, et c’est dans le milieu artistique parisien qu’elle se perpétua après la mort de Pucelle. Ses tendances réapparaissent dans le livre de prières de Bonne de Luxembourg, épouse de Jean le Bon, livre peint vers 1345 et acquis par le Metropolitan Museum de New York en 1969. Ce style a influencé les illustrations du Bréviaire de Jeanne d’Évreux (musée Condé, Chantilly) et de Miracles de la Vierge de Gautier de Coincy (Bibliothèque nationale). On le retrouve chez le maître anonyme du Bréviaire de Charles V (Bibliothèque nationale), successeur de l’atelier Pucelle et auteur de peintures des Heures de Yolande de Flandre, après 1353 (British Museum, Londres). L’influence exercée par Pucelle et son entourage a donc été durable et a marqué l’évolution de la peinture française vers le style gothique* international de la fin du xive s.

A. P.

 K. Morand, Jean Pucelle (Oxford, 1972).