Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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psychologie (suite)

Ce n’est pas la pathologie qui sert de fondement aux travaux de I. P. Pavlov* (1849-1936), mais la physiologie. À l’occasion de recherches sur les sécrétions digestives, Pavlov observe vers 1897 que ces sécrétions peuvent être déclenchées non seulement par les aliments eux-mêmes, mais par un signal quelconque (bruit de pas par exemple) régulièrement suivi par l’ingestion des aliments. Les réflexes « conditionnés » (ou « conditionnels ») sont découverts. Leur étude permet à Pavlov de construire une théorie générale des associations se produisant au niveau du cortex, théorie fondée sur l’intervention de deux processus antagonistes, l’excitation et l’inhibition. Cette théorie ouvre un large champ à l’expérimentation proprement psychologique. Le mécanisme du conditionnement paraît jouer un rôle très large dans la régulation des conduites. Celte régulation peut anticiper sur les variations du milieu en utilisant les signaux qui les annoncent. Elle peut mettre en jeu des hiérarchies de conditionnements plus ou moins généralisés, des ensembles plus ou moins étroitement structurés. Le langage lui-même peut être conçu comme un « second système de signalisation ».

J. B. Watson (1878-1958), le fondateur du béhavionsme*, va faire un large usage de la théorie et des techniques du conditionnement. Il réagit contre l’introspection utilisée par Wundt et proclame la nécessité de fonder entièrement la psychologie sur l’analyse des liaisons entre les stimuli et les réponses extérieurement observables de l’organisme. Le conditionnement élargit considérablement le domaine pouvant être exploré par une psychologie ainsi définie. On peut relever que cette psychologie du « comportement », fondée par un article de 1913 et un ouvrage de 1919 (Psychology from the Standpoint of a Behaviorist), a été définie en France par H. Piéron dès 1908.

À peu près au moment où Watson réagit contre la méthode introspective de Wundt, un autre psychologue rejette le caractère « élémentiste » de la psychologie expérimentale pratiquée à Leipzig. Max Wertheimer (1880-1943) fonde en effet, par un article de 1912 sur la perception du mouvement, l’école de la « Gestalt », c’est-à-dire de la Forme (v. Gestalttheorie). Ces « formes » sont des totalités immédiatement perçues, qui ne peuvent se ramener à la succession ou à la juxtaposition des parties qui les constituent.


L’amorce du développement

À partir de ces sources, les travaux de la psychologie scientifique se développent très largement. Très vile, les travaux de chaque école se diversifient, les apports des différentes conceptions se mêlent.

Ainsi, Wundt a un disciple qui lui est strictement fidèle, Edward Bradford Titchener (1867-1927). Celui-ci enseigne aux États-Unis la psychologie qu’il a apprise à Leipzig. Mais le structuralisme de Titchener est loin de représenter la tendance unique, ni même la tendance dominante, aux États-Unis, où les laboratoires et les publications des psychologues se multiplient dans les dernières années du xixe s. et les premières années du xxe. Les jeunes psychologues américains sont souvent « fonctionnalistes » à cette époque : c’est le cas de John Dewey (1859-1952). Mais le fonctionnalisme constitue moins une école à la doctrine précise qu’une attitude conduisant à rechercher une explication des conduites dans les fonctions qu’elles assument au cours de l’adaptation. Cette attitude doit beaucoup à l’évolutionnisme de Darwin et de Galton. Elle va susciter un élargissement du champ de travail du psychologue, qui abandonnera parfois le laboratoire pour étudier les animaux, les enfants et leur développement, les malades, les différences individuelles que révèle un large emploi des tests. Cette psychologie comportera des applications, notamment aux problèmes du travail et de l’école. Elles vont être développées par des hommes comme James McKeen Cattell (1860-1944), ancien assistant de Wundt qui a aussi travaillé avec Galton ; ou comme Edward Lee Thorndike (1874-1949), pionnier des études de l’apprentissage sur l’animal, de la psychologie éducative et des tests.

Watson, de son côté, a lui aussi un disciple fidèle en Burrhus Frédéric Skinner (né en 1904), qui élargit le domaine du conditionnement à des situations où l’organisme doit agir pour que le « renforcement » (la récompense) intervienne. Mais peuvent être rattachés aussi au béhaviorisme des psychologues comme Clark Leonard Hull (1884-1952) ou Edward Chace Tolman (1886-1959), qui, surtout dans la période 1930-1950, développent l’étude expérimentale de l’apprentissage. Chez ces auteurs, le rôle des théories est beaucoup plus large que chez Watson, et la formalisation logico-mathématique de ces théories apparaît chez Hull.

Galton a en J. McKeen Cattell un continuateur fidèle en matière de tests, et ses méthodes statistiques se développent largement, notamment aux États-Unis. Mais les épreuves sensorielles ou motrices très élémentaires de Galton et de Cattell sont rejetées par A. Binet* (1857-1911), qui leur préfère une échelle de niveau mental (à partir de 1905) utilisant des tâches plus complexes, plus concrètes, plus proches de celles de la vie courante. Ce nouveau type d’épreuves fournit des indications en termes d’« âge mental », c’est-à-dire par rapport au développement de l’enfant normal.

Binet est aussi, par certains aspects de son œuvre, l’un des membres de l’école pathologique française, l’école de T. Ribot. Celui-ci voit son œuvre prolongée par celle de Georges Dumas (1866-1946). Mais un autre de ses élèves, Pierre Janet* (1859-1947), témoigne d’une originalité plus grande. C’est un médecin, un clinicien, qui accorde à la construction de théories interprétatives une importance et une liberté qui paraissent s’éloigner de certaines des règles que Ribot a posées dans l’introduction de sa Psychologie anglaise contemporaine. Cette liberté dans la construction de théories interprétatives à peu près impossibles à vérifier expérimentalement est utilisée plus largement encore par un autre auditeur de Charcot, S. Freud* (1856-1939), le fondateur de la psychanalyse*. L’école pathologique française et la psychanalyse suscitent le développement d’une pratique psychologique fondée sur le contact individuel, sur l’étude approfondie de cas particuliers, qui sont souvent des cas de personnes connaissant des difficultés anormales d’adaptation (par exemple des enfants ne s’adaptant pas à la vie scolaire). On parle à ce sujet de « psychologie clinique », selon l’expression qu’emploie, le premier, Lightner Witmer (1867-1956), aux États-Unis, en 1896. Mais celle expression est appliquée à des méthodes et à des pratiques pouvant être très diverses.