Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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psychanalyse (suite)

Un travail de recherche et d’élaboration très important est accompli au sein de la Société française de psychanalyse. Les huit volumes de la revue la Psychanalyse, publiés de 1954 à 1964, en portent témoignage. En 1956, Jacques Lacan publie la Chose freudienne ou Sens du retour à Freud en psychanalyse (réédité dans Écrits, 1966). « Ce n’est pas d’un retour du refoulé qu’il s’agit pour nous, mais de prendre appui dans l’antithèse que constitue la phase parcourue depuis la mort de Freud dans le mouvement psychanalytique pour démontrer ce que la psychanalyse n’est pas, et de chercher avec vous le moyen de remettre en vigueur ce qui n’a cessé de la soutenir dans sa détermination même, à savoir le sens premier que Freud y préservait par sa seule présence et qu’il s’agit ici d’expliciter. »

Mais la seconde scission couve, celle qui est dite « de l’Internationale ». Depuis 1910 existe une association internationale de psychanalyse, l’International Psychoanalytical Association, qui regroupe, au titre de chacune, les membres des sociétés nationales. Après la mort de Freud, en 1939, l’IPA s’est distinguée par son conformisme. Déjà dans son discours de Rome, Jacques Lacan se demandait si ce ne sont pas les formes dans lesquelles Freud voyait la garantie de la transmission de la doctrine qui sont responsables d’un « formalisme décevant qui décourage l’initiative en pénalisant le risque, et qui fait du règne de l’opinion des doctes le principe d’une prudence docile où l’authenticité de la recherche s’émousse avant de se tarir ».

Le problème vient du fait que, à leur départ, les membres qui rallièrent la Société française de psychanalyse ne sont plus reconnus par l’IPA. Diverses tractations ont lieu et, en juillet 1963, l’IPA dicte la condition sine qua non qu’elle met au renouvellement de sa reconnaissance : le règlement de la façon dont Jacques Lacan conduit ses analyses didactiques. Le retournement de nombreux membres se manifeste par rapport à 1953. La S. F. P. est dissoute. Et, le 21 juin 1964, Jacques Lacan fonde l’École freudienne de Paris (École française de psychanalyse) avec Piera Aulagnier, Jean Clavreul, Serge Leclaire, François Perrier, Guy Rosolato et Jean-Paul Valabrega. Un autre groupe se forme : l’Association psychanalytique de France, qui demande et obtient son affiliation à l’IPA. Enfin une autre scission se produit en mars 1969 lorsque, à la suite de la proposition du 9 octobre 1967 de Jacques Lacan concernant l’analyse didactique, un groupe quitte l’E. F. P. pour former le Quatrième Groupe.

Que dire du mouvement psychanalytique aujourd’hui ? Il est inutile de faire état des différents courants qui le traversent si on ne tient pas compte des différents niveaux où ils interviennent.

Il y a le niveau de la pratique. Serge Leclaire remarque la « singulière méconnaissance de la position du psychanalyste qui, pour impossible qu’elle soit dite par Freud, n’en est pas moins quotidiennement tenue ». Certes, il y a encore des tenants d’une fidélité immobile à Freud. Mais on peut remarquer que la pratique va dans le sens général d’une mise en question plus vive de la place que le psychanalyste occupe. À la pratique « libérale » en cabinet privé s’ajoutent celles que toutes sortes d’institutions offrent aux analystes (hôpitaux psychiatriques, instituts médico-pédagogiques, crèches, universités...). Et puis il y a le niveau des activités théoriques concernant des champs aussi variés que la linguistique, la littérature, l’anthropologie..., à l’image des multiples « curiosités » des travaux de Jacques Lacan, dont la soudaine mode structuraliste — sans qu’il l’ait cherché — s’est emparée.

Il n’est pas inutile de faire le point sur les quatre sociétés de psychanalyse qui existent aujourd’hui en France :
— la Société psychanalytique de Paris fondée en 1926, et l’Institut de psychanalyse, son organe de formation (reconnue par l’IPA) ;
— l’Association psychanalytique de France, fondée en 1964 (reconnue par l’IPA) ;
— L’École freudienne de Paris, fondée par Jacques Lacan en 1964 ;
— le Quatrième Groupe (Organisation psychanalytique de la langue française), fondé en 1969.

Ce serait une illusion de penser que l’on trouve la même « marchandise » sous quatre étiquettes différentes. Il suffit de lire une page de Nacht et une page de Lacan pour se rendre compte qu’ils ne parlent pas de la même chose.

On ne peut guère conclure sur ce qui serait le sens de l’histoire du mouvement freudien en France. Faire l’histoire de quelque chose est trop souvent l’occasion d’en amortir les effets. La multiplicité des institutions, l’éparpillement des activités de ses membres ne font que mieux ressortir une ligne de clivage qui partage le choix des alliés. Il est vain d’ironiser sur l’obscurité de la théorie ou de se lamenter sur le prétendu sectarisme de tel ou tel tant qu’on n’a pas analysé, dans ses conséquences, ce qui est incompatible avec une position freudienne.

L’histoire des scissions du mouvement freudien témoigne en fin de compte des effets d’un apport théorique nouveau à l’analyse. Encore aujourd’hui, la psychanalyse est l’objet d’attaques diverses qui ont toutes en commun un même refus de tenir compte des conséquences de la découverte freudienne de l’inconscient, sur lesquelles il faut sans cesse revenir. C’est dans cette perspective qu’il convient de considérer le mouvement psychanalytique français.

B. M.

➙ Adler (A.) / Art / Critique / Freud (S.) / Imaginaire, symbolique et réel / Inconscient / Jung (C. G.) / Klein (M.) / Lacan (J.) / Moi (le) / Mythe et mythologie / Névrose / Œdipe (complexe d’) / Psychose / Psychothérapie / Rêve / Schizophrénie / Sexualité.

 S. Freud et J. Breuer, Studien über Hysterie (Leipzig et Vienne, 1895 ; trad. fr. Études sur l’hystérie, P. U. F., 1956, nouv. éd., 1967). / S. Freud, Die Traumdeutung (Vienne, 1900 ; trad. fr. la Science des rêves, Alcan, 1926, nouv. éd., l’Interprétation des rêves, P. U. F., 1967) ; Selbstdarstellung (Leipzig, 1925 ; trad. fr. Ma Vie et la psychanalyse, Gallimard, 1928, nouv. éd., 1968) ; Das Unbehagen in der Kultur (Vienne, 1930 ; trad. fr. Malaise dans la civilisation, Denoël et Steele, 1934, nouv. éd., P. U. F., 1971) ; Der Mann Moses und die monotheistische Religion (Londres, 1939 ; trad. fr. Moïse et le monothéisme, Gallimard, 1948, nouv. éd., 1967) ; Aus den Anfängen der Psychoanalyse (Londres, 1950 ; trad. fr. la Naissance de la psychanalyse. Lettres à Wilhelm Fliess, notes et plans, 1887-1902, P. U. F., 1956, 3e éd., 1973). / A. Breton, le Manifeste du surréalisme (Éd. du Sagittaire, 1924). / S. Ferenczi, Versuch einer Genitaltheorie (Leipzig, 1924 ; trad. fr. Thalassa. Psychanalyse des origines de la vie sexuelle, Payot, 1962). / O. Rank, Das Trauma der Geburt und seine Bedeutung für die Psychoanalyse (Vienne, 1924 ; trad. fr. le Traumatisme de la naissance, Payot, 1968). / W. Reich, Die Massenpsychologie des Faschismus (Copenhague, 1933 ; trad. fr. la Psychologie de masse du fascisme, Payot, 1972). / M. Klein, Contributions to Psychoanalysis, 1921-1945 (Londres, 1948 ; trad. fr. Essais de psychanalyse, Payot, 1967). / C. Lévi-Strauss, les Structures élémentaires de la parenté (Plon, 1949) ; Anthropologie structurale (Plon, 1958-1973 ; 2 vol.). / G. Róheim, Psychoanalysis and Anthropology. Culture, Personality and the Unconscious (New York, 1950 ; trad. fr. Psychanalyse et anthropologie, culture, personnalité, inconscient, Gallimard, 1967). / E. Jones, The Life and Work of Sigmund Freud (Londres, 1953-1957, 3 vol. ; trad. fr. la Vie et l’œuvre de Sigmund Freud, P. U. F., 1958-1969, 3 vol.), Essays in Applied Psychoanalysis (New York, 1964, 2 vol. ; trad. fr. Essais de psychanalyse appliquée, Payot, 1973). / J. Lacan, Écrits (Éd. du Seuil, 1966 ; nouv. éd., 1970-71, 2 vol.) ; le Séminaire. Livre XI. Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse (Éd. du Seuil, 1973) ; Télévision (Éd. du Seuil, 1974). / J. Laplanche et J.-B. Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse (P. U. F., 1967). / S. Leclaire, Psychanalyser. Un essai sur l’ordre de l’inconscient et la pratique de la lettre (Éd. du Seuil, 1968). / O. Mannoni, Freud (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1968). / E. Fromm, Crisis of Psychoanalysis (New York, 1970 ; trad. fr. la Crise de la psychanalyse, Anthropos, 1971, nouv. éd., Gonthier, 1973). / G. Deleuze et F. Guattari, Capitalisme et schizophrénie, t. I : l’Anti-Œdipe (Éd. de Minuit, 1972). / P. Fedida, Dictionnaire de la psychanalyse (Larousse, 1974).