Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

psoriasis

Dermatose érythémato-squameuse (rougeur et desquamation) fréquente, souvent familiale, non contagieuse et de nature inconnue.


Le psoriasis est fait de plaques rouges plus ou moins grandes, recouvertes de squames blanches. Suspecté à première vue, il est confirmé par le grattage méthodique, qui en révèle les caractéristiques classiques : signe de la tache de bougie et piqueté hémorragique (signe d’Auspitz). Les plaques psoriasiques de topographie à tendance symétrique siègent de préférence aux genoux, aux coudes, au sacrum et au cuir chevelu. Le psoriasis peut apparaître en d’autres points irrités ou traumatisés : piqûres, écorchures, ventouses scarifiées, tatouages, vaccinations. Mis à part le gland, les muqueuses sont respectées, mais les ongles sont fréquemment touchés. Il existe de nombreuses formes cliniques en fonction de la taille, de l’étendue, de la figuration, de l’épaisseur, de l’évolution des plaques : psoriasis en gouttes, en plaques, en cuirasse, circiné, annulaire, zoniforme, pustuleux, ostréacé, alterné, généralisé ou localisé (palmo-plantaire). Le psoriasis peut survenir à tout âge, exceptionnellement, toutefois, chez le tout jeune enfant et le vieillard ; il apparaît le plus souvent dans la seconde enfance et à la puberté. Il succède fréquemment à une angine ou à un choc émotif.

Affection chronique, il évolue par poussées successives, dont la survenue et la durée sont essentiellement individuelles. Les rémissions, plus ou moins longues, se chiffrent par mois, mais aussi par années. L’anarchie évolutive des poussées semble, toutefois, être en corrélation avec les saisons (le psoriasis s’atténue l’été sous l’influence du soleil), avec les épisodes de la vie génitale (puberté, grossesse, ménopause), avec les traumatismes et les chocs psychiques. Le pronostic vital est habituellement bénin, mais, pour de nombreux malades, par la répétition des poussées, leur intensité, la résistance au traitement, le psoriasis constitue une véritable infirmité.

Pauvre en complications locales infectieuses (furoncles, impétigo), le psoriasis peut, par contre, s’eczématiser au niveau des plis. Non purigineux, il est susceptible de le devenir chez les intoxiqués (alcooliques) ou chez les diabétiques, les urémiques ou les hypernerveux. De plus, rarement généralisé ou érythrodermique, parfois en raison d’une thérapeutique intempestive, il se transforme en une dermite exfoliatrice de pronostic réservé. La grande complication à résoudre est le rhumatisme arthropathique, heureusement peu fréquent (de 1 à 2 p. 100 des cas). Tantôt celui-ci reste atténué (douleurs articulaires et musculaires), tantôt, mais plus rarement, il est grave : déformations osseuses, rétractions fibreuses, ankyloses, dont l’aboutissant simule de très près la polyarthrite rhumatoïde, exception faite de la réaction de Waaler-Rose, qui reste négative.

Le diagnostic du psoriasis est généralement facile à établir, mais certaines erreurs sont à éviter. Dans les parakératoses psoriasiformes, les signes du grattage ainsi que l’évolution sont différents, la maladie n’étant pas chronique. Dans le parapsoriasis en goutte, chaque élément évolue en trois semaines. Le lupus érythrémateux chronique associe rougeurs, kératose ponctuée et atrophiée. Les kératodermies palmo-plantaires psoriasiformes, en l’absence d’autres localisations du psoriasis, sont toujours difficiles à différencier ; elles nécessitent parfois des examens histologiques, biologiques et bactériologiques. Mais l’erreur la plus importante à éviter consiste à prendre à tort pour des parapsoriasis en gouttes des syphilides psoriasiformes. Celles-ci diffèrent par leur topographie, les signes différents de grattage, l’infiltration des lésions et l’association fréquente d’autres manifestations de la syphilis secondaire (v. syphilis). Au moindre doute, il est nécessaire de faire pratiquer des réactions sérologiques.

Le psoriasis s’observe dans tous les pays, mais, alors qu’il est rare en zone tropicale, il est beaucoup plus répandu dans les contrées froides et le nord de l’Europe. Plus fréquent chez l’homme que chez la femme, il est parfois héréditaire (20 p. 100 environ des cas).

La cause exacte est encore inconnue, mais de nombreuses hypothèses ont été avancées.

La théorie infectieuse est fondée sur l’extension en tache d’huile de certains éléments, l’immunité temporaire des plages blanchies, la fréquence des récidives tant qu’il persiste des îlots de résistance. De nombreux germes ont été incriminés, mais aucun n’a été reconnu comme authentiquement spécifique de la dermatose. Actuellement, cette théorie n’a plus guère de partisans. Pour d’autres auteurs, il s’agirait d’une réponse allergique en rapport avec un germe infectieux ou mycosique. L’habituelle amélioration du psoriasis pendant la grossesse a été le point de départ d’une théorie endocrinienne. La théorie diathésique, déjà ancienne, est plus généralement acceptée, mais le mécanisme d’action reste imprécisé. Il est de fait que certains psoriasiques hypercholestérolémiques sont améliorés, voire guéris grâce à une diététique restrictive et à une médication cholestérolytique. D’autres, hyperuricémiques, sont traités en abaissant fortement le taux de l’uricémie. Enfin, d’assez nombreux psoriasiques pléthoriques ou obèses bénéficient largement d’une cure d’amaigrissement. La théorie nerveuse, invoquée depuis longtemps, reste d’actualité : le psoriasis serait une psychodermatose. Déclenché par un choc émotif, il est entretenu chez les hypersensibles ou anxieux par des stress de la vie quotidienne ou par des perturbations affectives souvent en rapport avec des conflits familiaux.

Faute d’une étiopathogénie connue, le traitement spécifique du psoriasis est encore à trouver. La thérapeutique interne consiste à pallier les troubles possibles décelés par un examen complet. La simple correction de ceux-ci suffit presque toujours à améliorer le psoriasis et quelquefois même à le guérir. En cas d’échec, de nombreuses médications ont été préconisées : arsenic, bismuth, vitamines A, B 12, extrait placentaire. La corticothérapie est à réserver au psoriasis grave (érythrodermique ou arthropathique). Le traitement local n’est pas à négliger, car il permet de réduire des plaques invétérées et de hâter la guérison. Consistant dans l’emploi alterné de réducteurs et de décapants, il varie avec le type de psoriasis, son siège, l’ancienneté et l’étendue des lésions ainsi qu’avec la tolérance du tégument aux thérapeutiques locales.

La réputation d’incurabilité du psoriasis est à réviser. Il n’est pas de psoriasis bien traité qui ne soit susceptible d’être rapidement blanchi ; les poussées s’atténuent, s’espacent, et même, parfois, disparaissent définitivement.

A. C.

 G. Lomholt, Psoriasis : Prevalence, Spontaneous Course and Genetics (Copenhague, 1963).