Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Provinces-Unies (suite)

Tentant de ne pas participer à la guerre d’Indépendance nord-américaine, malgré le traité qui les oblige à soutenir l’Angleterre dans une guerre défensive, les Provinces-Unies adhèrent à la Ligue des neutres, mais sont alors attaquées par la Grande-Bretagne. Désastreuse pour le commerce néerlandais en Europe et en Asie, cette quatrième guerre anglo-hollandaise (1780-1784) affaiblit l’autorité de Guillaume V, contre qui les états de Hollande votent des mesures avilissantes. Contraint de se réfugier en Gueldre, mais restauré en 1787 par les troupes prussiennes qui entrent à La Haye et chassent en France les patriotes, ce dernier perd tout prestige.

Aussi, lorsque la Révolution française éclate, le major Herman Willem Daendels (1762-1818) peut-il constituer aisément une Légion batave, à la tête de laquelle il entre dans son pays en 1795, contraignant Guillaume V à s’exiler en Grande-Bretagne. Ayant perdu leur flotte, capturée au Helder dans les glaces en janvier 1795, amputées d’une partie des territoires de la Généralité au profit des nouveaux départements français créés en Belgique, les Provinces-Unies sont transformées en République batave (traité de La Haye, 16 mai 1795) et soumises à une lourde indemnité de 100 millions de florins. La République batave est pourvue par Napoléon Ier d’une Constitution en 1805 et d’un conseiller pensionnaire, Rutger Jan Schimmelpenninck (1805-1806). Elle est transformée en 1806 en royaume de Hollande au profit de Louis Bonaparte. Mais ce dernier, qui défend trop énergiquement les intérêts commerciaux de ses sujets, est écarté du trône en 1810, et son royaume est placé sous l’administration directe de Lebrun, dès lors qualifié de stathouder des Pays-Bas. Ruinés commercialement par le Blocus continental, privés de leurs colonies par les Anglais, les Néerlandais se révoltent en 1813 sous la direction de Gijsbert Karel Van Hogendorp (1762-1834), qui reconnaît la souveraineté du fils de Guillaume V, le prince Guillaume d’Orange (devenu Guillaume Ier), à qui le congrès de Vienne confie en 1815 le royaume des Pays-Bas, formé par la réunion de la Belgique et des Provinces-Unies.


La vie économique et la vie culturelle

En fait, le déclin politique des Provinces-Unies est en partie la conséquence du déclin, du moins relatif, de leur économie, qui a connu son apogée au milieu du xviie s.

Préparé dans le commerce de la Baltique, âme de tout négoce depuis le xive s. et surtout le xve s., l’essor de l’économie néerlandaise fait des progrès considérables au temps de la guerre de l’Indépendance. La condition préalable en est l’expérience de la mer des Hollandais, des Zélandais et des Frisons. Les Néerlandais sont spécialisés dans le trafic des produits pondéreux (bois et grains de la Baltique, harengs de la mer du Nord, sel de l’Atlantique), dont Amsterdam est le principal entrepôt vers 1560 ; ils arment de ce fait chaque année près de 1 000 navires souvent de fort tonnage, dont les plus célèbres sont les flûtes, mises au point avant 1590. Disposant, en particulier à la fin du xvie s., de 500 vaisseaux pontés spécialisés dans la pêche du hareng, ces marins deviennent tout naturellement les rouliers des mers, intermédiaires obligés entre les pays du nord et du sud de l’Europe, et ce d’autant plus facilement qu’Amsterdam* (bien qu’au fond du Zuiderzee, parfois peu accessible) est admirablement placée pour recueillir l’héritage d’Anvers, mis à sac par les Espagnols en 1585.

Divisant les risques en partageant en huit ou en seize parts la propriété des navires et de leurs cargaisons, tenant étroitement compte de la conjoncture, les marchands néerlandais, renforcés par de nombreux réfugiés des provinces du Sud, qui leur communiquent leurs techniques, donnent à leur négoce une dimension européenne, puis internationale. À la faveur des disettes de l’Europe méridionale, ils écoulent en effet, entre 1580 et 1650, en Espagne, en France et en Italie les grains de la Baltique, fret auquel ils joignent le fer et le bois de Suède, les draps de Leyde, la quincaillerie allemande, important en retour les vins méditerranéens, les fruits, les épices, les métaux précieux, voire les diamants et plus tard les soieries. Dans cette prospection, ils élargissent leur horizon commercial jusqu’à Arkhangelsk, jusqu’à Castel de la Mina, en Guinée, aux îles de la Sonde, atteintes par Cornelis Van Houtman en 1596, à l’Amérique du Nord et au Brésil, enfin, au xviie s.

La Compagnie des Indes orientales, fondée à l’instigation d’Oldenbarnevelt en 1602, celle des Indes occidentales, créée par Willem Usselincx en 1621, sont des compagnies coloniales à monopoles. Elles sont tout naturellement les instruments de cette expansion commerciale, expansion qui entraîne la constitution d’un empire colonial néerlandais, qui contribue à la primauté de la Bourse d’Amsterdam, laquelle fixe les cours des articles, précise les taux de change et d’assurance, etc.

Pour favoriser cette expansion, des banques se créent à Amsterdam, à Middelburg, à Delft, à Rotterdam en 1609. Sans ouvrir de crédit aux maisons de commerce, la première d’entre elles, la Wisselbank, assure pourtant la primauté internationale du florin.

L’abondance de l’argent en circulation irrigue l’économie nationale. Le lac de Beemster (7 000 hab.) est asséché entre 1608 et 1612 ; pompes et moulins facilitent la conquête de polders ; tourbières et landes intérieures sont mises en valeur ; de nouvelles cultures (pois, asperges, melons), parfois à caractère spéculatif (tulipes), sont entreprises ; le fourrage artificiel facilite l’élevage de bêtes de boucherie.

Parallèlement, les industries dérivées du commerce se développent : sucreries d’Amsterdam (3 en 1605, 60 en 1660) ; préparation du cuir, du tabac ; ateliers de draperies, qui font de Leyde le premier centre producteur d’Europe (30 000 pièces vers 1585, plus de 140 000 en 1664) ; ateliers annexes de teinturerie.