Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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provençale (littérature) (suite)

On relèvera parmi les Quercinois : l’abbé Jules Cubaynes (la Terra e l’ostral [la Terre et la maison], 1935 ; l’Ome de Dieu, 1951 ; Joia a la gazalha [Joie à la volée], 1965) ; l’abbé Sylvain Toulze (la Canta del faidit [le Chant de l’exilé], 1954 ; Al Clar del temps [Couleur du temps] ; 1969) ; Félix Castan (De campèstre, d’amor et de guerra [De campagne, d’amour et de guerre], 1951).

On mentionnera parmi les Gascons : Delfin Darion (Signes, 1960) ; André Pic ; Pierre Massartic ; Pierre Bec (Au briu de l’estona [Au rythme du moment], 1955) ; Bernard Manciet (Accidents, 1955) ; Xavier Ravier (Paraulas ent à troc de prima [Paroles pour un morceau de printemps], 1954).

Parmi les Limousins, on s’attachera essentiellement à Jean Mouzat, né à Tulle en 1905 (l’Ort sur lou puech [le Jardin sur la colline], 1934 ; Color del tems 1938 ; Dieu metge [Dieu sorcier], 1950), poète d’une inspiration très diverse : populaire, amoureuse, fantaisiste, toujours personnelle. Autour de lui : Roger Tenèze, de Donzenac (lo Vielh païs, 1965), Amédée Carriat, Marchois (Chamis de mon cor, 1947), fidèle disciple de J. L. Grenier.

En Périgord sont à signaler le grand animateur Marcel Fournier et Bernard Lesfargues (Cap l’Aiga [Mère des eaux], 1952 ; Cor prendre, 1965 ; Ni cort ni costier [Sans réserve], 1970), « militant, selon R. Lafont, de l’occitanisme politique ».

L’Auvergne a donné en J. Galéry un fort bon poète campagnard.

On mentionnera en Roussillon et en Cerdagne Edmond Brazès (l’Ocell de les cireres [l’Oiseau des cerisiers], 1957) et Jordi-Pere Cerda, pseudonyme d’Antoine Cayrol (la Guatlla et la garba [la Caille et la gerbe], 1951 ; Tota lengua fa foc, 1955).

Le trait le plus saillant de la littérature d’oc est ainsi, depuis les origines, sa « poéticité ».


La prose

Mis à part, au Moyen Âge, des traductions de textes pieux, des traités de rhétorique, des vies de troubadours, la prose, jusqu’à la fin du xviiie s., n’a rien produit de plus notoire que le picaresque récit de l’abbé J.-B. Favre lo Vida de Joan l’an pres [Vie de Jean on la pris, 1762]. Au-delà du fameux roman réaliste de Gelu Nouvé Grané (Noël Granet, 1856), elle se développe avec la Vido d’enfant — traduite en français par A. Daudet et H. Ner en 1854 — de Baptiste Bonnet, li Rouge dou Mie-jour (les Rouges du Midi, 1896) de Félix Gras, lis Auzard (les Hardis) de Pierre Dévoluy, Bagatouni (1894) et lei Boumian (les Bohémiens, 1910) de Valère Bernard.

Les souvenirs d’enfance et de jeunesse publiés en 1906 sous le titre Moun Espelido. Memori e raconte (Mon éclosion. Mémoires et récits) montrent, cependant, en Mistral le meilleur prosateur de sa génération. La génération suivante a produit en Provence, en Languedoc, en Gascogne, etc., une foison d’aimables conteurs. Dans ce genre, où facilement excelle le génie d’Oc, triomphe le Saint Crebassi (1932) de Marius Jouveau, qui met en scène fort gaillardement un saint local.

La nouvelle, également très cultivée depuis Babali, publié en 1885 par F. de Baroncelli, n’eût peut-être rien donné de meilleur que celle où Vidal Bénazet (Amor, 1930) coule sur la forme d’un journal intime une histoire un peu policière mais touchante si Joseph d’Arbaud n’avait publié préalablement les trois nouvelles qui composent la Caraco (la Gitane, 1926). Il devait appartenir au même auteur de donner le chef-d’œuvre indiscutable de la prose provençale dans cette célèbre Bestio dóu Vacarès (la Bête du Vaccarès, 1926), qui anime, dans le classique paysage de la Camargue, un gardian solitaire du xve s. Dans la Sóuvagine, parue trois ans après, d’Arbaud présente avec presque autant de bonheur les animaux, à la place des hommes, de la même terre.

Après ces deux grandes œuvres reste fort intéressante la Reino Sabo (1934) du Provençal J. Bourrilly. Et c’est toute une carrière de romancier qu’a, en Rouergue, remplie le vaillant animateur Jean Mouly, depuis al Cant de l’alousette (1928) jusqu’à Grela d’abrial (1966), en passant par la robuste paysannerie intitulée E la barta floriguet (Et le buisson fleurit, 1948). Dans la même province, Jean Boudou, auteur très local des Contes de Balssas (1953), est aussi le romancier résistantialiste de la Grava sul camin (le Gravier sur le chemin, 1956) et de trois autres œuvres où se donnent cours la science-fiction, le fantastique et l’histoire locale. Une date importante est marquée dès 1951 par la publication du Joan Larsinhac de Robert Lafont, ouvrage avec lequel est né, selon certains, le « roman occitan moderne ». Un autre échantillon de ce dernier sera donné en 1964 par lo Gojat de novémer (le Jeune Homme de novembre) de Bernard Manciet. Pierre Pessemesse aura su, dès lors, faire accueillir, en dépit d’un argot un peu trivial, Nhòcas e bachòcas (Plaies et bosses, 1957). Bien que de deux ans l’aîné de Boudou et d’un an seulement le cadet de Lafont et de Manciet, le Marseillais (et félibréen) Jean-Pierre Tennevin attendra 1965 pour publier lou Grand Bans (la Grande Falaise) et 1967-68 pour donner les deux tomes d’un roman d’anticipation, Derriero Cartoucho (Dernières Cartouches).

Cette liste n’est nullement complète, la place manquant pour cataloguer les romanciers et aussi les romancières (parmi ces dernières Marie-Antoinette Boyer, Nouno Judlin) qui, de nos jours, ont trouvé un public, parfois clairsemé, mais toujours fervent.

La critique, l’essai, l’éloquence profane n’ont pas connu le même encombrement, mais l’éloquence de la chaire a fleuri brillamment à Toulouse en la personne de l’abbé J. Salvat, dont les sermons occitans ont été rassemblés sous le titre de Paraulas crestianas en 1934.

Au contraire du roman, le théâtre avait en Oc un très ancien droit de cité. Cultivé avec application à Béziers dans la première partie du xviie s., applaudi dans les pastorales de Valès, de Cortète, de Fondeville, il jette son plus grand éclat avec l’Opéra de Frontignan de Nicolas Fize (1679), lou Novi Parat de J. Coye (1743), l’Opéra d’Aoubaïs et lou Tresor de substancion de J.-B. Favre. Il reparaît au xixe s. dans li Masc (le Sorcier) d’A. Tavan (1854), li Moros de J.-B. Gault (1875), lou Pan dou peccat (le Pain du péché, 1878) d’Aubanel, la Reino Jano (1890) de Mistral. Sans sortir de Provence, on va trouver les pièces de F. Gras, de Monné (Casau, 1893), de J. Cassini (li Varalhs de l’amor [les Troubles de l’amour], 1896) et combien d’autres jusqu’à Pierre Galtier, remarquable dramaturge de li Quatre Set (le Carré des sept, prix Mistral 1946 ; trad. fr. en 1955), et Robert Lafont (la Louve, 1959 ; Raymond VII, 1967), dont le succès théâtral a franchi également les bornes de l’Occitanie.