Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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propulsion par réaction (suite)

Pour mesurer les niveaux des différents bruits et l’efficacité des méthodes d’atténuation, on utilise des chambres sourdes dont les parois sont revêtues de matériaux absorbants, de telle sorte que les mesures ne soient pas influencées par des réflexions sur ces parois. En France, le Centre d’essais des propulseurs dispose pour l’étude des bruits de jet d’une telle chambre, qui a été rendue anéchoïque à moins de 1 décibel près. Enfin, des essais sont également effectués sur moteurs complets dans des installations à l’air libre où le réacteur est placé à une certaine distance au-dessus d’une aire bétonnée qui réfléchit parfaitement les ondes acoustiques et permet de déduire les valeurs de bruit en champ libre.


La régulation des turboréacteurs

Le nombre de paramètres à contrôler pour obtenir le rendement optimal d’un turboréacteur dans toutes les phases de vol est très élevé ; cela est particulièrement vrai avec les moteurs pour avions supersoniques dont l’entrée d’air et la tuyère d’éjection sont à géométrie variable. Le contrôle et la régulation de ces moteurs fait maintenant appel à l’électronique, qui permet d’accéder à des paramètres dont la détection par les moyens mécaniques est difficile, comme les températures, les vitesses de rotation, etc. ; l’électronique conduit à un poids et à un volume moindres qu’une solution mécanique et facilite la transmission à distance des signaux de mesure.

La fonction principale du régulateur est d’optimiser les performances du moteur, c’est-à-dire d’adapter le rapport de détente de la turbine au débit de carburant ; dans ce but, il agit sur la section de sortie de la tuyère d’éjection qui commande l’évolution des pressions dans cette dernière et par suite la pression à la sortie de la turbine. Il faut également maintenir la température à l’entrée de la turbine dans les limites permises par la tenue des matériaux. Enfin, le régulateur assure le réglage de la section au col de l’entrée d’air lorsque celle-ci est variable.


Les aspects métallurgiques

Du fait du niveau de températures qui règne sur une grande partie du trajet des gaz et de la nécessité de maintenir le poids du moteur à la valeur la plus basse possible, la technique des turboréacteurs fait appel aux plus récents progrès dans le domaine des matériaux.

Les ailettes de turbine ont fait l’objet des plus importants développements ; de la température qu’elles peuvent supporter dépend l’énergie thermique des gaz de combustion, et par suite les performances du moteur. Or, ces ailettes sont également soumises à des contraintes mécaniques importantes dues à la force centrifuge créée par la rotation à grande vitesse de la turbine. En l’espace de vingt ans, grâce à l’amélioration de la technologie, la température a pu passer de 800 à 1 200 °C. Les progrès ont tout d’abord porté sur la mise au point d’alliages réfractaires de plus en plus résistants, à base de nickel et de cobalt, associés à des additions de chrome et de tungstène. Puis on a fait appel au refroidissement interne des aubes par de l’air prélevé à un étage intermédiaire du compresseur et envoyé dans de fins canaux percés longitudinalement du pied des aubes à leur périphérie. D’autre part, dans la construction des compresseurs et des soufflantes, on a remplacé, pour gagner du poids, les aciers par des alliages de titane et même par des matériaux composites à base de fibres de carbone ou de bore et de résines. Tel est le cas du Hyfil, matériau étudié par Rolls-Royce pour les aubes de soufflante et dont la mise au point se poursuit, notamment en ce qui concerne la résistance aux chocs. De tels matériaux, qui ne sont pas encore couramment employés, devront dans l’avenir être largement utilisés dans la réalisation de turboréacteurs de sustentation, pour lesquels le rapport poussée/poids constitue une des caractéristiques fondamentales ; la meilleure valeur de ce rapport actuellement atteinte est de 16 sur le Rolls-Royce « RB 162 ».


Le statoréacteur

L’idée initiale de ce type de propulseur est due, en 1910, au Français René Lorin (1877-1933), mais c’est essentiellement René Leduc (1898-1968) qui la fit définitivement aboutir peu avant la Seconde Guerre mondiale. Il réalisa également entre 1945 et 1958 deux prototypes expérimentaux propulsés suivant cette formule : les Leduc « 016 » et « 021 ».

Un statoréacteur se compose pratiquement d’une entrée d’air, dans laquelle l’air est comprimé aérodynamiquement, d’une chambre de combustion et d’une tuyère, dans laquelle les gaz de combustion se détendent en créant la force propulsive, ce type de moteur ne comportant aucune pièce mobile. En revanche, le débit d’air absorbé par le moteur est proportionnel à la vitesse de déplacement ; il en est de même de la poussée, qui est nulle au point fixe. C’est là l’inconvénient majeur du statoréacteur, et cela nécessite de lui adjoindre un autre type de moteur pour le décollage. Aussi, jusqu’à présent, les statoréacteurs ont-ils essentiellement été utilisés sur des missiles. Néanmoins, en France, l’ex-société Nord-Aviation, intégrée depuis dans la Société aérospatiale, avait réalisé en coopération avec la SNECMA un combiné turbo-statoréacteur, autour duquel fut construit l’avion « Griffon ». Cet appareil atteignit mach 2,2 en 1959.

Le statoréacteur doit prolonger le turboréacteur aux vitesses de vol très élevées, pour lesquelles ce dernier se trouve limité par des considérations d’ordre thermique, la température de l’air à l’entrée variant comme le carré de la vitesse de vol. Cette limitation disparaît sur le statoréacteur, qui présente en outre des avantages de légèreté et de simplicité inhérents à son principe même. Dans un combiné turboréacteur-statoréacteur, le turboréacteur est à l’intérieur du statoréacteur, l’entrée d’air et la tuyère d’éjection étant communes pour les deux moteurs. Plus encore que sur les turboréacteurs supersoniques, cela implique une adaptation de la forme de ces deux organes à la vitesse de vol. Les principales difficultés de réalisation concernent la stabilisation de la combustion en écoulement supersonique et les interactions entre les écoulements traversant les deux moteurs. L’ensemble peut fonctionner suivant trois modes :
— en turboréacteur pur, aux basses vitesses de vol ;
— en combiné turboréacteur-statoréacteur, aux vitesses de vol intermédiaires ;
— en statoréacteur pur, aux vitesses supersoniques élevées.

On conserve ainsi aux basses vitesses l’avantage de la faible consommation spécifique du turboréacteur. Avec la continuelle augmentation des vitesses de vol, le combiné turboréacteur-statoréacteur devrait trouver son épanouissement vers la fin de la décennie des années 70.

J. L.

➙ Carburant et comburant / Fusée / Turbine à gaz.