Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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propulsion par réaction (suite)

À la tuyère d’éjection, il faut associer l’inverseur de poussée, qui permet de réaliser un freinage efficace à l’atterrissage. Le principe consiste à introduire dans le canal d’éjection un obstacle mécanique qui dévie le jet vers des grilles d’inversion montées sur le pourtour de la tuyère. Les contre-poussées obtenues dépassent largement 50 p. 100 de la poussée de base pour une augmentation de poids du moteur de l’ordre de 2 p. 100.

Ce modèle de base de turboréacteur a donné naissance à deux variantes importantes par adjonction d’organes complémentaires, le turboréacteur à postcombustion et le turboréacteur à double flux.

• La postcombustion
Parfois encore appelé réchauffe, ce dispositif permet d’apporter des calories aux gaz de combustion, donc d’accroître leur vitesse d’éjection. Il se situe en aval de la turbine, ce qui permet d’éliminer la limitation de température due à la résistance thermique des aubes ; la température de réchauffe peut ainsi atteindre 1 700 °C et n’est limitée en fait que par la tenue des parois de la tuyère. Le taux de postcombustion traduit le rapport entre les poussées au point fixe avec et sans postcombustion ; il peut être réglé au gré du pilote entre l’unité (postcombustion éteinte) et une valeur maximale qui est de l’ordre de 1,4. Bien entendu, le recours à la postcombustion se traduit par une consommation de carburant accrue et une baisse du rendement propulsif ; c’est ainsi que l’« Atar 9 K » de la SNECMA, qui équipe les bombardiers « Mirage IV », développe respectivement des poussées de 4 700 daN et 6 700 daN avec et sans postcombustion, pour des consommations spécifiques correspondantes de 1,02 et 2,07 kg/daN/h. En revanche, la postcombustion permet pour un maître couple donné du moteur d’augmenter la poussée, ce qui peut être utile au décollage ou pour fournir un appoint lors de certaines phases de vol. De même, elle impose la nécessité de pouvoir faire varier la forme de la tuyère. La postcombustion est surtout utilisée pour les moteurs destinés aux avions militaires.

• Le turboréacteur à double flux
Le principe consiste à faire travailler les gaz de combustion dans une turbine supplémentaire qui entraîne une soufflante chargée de mettre en vitesse un débit d’air complémentaire. Cette soufflante est placée en avant du compresseur du réacteur, dont elle précomprime également le débit d’air. On donne ainsi naissance à deux flux gazeux distincts : le flux de gaz de combustion, dit « flux principal », dont la vitesse est abaissée par rapport à un turboréacteur monoflux, et le flux issu de la soufflante, dit « flux secondaire ». Le rapport des débits du flux secondaire au flux principal est appelé rapport de dilution ; grâce à des soufflantes de grand diamètre, il dépasse maintenant sur certains moteurs évolués une valeur de 5.

Le principal avantage d’un turboréacteur à double flux est, à poussée égale, une réduction importante de la consommation spécifique, liée à un accroissement du rendement propulsif ; celle-ci est par exemple inférieure à 0,5kg/daN/h sur le General Electric « CF-6 », qui équipe l’« Airbus ». Aussi, son utilisation tend-elle à se généraliser sur les avions de transport civils, pour lesquels la rentabilité d’exploitation est primordiale. Ces réacteurs sont également moins bruyants que les turboréacteurs à simple flux, grâce à la réduction de la vitesse d’éjection moyenne en raison du mélange à la sortie de la tuyère du jet de gaz de combustion et du flux secondaire d’air froid. Les turboréacteurs à double flux ont évidemment un maître couple important du fait de la présence de la soufflante, qui entraîne le montage des moteurs en nacelles extérieures à la cellule ; par exemple, le « JT-9 D », monté sur le Boeing « 747 » et dont la poussée est de l’ordre de 20 000 daN, a un diamètre extérieur de 2,5 m.

La postcombustion peut être également appliquée aux turboréacteurs à double flux, soit sur le seul flux chaud, soit sur les deux flux ; tel est le cas du Pratt et Whitney « JTF-10 A », qui équipe l’avion d’armes américain à flèche variable « F-111 ». Enfin, bien que la formule « double flux » soit moins intéressante pour des vols de longue durée à vitesse supersonique, elle a été adoptée sur les moteurs de l’avion de transport supersonique soviétique Tu « 144 ».

• Les moteurs à tuyères rotatives
Ils répondent à l’idée de créer avec les mêmes ensembles moteurs soit une poussée horizontale pour la propulsion, soit une poussée verticale pouvant participer à la sustentation de l’avion dans le cas d’appareils à décollage et atterrissage courts ou verticaux.

Le principe repose sur un dessin approprié de la tuyère d’éjection tel que, par rotation de cette dernière, l’axe du jet de gaz soit dévié de 90°. Cette idée a été associée à la formule « double flux » de telle manière que les moteurs à tuyères rotatives sont des turboréacteurs à double flux munis de quatre tuyères latérales, dont deux, situées à l’avant du moteur, assurent l’éjection du flux froid, et les deux autres, à l’arrière, réalisent l’éjection du flux chaud. Le premier moteur de ce type réalisé a été le Rolls-Royce « BS-53 » de 8 400 daN de poussée, qui a équipé les Hawker « P-1127 » ; la rotation de l’axe du vecteur poussée que l’on pouvait obtenir approchait 100°, ce qui permettait de créer une faible contrepoussée vers l’arrière. Seule, la firme britannique Rolls-Royce a jusqu’à présent développé de tels moteurs pour l’équipement d’avions militaires. Ce type de moteur est susceptible de recevoir la postcombustion sur l’un ou l’autre flux.


Le bruit des turboréacteurs

Malgré les améliorations apportées par la formule « double flux », le problème du bruit demeure prépondérant, notamment pour les avions de transport auxquels sont imposées des limites très strictes de niveau de bruit de décollage et d’atterrissage. Un certain nombre de méthodes de réduction du bruit ont été mises au point et sont parfois utilisées conjointement. Le bruit d’un turboréacteur peut être décomposé en trois éléments, dont l’importance relative dépend du type de moteur considéré : le bruit de jet, dû essentiellement à la différence de vitesse entre le jet et l’air ambiant, et qui est très atténué sur les turboréacteurs à double flux, un bruit de turbine, enfin un bruit de compresseur et de soufflante. Ces deux derniers bruits sont dus à des interactions d’écoulements. Le bruit de jet, sur les avions subsoniques, est atténué au moyen de silencieux montés à l’intérieur de la tuyère d’éjection, dont ils modifient la partie arrière ; l’un des modèles les plus répandus consiste à réaliser celle-ci sous la forme d’un faisceau de tubes de petit diamètre. Les silencieux de tuyère n’existent que sur les turboréacteurs à simple flux, le mélange avec le flux froid suffisant sur les turboréacteurs à double flux pour réduire la vitesse d’éjection. Sur les avions de transport supersoniques, la réduction du bruit de jet s’obtient en modifiant la section de la tuyère au régime de décollage, ce qui abaisse la vitesse d’éjection, donc le bruit, qui est proportionnel à la puissance 6 de cette vitesse. Sur « Concorde », cette augmentation de section est obtenue en ouvrant au maximum des paupières montées à l’extrémité du divergent de la tuyère secondaire. Les bruits internes créés par les soufflantes, compresseurs et turbines peuvent être diminués par une étude aérodynamique appropriée des différents étages (calage des aubes, espacement entre les étages fixes et mobiles, etc.). Le procédé le plus efficace consiste néanmoins à recouvrir les parois internes du canal d’entrée d’air et du canal d’éjection de revêtements absorbants, généralement en matériaux poreux comme des tissus en fibres de verre ou en fibres métalliques et des plaques en nid d’abeilles. Sur le moteur Olympus de « Concorde », un bruit interne provenant de la turbine prend le pas sur le bruit de jet aux vitesses de vol supersoniques. En addition aux méthodes de réduction ci-dessus, la SNECMA étudie des silencieux escamotables dont le principe consiste à introduire dans le jet des obstacles mécaniques. À l’heure actuelle, on cherche surtout à parvenir, au moins en ce qui concerne les avions subsoniques, à un niveau de bruit en approche et au décollage de 90 dB (décibels de bruit effectivement perçus), soit une réduction de l’ordre de 25 p. 100 par rapport aux avions à réaction de la première génération. Dans ce but, la NASA développe actuellement un programme de turboréacteur silencieux (Quiet Engine Programme).