Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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propriété industrielle (suite)

La marque de fabrique, de commerce ou de service

La marque est un signe distinctif qui permet de caractériser les produits, objets ou services d’une personne physique ou morale. Elle se distingue du nom commercial et de l’enseigne, qui sont des appellations utilisées par une personne pour exercer un commerce et pour caractériser son fonds de commerce. La marque existait déjà sous l’Antiquité ; mais, en France, la législation en ce domaine est récente ; hormis quelques textes promulgués sous le Consulat, la première loi véritable date du 23 juin 1857. Cette loi est restée en application jusqu’au vote des nouveaux textes du 31 décembre 1964 et du 23 juin 1965, qui ont réformé l’ensemble de la matière et permis un rapprochement avec les législations d’autres pays européens.


Marques susceptibles d’être protégées

Contrairement à certains pays, notamment l’Allemagne et les pays anglo-saxons, qui sont plus restrictifs, tout signe visible peut en France constituer une marque (noms patronymiques, dénominations arbitraires ou de fantaisie, signes figuratifs, conditionnement, slogans, etc.). Cependant, ce signe doit remplir un certain nombre de conditions : il doit être nouveau dans l’industrie ou le commerce intéressé, sauf pour les marques notoirement connues, auxquelles la règle de la spécialité ne peut être appliquée ; il doit être distinctif, c’est-à-dire que ne peuvent être considérées comme marques celles qui sont constituées exclusivement de la désignation nécessaire ou générique du produit ou du service, ou qui sont composées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ou du service ou la composition du produit ; il ne doit pas être susceptible d’induire l’acheteur en erreur ou être contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public.


Acquisition de la propriété des marques

Sous le régime de la loi de 1857, la propriété d’une marque s’acquérait par l’usage, le dépôt n’ayant qu’effet déclaratif de propriété. La loi du 31 décembre 1964 a modifié ce système et c’est désormais par le dépôt que s’acquiert la propriété d’une marque. Le dépôt peut être effectué par tout intéressé soit à l’I. N. P. I., soit au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel se trouve le domicile ou le siège social du déposant. Le dépôt doit être accompagné d’un modèle et d’un cliché de la marque et indiquer les classes de produits ou de services pour lesquelles la protection est demandée.

Depuis 1964, l’Administration dispose du droit de refuser l’enregistrement de la marque, mais l’examen doit porter uniquement sur la validité de la marque, non sur sa nouveauté. Le déposant a alors la possibilité d’introduire un recours gracieux devant le ministre de l’Économie et du Commerce et un recours contentieux devant la juridiction administrative. Lorsque le dépôt a été reconnu valablement effectué, il produit ses effets pendant dix ans et peut être renouvelé, l’enregistrement de la marque étant réalisé par une inscription au registre national des marques.


Droits et obligations résultant du dépôt de la marque

Le déposant est titulaire d’un droit de propriété incorporelle. Il peut donc transmettre sa marque (cession) ou en concéder le droit d’utilisation pendant une certaine durée moyennant versement de redevances (concession de licence). En cas de non-usage, le déposant peut renoncer à sa marque ou encourir la déchéance si le défaut d’exploitation est total et a duré cinq années consécutives. Enfin, le déposant a le droit de faire réprimer pénalement les atteintes portées à son droit de propriété sur la marque et d’obtenir réparation. C’est en particulier le cas pour la contrefaçon de la marque, son usage sans autorisation, son imitation frauduleuse. Le propriétaire de la marque aura intérêt à doubler son action spécifique par une action en concurrence déloyale, car les atteintes aux marques s’accompagnent généralement de détournement de clientèle.


Les dessins et modèles

La loi du 14 juillet 1909 protège les créateurs de dessins et modèles régulièrement déposés et présentant un caractère de nouveauté et d’originalité. Le dépôt est effectué au secrétariat du conseil des prud’hommes ou, à défaut, au greffe du tribunal de commerce. Il a un caractère déclaratif et comporte donc présomption de propriété pour le déposant. Il est effectué pour cinq ans, éventuellement renouvelables, et est secret ; si le déposant en requiert la publicité, la durée du dépôt est portée à vingt-cinq ans. Le droit portant sur un dessin ou un modèle est négociable, et ses atteintes sont juridiquement sanctionnées ; enfin, les dessins et modèles des industries saisonnières de la mode et de l’habillement sont régis par les dispositions particulières de la loi du 12 mars 1952.


Le droit international de la propriété industrielle

Le principe est que les étrangers bénéficient des lois françaises à la condition que, dans le pays dont ils sont ressortissants, les Français bénéficient de la réciprocité de protection. De nombreux traités et des conventions internationales régissent en outre cette matière, parmi lesquels on peut citer : la convention d’union de Paris, signée en 1883 et qui concerne aujourd’hui une quarantaine d’États (siège à Berne) ; d’une façon générale, elle permet l’assimilation aux nationaux des ressortissants des pays membres de l’union et accorde un droit de priorité dans les autres pays membres au déposant d’une marque ou d’une demande de brevet dans l’un des États ; l’arrangement de Madrid (1891), qui a pour but d’éviter la multiplicité des dépôts de marques en permettant, après un premier dépôt dans un des États membres, un dépôt international valable pour une durée de vingt ans dans tous les autres États membres.

La création de l’Office européen des brevets (O. E. B.), décidée par une conférence réunissant vingt et un pays à Munich du 10 septembre au 6 octobre 1973, marque une étape importante dans l’internationalisation des législations sur la propriété industrielle.

M. B.

 J. M. Wagret, Brevets d’invention et propriété industrielle (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1964). / A. Rémy, la Propriété industrielle. Les brevets d’invention (Dunod, 1971). / Z. Weinstein, le Régime fiscal de la propriété industrielle (Delmas, 1972).