Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

propagande (suite)

Typologie


Propagande politique et propagande sociologique

La première correspond aux techniques d’influence employées par un gouvernement ou un parti pour modifier le comportement politique. L’usage des moyens est volontaire, les résultats sont généralement assez précis et définis, les thèmes sont politiques. Mais il y a une propagande beaucoup plus large exercée par une société globale à l’égard de ses membres : cette propagande, sociologique, est constituée par l’ensemble des manifestations au moyen desquelles une société tente d’intégrer le maximum d’individus, de diffuser son style de vie, et par là de s’imposer à d’autres groupes. C’est au niveau du style de vie que s’exerce son influence. Cette propagande est diffuse, pas toujours consciente ; elle s’exprime rarement par des mots d’ordre exprès ou dans des intentions exprimées. Il s’agit de la pénétration d’une idéologie par le moyen de son contexte sociologique. La propagande sociologique s’exprime par la publicité, par le cinéma, par la formation scolaire, par le service social, etc. Elle tend à provoquer l’unanimité sur un certain nombre de façons d’être qui ne peuvent être remises en question sans que la personne elle-même soit mise en cause. La propagande politique viendra se greffer sur elle beaucoup plus aisément.


Propagande d’agitation et propagande d’intégration

Cette distinction correspond en partie à celle que Lénine a établie entre l’agitation et la propagande. La propagande d’agitation a généralement un caractère subversif et oppositionnel. Tous les mouvements révolutionnaires ont utilisé une propagande d’agitation. Mais il faut noter que le pouvoir politique peut aussi mener une propagande d’agitation lorsqu’il veut galvaniser les énergies (pour obtenir un résultat économique [le « grand bond en avant » en Chine, la réalisation des plans quinquennaux en U. R. S. S.], ou politique). Hitler, au pouvoir, a mené une agitation constante, une surexcitation, une tension extrême de tout le peuple (v. national-socialisme). La révolution* culturelle chinoise est un modèle de propagande d’agitation.

La propagande d’intégration a pour but de rationaliser un donné préexistant, de transformer les conséquences involontaires de la société en fonction voulue et justifiée. Elle a pour but de stabiliser le corps social, de l’unifier, de le renforcer. Elle sera par exemple l’œuvre principale de tout mouvement révolutionnaire, une fois le pouvoir conquis. Pour prendre le pouvoir, le même groupe doit se faire reconnaître comme légitime par tous. Le passage de la propagande d’agitation à la propagande d’intégration est extrêmement difficile : c’est sur ce problème que presque tous les pouvoirs révolutionnaires achoppent.


Propagande verticale et propagande horizontale

La première est le fait d’un leader, d’un technicien de la propagande, d’un chef politique ou religieux qui agit du haut de son autorité et qui cherche à influencer la foule placée dans une situation d’infériorité. La propagande vient d’en haut. Elle est conçue et imaginée dans les bureaux, elle utilise les moyens de communication de masse centralisés.

La propagande horizontale est beaucoup plus récente. Elle s’effectue à l’intérieur d’un groupe, par le moyen même du groupe, sans qu’il y ait vraiment de leader. Il y a une « autopropagande ». La liaison de l’individu s’effectue avec les autres à son niveau. C’est, au niveau conscient de la propagande, un phénomène comparable au phénomène involontaire qui a tant préoccupé les sociologues il y a plus d’un demi-siècle, celui de la panique dans une foule. L’individu participe à la vie du groupe dans un dialogue réel, il « propagande » les autres en étant lui-même propagande par les autres. Cela peut être l’application des méthodes de manipulation de groupe. Nous avons l’exemple général des « human relations », de la propagande chinoise avant la révolution culturelle, de la révolution culturelle elle-même (très différente de la période antérieure) et des phénomènes de propagande en France en 1968. Ici dominent la relation, le discours, l’affiche.


La propagande rationnelle et irrationnelle

Généralement, la propagande est irrationnelle ; s’adressant aux « sentiments » et aux passions, elle cherche — nous l’avons rappelé plus haut — à obtenir la décision sans passer par la réflexion. Mais il existe aussi une propagande rationnelle fondée sur l’explication, sur l’information, sur la démonstration. Le contenu de la propagande tend à être rationnel et factuel. On utilise de moins en moins la passion pure et le mensonge. Mais cela n’implique nullement une plus grande rationalité, car le contenu rationnel tend à produire un comportement irrationnel et à provoquer exactement le même type d’engagement. La rationalité existe seulement au niveau des techniques employées.


Conditions de possibilité

La plupart des psychosociologues (surtout américains) estiment que la propagande n’est pas efficace, et que l’on n’obtient de résultats que sur ceux qui sont déjà convaincus. On ne pourrait ni changer les opinions ni provoquer une adhésion. En réalité, ces appréciations, qui résultent d’études scientifiques de microsociologie, reposent sur une conception beaucoup trop étroite de la propagande. Il est évident que ce n’est pas par quelques campagnes de propagande antiraciste que l’on transformera un raciste engagé, convaincu, en un antiraciste. Mais la propagande agit à un niveau moins clair et doit se mesurer sur de longues durées. Inversement, il ne faut pas croire que les moyens techniques et les connaissances psychologiques permettent d’influencer n’importe quel homme totalement et de lui faire faire n’importe quoi. Il existe des conditions de possibilité pour qu’une propagande soit efficace. Tout d’abord, celle-ci ne peut agir que sur un homme appartenant à une société de masse (c’est-à-dire dans laquelle les groupes intermédiaires, à dimension humaine et traditionnels, sont détruits ou très affaiblis). Il faut que cet homme ait un niveau de vie moyen (l’homme obsédé par la misère, écrasé par la question de la survie, peut être poussé à une révolte immédiate, il n’est pas du tout un bon sujet de propagande), une culture moyenne (toute propagande suppose une certaine culture, l’aptitude à lire, etc. ; l’homme inculte est inutilisable pour une propagande moderne) et une information normale (toute propagande se greffe sur de l’information ; l’homme non informé ne peut être saisi par la propagande). La propagande implique d’une part que l’homme connaisse les problèmes au sujet desquels on veut le mobiliser, et de plus qu’il soit assez au courant de l’actualité pour être malléable en fonction de cette actualité, puisque c’est à partir d’elle que toute propagande cherche à saisir l’individu.