Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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projectile (suite)

De 1914 à 1970

La guerre de tranchée qui s’instaure dès la fin de 1914 donne un grand essor au tir courbe. L’obus à balle perd de son intérêt (il disparaît en 1940). On réalise une cartouche de 75 mm à charge réduite après avoir monté des plaquettes Malandrin entre fusée et ogive pour accroître la traînée des projectiles et incurver leur trajectoire. On retrouve aussi des munitions tombées dans l’oubli, telles les grenades à main et les bombes à ailettes pour les mortiers. Pour eux comme pour les pièces d’artillerie, on réalise des obus en fonte aciérée moulée, et, pour économiser la mélinite, on charge les grenades en chlorate (cheddite), les obus de gros calibre en schneidérite (nitrate d’ammonium et dinitronaphtaline) et les bombes d’avion en ammonal (nitrate et poudre d’aluminium), voire en un mélange de sciure de bois et d’oxygène liquide.

Quant aux fusées de guerre, elles font une timide réapparition sous forme d’artifices à signaux éclairants ou de feux de signalisation. La portée des projectiles est augmentée par l’emploi de fausses ogives recouvrant la fusée, qui reçoit une allonge de percussion. Depuis 1880, les canons de marine mettent en œuvre des obus de rupture pour perforer les cuirassés et porter à l’intérieur de ceux-ci une charge d’explosif amorcée par une fusée de culot à retard. Des obus analogues sont employés à terre durant la Première Guerre mondiale contre les ouvrages bétonnés.

Entre les deux guerres sont mises au point les fusées horlogères, peu à peu supplantées par les fusées de proximité. Les perforateurs à charge explosive employés contre le béton des forts belges en 1940 représentent la première application militaire de la charge creuse, employée dès 1942 dans toutes sortes de munitions antichars. À bord des blindés et contre ceux-ci, on tire au canon des boulets perforants parfois munis d’une fausse ogive en magnésium qui brûle à l’impact et rend ce dernier visible. Le calibre de ces projectiles croîtra de 47 à 120 mm avec apparition d’obus à noyau en carbure de tungstène à l’intérieur d’un corps en métal léger, première étape vers les projectiles sous-calibrés.

Les charges creuses apparaissent aussi dans de grosses grenades que l’on enfile sur la volée des canons de petit calibre, puis dans des roquettes à courte portée (Panzerfaust allemand ou bazooka américain), dans des projectiles d’obusier et de canon sans recul, et même comme munitions d’appoint dans des canons de char. Pour le tir antiaérien des canons mitrailleurs, on adopte le tir percutant, qui exige des fusées instantanées très sensibles (calibre de 20 à 40 mm en 1940). Le premier canon d’avion tire des munitions analogues. Les traceurs de culot rendant visibles les trajectoires (balles traçantes), aidant à ajuster le tir.

De nouveaux explosifs de synthèse apparaissent vers 1938 : la penthrite et l’héxogène, plus puissants que la tolite et qui connaissent une large diffusion pendant la Seconde Guerre mondiale. Depuis, le premier sert (avec le tétryl) de relais d’allumage, le second, au chargement des obus sous forme d’hexolite (héxogène-tolite). L’azoture de plomb, largement employé en Allemagne et introduit en France en 1939, reste le seul explosif retenu pour les amorces des fusées, tandis que les mélanges à base de sulfocyanate ou de trinitrorésorcinate de plomb ont remplacé le fulminate pour les amorces des douilles.

En 1940-1945, à la suite de l’expérience de la guerre d’Espagne, les belligérants introduisent pour l’attaque aérienne au sol des bombes d’avion à sifflet et des bombes explosives agissant surtout par leur effet de souffle ; pour le bombardement, on utilise alors de très grosses bombes (jusqu’à 10 t) ainsi que de petites bombes incendiaires au phosphore lancées en grappes. Des projectiles éclairants à parachute et fumigènes sont largement utilisés par les canons et les mortiers.

Les Allemands emploient des poudres tubulaires à la nitrocellulose et à la nitroglycérine ; les Américains améliorent les poudres multitubulaires à la nitrocellulose. Des étuis et des douilles en acier étiré (voire en tôle enroulée et sertie dans un culot) permettent d’économiser le laiton, et le fer remplace le cuivre des ceintures d’obus. À la fin du conflit apparaissent les roquettes d’artillerie à chargement explosif ou fumigène tirées par des châssis de lancement multitubes (orgues de Staline, Nebelwerfer...), qui permettent de réaliser un effet de saturation sur une zone étendue, sans parler des premiers engins spéciaux allemands V1 et V2, ancêtres des missiles. La guerre se termine par l’apparition des premières bombes atomiques américaines, qui réalisent en 1945 un accroissement sans précédent de la puissance de destruction des projectiles.


Les projectiles en service en 1975

Depuis 1945, l’évolution technique a été rapide, tant en ce qui concerne la conception que la fabrication des projectiles. On mentionnera seulement la décroissance progressive du poids des charges atomiques et l’apparition, puis la généralisation des missiles téléguidés. Au début des années 1970 on peut grouper les divers types de projectiles en service dans les catégories suivantes.


Projectiles explosifs

Le corps d’obus doit résister à l’accélération au départ du coup, et son fond ne doit pas être déformé par la pression des gaz dans le canon. Cela exige une paroi en acier assez épaisse, où est pratiqué le logement de la ceinture de guidage. La forme avant, en ogive, comprend un œil fileté où se visse la fusée, et le rétreint de culot réduit la traînée aérodynamique du projectile. L’obus d’artillerie est en acier mi-dur, forgé, trempé et revenu, parfois en acier doux à faible taux d’inclusions, embouti et extrudé à froid avec recuit entre passes. Les obus de petit calibre sont emboutis à froid ou décolletés dans une barre en acier mi-dur. Les obus de mortier comportent à l’arrière un empennage en acier ou en alliage léger.

Les douilles sont embouties et étirées à partir de flans en laiton ou en acier. Le chargement s’effectue en explosif fondu ou, pour les calibres inférieurs à 40 mm, en explosif pulvérulent comprimé avec addition éventuelle de poudre d’aluminium pour obtenir des effets incendiaires. Le contrôle de la qualité du chargement est fait par radiographie. On soumet à une épreuve de tir en surpression un prélèvement de corps d’obus, les uns inertes, les autres chargés d’explosif, pour vérifier leurs propriétés balistiques. En fin de chaîne pyrotechnique, le détonateur de la fusée crée une onde de choc qui traverse l’explosif et le fait détoner au passage. Sous l’effet de la pression considérable ainsi développée, les parois de l’obus se gonflent, puis se fragmentent en éclats qui se comptent par centaines (obus en acier) ou par milliers (fonte malléable). La majorité des éclats provenant des parois du corps est projetée en une gerbe latérale, tandis que l’ogive et le culot donnent des éclats moins nombreux vers l’avant et l’arrière.