Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Primaire (suite)

Originalité de l’ère primaire

Le Précambrien recouvre l’histoire primitive de la Terre et a donc connu une extraordinaire évolution géochimique, marquée par le passage d’une atmosphère réductrice à une atmosphère oxydante et donc par la libération de l’oxygène. Au point de vue pétrographique, les preuves en sont l’apparition des premiers minerais à l’état oxydé, l’apparition des premiers calcaires dus à l’utilisation du CO2. À partir du Cambrien, on est loin de l’atmosphère et de l’hydrosphère primitives : il y a plus de 2 milliards d’années que les dernières synthèses naturelles de composés organiques ont eu lieu. Il est désormais impossible d’en envisager dans des milieux qui sont proches chimiquement des milieux actuels : les géochimistes et biogéochimistes sont actuellement d’accord pour affirmer la constance de la composition atmosphérique et océanique depuis le Cambrien : stabilité de la teneur en oxygène de l’atmosphère, stabilité de la salinité du milieu marin (les rapports des isotopes de l’oxygène, 180 et 160, semblent bien identiques). D’autre part, il est démontré, contrairement à ce qu’avançait la théorie de l’expansion de la Terre, que les dimensions du globe n’ont pas varié depuis le Cambrien.

Au début du Primaire, on est loin (près de 2 milliards d’années) de l’apparition de la vie et en face d’organismes hautement organisés. La nécessité, partagée par tous les géologues et paléontologistes, d’une coupure claire de l’histoire de la Terre repose sur une « impression » très valable : le Paléozoïque est le premier des temps fossilifères ; après l’ère des Schizophytes, après l’apparition des Métazoaires (faune d’Ediacara), on peut affirmer que le début du Primaire est marqué par le développement des Métazoaires. Le sentiment de brusques apparitions paraît résulter de ce que la fossilification est désormais devenue possible. Pour la plupart des embranchements animaux, l’événement est l’apparition d’un squelette minéralisé, intervenue pendant cette période.

Le Primaire est marqué : par l’occupation de l’ensemble du milieu marin par tous les groupes d’Invertébrés, c’est-à-dire par la poursuite de l’utilisation par le monde vivant de l’oxygène dissous dans l’eau de mer ; par l’apparition des premiers Vertébrés (à la fin de la première moitié du Primaire) ; par le passage de la vie aquatique à la vie terrestre, c’est-à-dire l’apparition des Vertébrés Tétrapodes, au Paléozoïque supérieur (la conquête du milieu terrestre, que réalisent également certains Invertébrés, est accompagnée par l’apparition et le développement des végétaux terrestres ; c’est la réussite irréversible du processus d’utilisation de l’oxygène atmosphérique.

De ce tour d’horizon, on doit conclure cependant que le monde vivant de l’ère primaire a un cachet « ancien » ; certaines classes manquent encore (Mammifères, Oiseaux, végétaux Angiospermes), d’autres classes ne sont représentées que par des formes primitives.

Sur le plan pétrographique, ce cachet se retrouve dans les principaux terrains sédimentaires déposés à cette période : les schistes noirs, les calcaires foncés, les grès rouges forment un contraste souvent frappant avec les terrains secondaires et tertiaires. Cette opposition est d’autant mieux marquée que ces terrains constituent actuellement le « socle » qui sert de soubassement aux formations plus jeunes. Les terrains primaires déposés avant l’époque hercynienne ont tous été plissés par la suite et souvent même pénétrés de granités, voire souvent transformés complètement, métamorphisés. On comprend que l’on n’en trouve plus la trace que dans les « massifs anciens » (en France, par exemple, Massif armoricain, Ardennes, Massif central) ou dans le socle de chaînes de montagnes plus récentes, où ils constituent comme autant de noyaux (Alpes, Pyrénées, etc.).


Aspect général du globe

À la fin du Précambrien, la croûte terrestre est arrivée à un point important de son évolution ; une série d’orogenèses complexes a abouti à une cratonisation notable ; le globe comprend d’importants boucliers continentaux autour desquels l’histoire ultérieure du globe (stratigraphie, tectonique) s’ordonnera.

Mais, s’il est vrai que ces boucliers précambriens forment l’ossature des continents actuels et constituent le noyau des chaînes de montagnes qui se sont succédé depuis la dernière orogenèse précambrienne (l’orogenèse cadomienne), il convient de souligner que leur disposition relative n’était pas celle que nous connaissons aujourd’hui.

Les faits nouveaux et découvertes récentes qui sont à l’origine de la notion d’expansion océanique et de la théorie de la tectonique des plaques permettent de comprendre la naissance des océans et obligent à admettre une dérive des continents depuis le Primaire. Le Primaire est une ère où il ne saurait être question d’océans Atlantique, Pacifique et Indien, mais de continents rassemblés en une masse plus ou moins unique, ce qui explique les analogies entre l’Amérique du Sud et l’Afrique, l’identité des évolutions structurales de l’Amérique du Nord et de l’Europe nord-occidentale, etc.

La répartition des climats, alors déjà bien différenciés, dépend évidemment de cette disposition originale des masses continentales, mais elle oblige également à admettre une position de l’axe des pôles tout à fait différente de l’actuelle. Les études paléoclimatologiques, les mesures paléomagnétiques indiquent au Cambrien un pôle situé sur l’actuel tropique vers 150° de long. O. La répartition des climats chauds (et par là, des séries récifales), désertiques (formations évaporitiques) en est évidemment affectée ; il est curieux de noter que les régions arctiques actuelles étaient alors des déserts chauds. Plusieurs glaciations interviendront : tout au début du Cambrien, à l’Ordovicien (sensible surtout au Sahara), au Permien (sur tout le « continent de Gondwana », Afrique du Sud, Inde, Australie, etc.).