Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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preuve (suite)

Parmi les actes authentiques, les actes notariés jouent un rôle particulièrement important en droit civil. Tout acte juridique, tout contrat notamment, peut être rédigé « par-devant notaire » si les parties le souhaitent, et les notaires sont tenus de les rédiger si on le leur demande. En outre, certains actes doivent obligatoirement être rédigés par acte notarié pour avoir une existence légale : on les appelle des actes solennels (contrat de mariage, contrat d’hypothèque...).

En principe, les actes notariés sont rédigés en minute : l’original, ou minute, reste à l’étude du notaire, qui ne peut s’en dessaisir. Les parties peuvent en obtenir des copies. Une des copies contient la formule exécutoire (qui permet de procéder à une mesure d’exécution, comme une saisie) : c’est la grosse. Les copies ordinaires sont appelées expéditions. Exceptionnellement, certains actes notariés sont rédigés en « brevet » : ce sont en pratique des actes dont la vie juridique est brève (procuration par exemple) ; en ce cas, l’original est remis aux parties elles-mêmes.

L’acte notarié doit être rédigé en français et sur papier timbré. En principe, il est reçu et signé par un seul notaire, mais la signature d’un second notaire ou de deux témoins peut être nécessaire (donations). L’acte notarié est lu aux parties, qui doivent signer et apposer leurs initiales (de jeune fille pour les femmes mariées) sur le recto de chaque page. L’acte notarié peut être écrit à la main, dactylographié, imprimé, lithographie, etc., sous la responsabilité du notaire.

L’acte authentique a une grande force probante. D’abord, il fait foi de son origine, c’est-à-dire que celui qui l’invoque n’a pas à prouver que l’acte émane bien du notaire dont le nom figure au pied de l’acte et que c’est à l’autre partie de prouver éventuellement qu’il s’agit d’un faux. En outre, toute mention de l’acte qui correspond à une constatation personnelle du notaire fait foi jusqu’à ce que l’adversaire ait réussi à démontrer que cette mention est un faux. Or, la procédure d’inscription en faux est une procédure difficile. Les mentions qui figurent à l’acte sans que l’officier public ait pu en vérifier l’exactitude n’ont pas la même valeur. Elles servent de preuve, mais l’adversaire n’aura pas besoin pour les combattre de s’inscrire en faux.

Un acte authentique régulier constitue une preuve légale, ou parfaite. Un acte authentique irrégulier peut constituer un commencement de preuve par écrit.

• Les actes sous seing privé. Ce sont des actes (au sens matériel) rédigés par les parties elles-mêmes ou par un tiers autre qu’un officier public et qui portent la signature des parties (s’il s’agit d’une convention) ou de la partie (s’il s’agit d’un acte unilatéral).

Outre la signature, condition essentielle de validité de l’acte sous seing privé, d’autres conditions peuvent être exigées : ainsi, si l’acte sous seing privé a été rédigé pour constater un contrat synallagmatique (c’est-à-dire un contrat qui donne naissance à plusieurs obligations réciproques), il doit être fait en autant d’exemplaires qu’il y a de parties. Chaque exemplaire devra porter la mention « fait en double - ou triple, ou quadruple - exemplaire », et, si l’acte doit être enregistré pour des raisons fiscales, un exemplaire supplémentaire doit être rédigé à cette fin (v. enregistrement). La formalité du double n’est pas nécessaire si le contrat synallagmatique a été entièrement exécuté par l’une des parties ou si l’acte est déposé entre les mains d’un tiers. Une autre règle particulière concerne les promesses unilatérales portant sur une somme d’argent : en ce cas, l’acte n’est valable que si la promesse est écrite en entier de la main de celui qui la signe, ou si la signature du promettant est précédée des mots écrits de sa main : « bon » ou « approuvé », suivis de l’indication de la chose promise.

Si l’une de ces formes relatives aux actes sous seing privé n’était pas respectée, l’acte juridique ne serait pas nul pour autant, mais la force probante de l’écrit en serait diminuée.

Cette force probante est très différente de celle d’un acte authentique (même si l’acte est rédigé sur papier timbré, ce qui est parfois obligatoire sur le plan fiscal, mais n’a jamais conféré à l’acte une valeur probatoire plus grande). D’abord, l’acte sous seing privé ne porte pas en soi la preuve du fait qu’il émane bien de celui qui apparemment l’a signé ; si celui à qui on l’oppose ne nie pas l’avoir signé, l’acte sera considéré comme émanant de lui, mais s’il prétend que la signature est une imitation, l’acte n’a plus de valeur probante, et ce ne sera pas à lui à prouver le faux, mais à celui qui entend se servir de l’acte d’engager une procédure dite « en vérification d’écriture ».

En pratique, il est rare que la signature soit contestée, mais il reste à savoir quelle est la valeur probante des autres mentions contenues dans l’acte sous seing privé. Il faut distinguer selon que le problème de preuve se pose entre les parties ou entre les parties (ou l’une d’elles) et des tiers.

Entre les parties, les mentions portées à l’acte et sa date sont en principe considérées comme exactes, et le tribunal est lié, même s’il a de bonnes raisons de suspecter leur inexactitude, sauf si l’une des parties prouve celle-ci en apportant elle-même un autre écrit.

Vis-à-vis des tiers, il faut distinguer suivant qu’il s’agit de la date de l’acte ou de ses autres mentions : en ce qui concerne les mentions autres que la date, elles sont supposées véridiques et c’est aux tiers à démontrer leur inexactitude, par tout moyen cette fois, sans être obligés de produire un écrit. Il en va autrement pour la date ; cette date n’est pas en principe opposable aux tiers : il serait trop facile en effet aux parties d’antidater ou de postdater un acte en fraude des droits des tiers. La date n’est opposable aux tiers que lorsque ce danger est écarté, c’est-à-dire lorsque l’acte est enregistré, que la date a été constatée dans un acte authentique ou que l’une des parties est morte. Enfin, la date d’un acte sous seing privé est opposable aux tiers dans certains cas exceptionnels, comme en matière commerciale.