Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

preuve (suite)

Si le juge instruit lui-même l’affaire, à l’initiative des preuves, peut d’office ordonner des enquêtes, etc., la procédure est dite « inquisitoire ». Si le fardeau de la preuve pèse uniquement sur les parties, la procédure est dite « de type accusatoire ». En droit civil classique, on proclame deux principes : celui de la neutralité du juge, qui ne peut généralement rechercher lui-même les preuves et ne peut statuer que sur celles que lui offrent les parties, et celui de la répartition de la charge de la preuve entre les parties, cette charge appartenant à celle des parties qui allègue un fait ou un acte juridique à son profit : c’est d’abord au « demandeur » à établir les faits ou actes sur lesquels il fonde son action ; ce sera ensuite au « défendeur » à prouver les faits ou actes servant de base aux exceptions ou moyens de défense qu’il invoque ; le demandeur répliquera s’il y a lieu et la charge de la preuve retombe alors sur lui, et ainsi de suite, la partie échouant dans sa preuve perdant le procès. (La charge de la preuve peut se trouver d’ailleurs modifiée par le jeu des présomptions légales — comme la présomption pater is est en matière de filiation* —, qui dispensent de preuve ceux en faveur de qui elles sont établies et que la loi appelle présomptions simples si elles peuvent être combattues par la preuve contraire, présomptions irréfragables dans le cas contraire.) La procédure civile est dite « de type accusatoire ».

Les profondes modifications apportées récemment à notre procédure civile, et, notamment, le rôle attribué au juge chargé de la mise en état des causes, ne sont pas sans porter atteinte à ce caractère accusatoire, bien qu’il soit réaffirmé avec force par les textes nouveaux.


L’objet de la preuve

Les prétentions des parties se fondent sur deux sortes d’éléments : des éléments de fait et des éléments de droit, règles juridiques que l’on prétend applicables à la cause. Les parties n’ont pas à prouver l’existence et la portée de ces règles juridiques : c’est le juge qui dit le droit ; il n’en serait autrement que si une partie invoquait une coutume ou une loi étrangère. Par contre, les parties doivent apporter la preuve des éléments de fait qui servent de base à leurs prétentions. Ces éléments de fait, ce sont soit des « actes juridiques », soit des « faits juridiques ». On appelle acte juridique une déclaration de volonté unique (acte unilatéral) ou concurrente (contrat*) en vue de produire des effets de droit. Le fait juridique, lui, est un fait matériel, volontaire (coups et blessures) ou non (naissance, mort*), auquel la loi attache des conséquences juridiques, conséquences qui se réalisent en dehors de la volonté de l’homme.

Si une partie invoque un fait juridique, elle doit prouver ce fait ; par exemple, les héritiers qui réclament une succession* doivent prouver la mort de celui dont ils prétendent hériter et leur lien de parenté avec le défunt. Si elle invoque un acte juridique comme un contrat, elle doit prouver l’existence de ce contrat.


Les moyens de preuve

Les modes par lesquels les parties intéressées peuvent établir la réalité d’un acte ou d’un fait juridique sont exclusivement ceux qui sont prévus par la loi. C’est la loi également qui détermine la valeur probante de chaque mode de preuve et les moyens dont dispose l’adversaire pour le combattre.

Les modes de preuve prévus par la loi sont les écrits, les témoignages*, les présomptions de fait, l’aveu et le serment*. Ce ne sont pas les mêmes qui devront être utilisés selon qu’il s’agit d’un acte ou d’un fait juridique.

• La preuve des actes juridiques se fait au moyen de preuves parfaites. On appelle ainsi des preuves qui lient le juge, celui-ci n’ayant aucun pouvoir d’appréciation et devant tenir pour prouvée la prétention du plaideur qui dispose de l’un de ces moyens. Les procédés de preuve parfaite sont l’écrit, qu’il soit authentique ou sous seing privé, et, à défaut, l’aveu judiciaire ou le serment décisoire.

Ce n’est qu’exceptionnellement, en matière d’actes juridiques, que la loi autorise le recours aux preuves imparfaites, qui sont la preuve testimoniale, les présomptions de fait, l’aveu extrajudiciaire et le serment supplétoire. Ces procédés sont seulement utilisables : en matière commerciale ; en matière civile lorsque l’acte concerne une somme inférieure à 50 F ; lorsqu’il existe un commencement de preuve par écrit, c’est-à-dire tout acte écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée ou de celui qu’il représente et qui rend vraisemblable le fait allégué (lettres missives, papiers domestiques, simples notes) [ce commencement de preuve par écrit, qui n’est pas une preuve en soi, constitue un adminicule rendant possible l’audition de témoins] ; lorsqu’il a été impossible matériellement ou moralement de se procurer un écrit ; lorsque l’écrit a été perdu par cas fortuit imprévu et résultant d’une force majeure.

• La preuve des faits juridiques est en principe libre, ce qui s’explique par le fait qu’il s’agit le plus souvent d’événements imprévus dont il n’a pas été possible d’établir une preuve préconstituée : il faudra donc généralement recourir aux preuves imparfaites. Toutefois, il existe certains faits juridiques (naissance, décès) dont, en raison de leur importance, le législateur a déterminé le système de preuve (v. état civil, mort).

• L’écrit ou preuve littérale
Parmi les divers écrits, le rôle le plus important est joué par les actes préconstitués (le terme acte étant pris ici dans son sens matériel de feuille de papier sur laquelle sont rédigés la convention ou l’acte juridique unilatéral et non au sens d’acte juridique en général). Ces actes peuvent être « authentiques » ou « sous seing privé ». Certains autres écrits peuvent également servir de modes de preuve.

• Les actes authentiques. Ce sont ceux qui ont été reçus par un officier public (notaire*, huissier, officier de l’état civil, consul, etc.) ; ils doivent être rédigés selon les formes indiquées par la loi et par un officier public ayant les pouvoirs de les faire.