Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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presse (la) (suite)

En France, sous l’Ancien Régime, la surveillance est stricte, et l’autorisation préalable nécessaire pour l’impression comme pour la publication. Cette dernière se trouve soumise en outre à une censure confiée à un corps administratif, le tout assorti de sanctions sévères : la prison et l’exil pour les gazetiers, les galères pour les imprimeurs. À côté des journaux et périodiques officiels (la Gazette de France, le Journal de Paris) et non officiels (le Mercure de France), d’innombrables libelles et pamphlets circulent « sous le manteau » (telles les gazettes de Hollande par exemple). Toutefois, l’Ancien Régime autorise certaines publications jugées révolutionnaires pour l’époque telles que (entre autres) l’Encyclopédie et De l’esprit des lois dans sa seconde édition de 1749.

Durant les premières années de la Révolution, ce sera l’euphorie libérale (250 créations en six mois pour la seule année 1789) et la naissance de nombreux périodiques. Sans changer fondamentalement le statut de la presse, l’article 11 de la Déclaration des droits* de l’homme et du citoyen (26 août 1789), puis l’article 17 de la Constitution de 1791 proclamant la liberté de la presse lèvent de nombreuses restrictions. C’est l’époque de l’Ami du peuple (Marat), du Père Duchesne (Jacques Hébert) et de bien d’autres feuilles pamphlétaires célèbres. Sous la Convention, l’arrêté de la Commune de Paris de 1792 élimine la presse monarchiste, dite contre-révolutionnaire : Les « empoisonneurs de l’opinion publique... », tels que les auteurs de journaux contre-révolutionnaires, seront mis en prison et leurs presses, caractères et instruments seront distribués entre les imprimeurs « patriotes ». La Constitution de l’an III proclame le principe de la liberté de la presse tout en précisant que cette liberté peut exceptionnellement être suspendue, ce qui effectivement aura lieu. Le Directoire sera prudent en matière de presse.

L’arrivée de Bonaparte au pouvoir a une double conséquence sur la vie de la presse. D’une part, le pouvoir restreint très considérablement la liberté et le nombre des parutions, d’autre part, il officialise l’existence d’une presse d’État en faisant du Moniteur un organe officiel. Les journaux de province devront désormais se borner en matière politique à reproduire ses articles. En 1811, on réduit à quatre le nombre des feuilles parisiennes, qui, nationalisées, deviendront des feuilles officielles dirigées par des commissions administratives nommées par le ministre de la Police. La monarchie de Juillet sera une époque importante pour la presse en raison notamment du perfectionnement du télégraphe vers 1845 et de l’abaissement considérable du prix des journaux. La scolarisation, puis le suffrage universel contribuent par ailleurs à augmenter la clientèle des journaux. Après une période libérale, le régime répressif se stabilise à partir de 1835 et dure sous la IIe République. Le second Empire, par contre, débute par un renforcement du contrôle de la presse, mais revient en 1868 au libéralisme, annonciateur de la loi de 1881.

La liberté de la presse proclamée en 1881 est caractérisée par l’abandon de tout régime préventif et par l’instauration d’un système répressif excluant les délits d’opinion. Ce régime durera jusqu’à nos jours avec des suspensions ou des atteintes durant les périodes de crises intérieures ou extérieures que furent les années 1914-1918, 1935-1947, 1956-1962.

Régime juridique contemporain

La presse est toujours régie par la loi libérale du 29 juillet 1881, qui a abrogé tous textes et dispositions antérieurs. Elle a elle-même été complétée et adaptée par un grand nombre de réglementations postérieures qui ont réduit son libéralisme initial. Le principe général est que l’ensemble des activités visant à la préparation, à la composition, à la diffusion et à la gestion d’un journal sont sous un régime de liberté. La responsabilité de l’entreprise* de presse apparaît comme le corollaire de cette liberté.

• La création du journal. Quiconque est juridiquement libre de créer un journal. Il suffit d’adresser une simple déclaration au parquet du tribunal du lieu de résidence en mentionnant le titre du journal, les nom et adresse du directeur et de l’imprimeur, les pouvoirs réels du directeur et de déposer un certain nombre d’exemplaires. Pour tous les imprimés diffusés et mis publiquement en distribution, il sera nécessaire que l’imprimeur fasse parvenir deux exemplaires — et l’éditeur quatre — à la Bibliothèque nationale, un exemplaire étant déposé par l’éditeur à la régie du dépôt légal. En outre, chaque périodique fera l’objet d’un dépôt judiciaire (deux exemplaires au parquet) et d’un dépôt administratif (dix exemplaires) auprès du ministère chargé des questions de la presse. Ces différents dépôts visent à permettre la conservation des preuves en cas d’infraction ou de délit, et la poursuite éventuelle de leur auteur.

• La préparation du journal. Elle se fait à partir de la matière première — l’information — fournie par les agences de presse, dont le statut juridique est également régi par le principe de la libre entreprise. En fait (mis à part les matières économiques), il n’y a qu’une seule agence d’information à vocation mondiale en France, l’agence France-Presse, établissement public qui succéda à Havas en 1944, mais dont l’objectivité paraît garantie : d’une part, elle a de nombreux clients étrangers qui ne toléreraient pas une partialité marquée ; d’autre part, une loi du 10 janvier 1957 organise son statut d’établissement public et prévoit dans son conseil d’administration une majorité de personnalités indépendantes du gouvernement. En outre, un conseil supérieur de contrôle, indépendant également du pouvoir établi, vérifie l’objectivité et l’exactitude de l’information. Il est doté d’un pouvoir de sanction. L’État subventionne l’agence en souscrivant un nombre d’abonnements bien supérieur à ses besoins.

• L’impression du journal. L’imprimerie est libre également de toute censure préalable ou a posteriori, mais l’imprimeur mentionné sur l’imprimé est tenu pour responsable solidaire de l’éditeur et de l’auteur d’un article délictueux.

• Le transport du journal. Il est libre depuis que la loi du 2 avril 1947 a mis théoriquement fin au monopole Hachette ; il s’effectue parfois par des sociétés coopératives de messageries de presse.