Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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prélude (suite)

Le prélude et l’orchestre

Dès 1640, tous les grands ballets de cour français sont précédés par une ouverture qui est composée d’un mouvement lent suivi d’un mouvement plus rapide. S’inspirant de ce modèle, les ouvertures des opéras de J.-B. Lully*, dites « ouvertures à la française », sont construites en trois parties : un mouvement lent, un mouvement vif, souvent fugué, une reprise du mouvement lent. En revanche, l’ouverture dite « italienne », utilisée par Alessandro Scarlatti*, encadre un mouvement lent par deux allégros. Ces deux types d’ouverture coexistent au xviiie s.

De simple introduction, l’ouverture devient, à la fin du xviiie s. et au xixe, annonciatrice du drame. Cette conception est celle de Mozart, Beethoven et C. M. von Weber*. Chez Richard Wagner*, le prélude remplace souvent l’ouverture. Dans l’exposition des thèmes qui féconderont le drame, deux formules sont utilisées par Wagner. La plus générale consiste à opposer des thèmes qui contrastent entre eux. Plus rarement, dans Tristan et Isolde (1859) par exemple, des thèmes non contrastés sont développés. Depuis Wagner, les compositeurs utilisent, en général, le prélude de préférence à l’ouverture, comme introduction à leurs œuvres dramatiques.

Les suites pour orchestre débutent parfois par un prélude ou une ouverture. C’est le cas, notamment, des suites de Jean-Sébastien Bach et, plus près de nous, de la Suite en « fa » d’Albert Roussel (1926), de la Suite delphique d’André Jolivet* (1943). Le plus souvent, le morceau initial de la suite moderne pour orchestre porte une simple indication de mouvement (Deuxième Suite [1905-1907] de Bartók*, Suite provençale [1936] de Milhaud).

Les diptyques sont représentés, entre autres, par Prélude et toccata pour piano et orchestre (1945) d’Henri Rabaud (1873-1949).

Le prélude isolé ou, même, les ensembles de préludes figurent également dans les œuvres d’orchestre. Avec Berlioz* et Mendelssohn, l’ouverture de concert est un morceau d’inspiration dramatique qui n’est plus destiné à servir d’introduction à un opéra. Cette forme tend ensuite vers le poème symphonique. Les Préludes de Liszt (1854) sont un poème symphonique, construit sur deux thèmes principaux, s’inspirant d’un texte de Joseph Autran (et non de Lamartine) : « Notre vie est-elle autre chose qu’une série de préludes à ce chant inconnu dont la Mort entonne la première et solennelle note ? » Chef-d’œuvre de l’impressionnisme, le Prélude à l’après-midi d’un faune (1894), de Debussy, est une illustration très libre du poème de Mallarmé. Bien que de forme ABA, la construction ne recherche pas une symétrie traditionnelle dans un cadre rigoureux, mais elle se caractérise par une fragmentation extrême des thèmes. Avec les Vingt-Quatre Préludes (1958) de Marius Constant*, l’époque contemporaine renoue la tradition des ensembles de préludes, auxquels l’utilisation de l’orchestre apporte une nouvelle envergure.

Le prélude s’introduit également dans les recherches musicales contemporaines, comme en témoigne un Prélude pour trois pistes magnétiques (1959), de François Bernard Mâche.

A. Z.

➙ Étude / Fantaisie / Fugue / Suite.

 A. Pirro, les Clavecinistes (H. Laurens, 1925). / L. de La Laurencie, les Luthistes (H. Laurens, 1929). / Y. Rokseth, la Musique d’orgue au xve siècle et au début du xvie (Droz, 1931). / E. Borrel, l’Interprétation de la musique française de Lully à la Révolution (Alcan, 1934). / N. Dufourcq, les Grandes Formes de la musique d’orgue (Droz, 1937) ; Du prélude et fugue au thème libre (Floury, 1944) ; Un Architecte de la musique, Jean-Sébastien Bach. Génie allemand ? Génie latin ? (la Colombe, 1947) ; Jean-Sébastien Bach, le maître de l’orgue (Floury, 1948). / A. Cœuroy, la Musique et ses formes (Denoël, 1951). / A. Hodeir, les Formes de la musique (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1951 ; 5e éd., 1969).

préraphaélites (les)

Appellation commune aux peintres qui, en Grande-Bretagne* et dans la seconde moitié du xixe s., ont participé au mouvement dit du « préraphaélisme ».


La Pre-raphaelite Brotherhood (confraternité préraphaélite), ou P. R. B., était fondée à Londres, en 1848, par sept jeunes gens au nombre desquels figuraient les peintres Rossetti, Hunt et Millais, les quatre autres associés ne comptant guère ou pas du tout dans l’histoire de la peinture. Comme le gothique perpendiculaire, le palladianisme du xviiie s. ou le « Gothic Revival », l’expérience préraphaélite est l’un des épisodes typiquement nationaux qui ont fait la singularité de l’art anglais. Les fondateurs de la P. R. B. s’insurgeaient contre les conventions de la peinture victorienne, son défaut d’idéal, son prosaïsme anecdotique ; sans doute aussi contre la laideur apportée par la révolution industrielle. Dans ce combat, ils trouvèrent un défenseur en la personne de John Ruskin*, leur maître à penser.

Le sigle choisi par ces peintres signifie que, par-delà Raphaël — pour eux symbole d’artifice et de dégénérescence —, ils entendaient se rattacher spirituellement aux maîtres italiens du quattrocento, jugés plus sincères. Sur ce chemin, certes, ils avaient été précédés par les nazaréens d’Allemagne* : Johann Friedrich Overbeck, Peter Cornelius. Mais ceux-ci pratiquaient un style tenant du pastiche. Ce que les préraphaélites anglais ont appris ou cru apprendre des peintres italiens de la première Renaissance, ce n’est pas tant un répertoire de formes qu’une vision ingénue du monde, une pureté servie par la probité du métier. Épris d’idéal, ils ont voulu rendre à la peinture un contenu, le plus souvent moral ou religieux, en l’exprimant par un langage symbolique. Fuyant l’anecdote et le quotidien, leurs sujets sont littéraires, philosophiques, historiques, légendaires, surtout bibliques ou évangéliques, mais interprétés dans un esprit neuf. Leur monde imaginaire emprunte en effet ses éléments au monde réel, transcrit avec une exactitude scrupuleuse. Souvent, le rêve prend le visage de la nature ; le paysage est composé par l’artiste à partir de paysages vrais, d’Angleterre ou d’ailleurs, observés dans leurs moindres détails. Ainsi peut-on dire que la doctrine préraphaélite est née de la rencontre entre l’idéalisme et le naturalisme. Non moins original est le métier, caractérisé par un dessin minutieux, une palette vive et ennemie du « fondu » traditionnel, une matière précieuse et brillante.