Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

poste (suite)

Sous la Restauration

Pendant ses quinze années d’existence, plusieurs mesures dignes d’intérêt sont prises.

• Jusqu’alors, l’envoi d’argent par voie postale donnait lieu à transport effectif des fonds du bureau expéditeur jusqu’au bureau destinataire. Cette pratique était ancienne : dès que les courriers royaux avaient été autorisés à accepter la correspondance privée, les particuliers s’étaient empressés d’insérer dans leurs envois des pièces d’or et d’argent, voire des pierres précieuses. Ce transport de tonds présentait de sérieux inconvénients : alourdissement du service, immobilisation des fonds pendant la durée de leur transport et risques d’attaques par des brigands. L’arrêté du 24 février 1817 réalise une réforme importante en créant le mandat-poste : l’expéditeur dépose l’argent au bureau de poste et reçoit une reconnaissance qu’il transmet au destinataire. Simultanément, le bureau de dépôt envoie un avis l’informant de l’opération du bureau qui sera amené à payer les espèces ; de la sorte, deux documents circulent parallèlement, l’un entre déposant et bénéficiaire, l’autre entre les bureaux de poste concernés. La croissance économique du xixe s. va entraîner un développement considérable du service des mandats. De nouveaux types seront créés, et le système sera étendu au régime international (accords bilatéraux entre la France et ses voisins d’abord, convention dans le cadre de l’Union postale universelle en 1878).

• Une deuxième mesure ambitieuse est préparée sous la Restauration. Jusqu’alors, la distribution du courrier à domicile n’est organisée par la poste que dans les villes importantes, les communes riches utilisant des facteurs municipaux. Dans l’immense majorité des cas, les destinataires doivent retirer leur courrier au bureau de poste le plus proche. Encore faut-il accéder facilement à ce bureau et deviner qu’une lettre s’y trouve en instance !

La généralisation de la distribution à domicile est une mesure audacieuse et onéreuse qui fait l’objet d’une loi de juin 1829. Ce texte dispose qu’à partir du 1er avril 1830 l’administration des Postes ferait « transporter, distribuer à domicile et recueillir, de deux jours l’un au moins, dans toutes les communes où il n’existe pas d’établissement de poste les correspondances administratives et particulières... ». Cette mesure crée le facteur moderne, multiplie les échanges et rompt l’isolement rural dans une civilisation à prédominance agricole et campagnarde.


Sous la monarchie de Juillet

Ce régime manque d’audace en ce qui concerne la tarification : alors que le tarif uniforme pour l’ensemble du territoire est adopté en Angleterre en 1830-1840 à l’instigation de sir Rowland Hill (1795-1879), plusieurs projets similaires échouent en France. Or, cette mesure constitue un préalable à une autre : l’adoption du timbre-poste aux lieu et place des marques postales (cachets et inscriptions manuscrites). En revanche, la monarchie de Juillet a une attitude novatrice en matière de rapidité de transport. Les découvertes scientifiques et leurs applications technologiques mettent à la disposition de l’homme un moyen plus efficace que le cheval : la vapeur. Le train est né, et le bateau à vapeur détrône les voiliers. La poste va se mettre à l’heure ferroviaire : de 10 km/h en diligence, on passe à 40 km/h avec les premiers trains. Sous l’impulsion d’un postier alsacien. F. D. Blumstein (1795-1879), le courrier est transporté par train sur la ligne Strasbourg-Bâle en 1842. Le but réel sera atteint deux ans plus tard, lorsque, au lieu de convoyer le courrier, il sera décidé de mettre à profit le temps du transport pour trier les correspondances en cours de voyage. Les bureaux de poste ambulants voient le jour. Blumstein est chargé de l’organisation du service : les premiers wagons affectés au service du tri en cours de transport circulent entre Strasbourg et Bâle à partir de 1845. Le mode d’acheminement est désormais acquis, et le transport du courrier considérablement accéléré. D’autres lignes vont suivre ; des wagons spécialement aménagés seront construits. Le système des bureaux de poste ambulants ferroviaires va connaître un essor international rapide, parallèlement à l’extension du réseau de chemin de fer. La poste aux chevaux est condamnée ; les relais, qui périclitaient déjà, s’essoufflent et s’étiolent. Enfin, en 1870, on supprime d’un trait de plume les relais et les diligences, qui, pratiquement, n’existent plus que sur le papier.

Le Cabinet noir

Dès l’Antiquité et jusqu’au xvie s., dans le dessein de surprendre les secrets d’État, les messagers diplomatiques sont détroussés avec plus ou moins de discrétion, au gré des circonstances. En France, l’organisation rationnelle du Cabinet noir revient à Rossignol (mort en 1682), déchiffreur de Richelieu, qui poursuit son activité sous Mazarin. Louvois en use largement ; mais, rendu méfiant par ses propres agissements, il utilise avec circonspection pour sa diplomatie le service postal, dont il est surintendant. De 1672 à 1738, une double dynastie dirige la ferme des postes, les Pajot-Rouillé ; ceux-ci jouissent de la faveur du roi, auquel ils dévoilent les secrets surpris par le bureau du dedans, chargé de surveiller le courrier international, la correspondance des grands et même de la famille royale. Leur successeur, Grimod-Dufort (mort en 1748), hérite de leurs prérogatives et, en 1743, pour la première fois, apparaît, fort discrètement, dans les comptes une dépense de « fonds secrets ». À sa mort, le Cabinet noir, dirigé par Jannel (mort en 1770), nommé par la suite intendant des Postes, non seulement pratique le déchiffrement de la correspondance des cours étrangères, mais surprend les pensées et les propos les plus intimes des particuliers, indélicatesses fort goûtées de Louis XV. D’ailleurs, ce roi, friand de menées souterraines, noue ses propres intrigues à l’insu de ses ministres, mais pas toujours de la censure, passée aux ordres de Rigoley d’Ogny.