Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Portugal (suite)

La forte densité des hommes, plus que le relief, justifie l’exiguïté des parcelles. Dès l’époque romaine, les « villas » s’étaient divisées en petites exploitations individuelles ; après la domination musulmane, qui fut de courte durée et qui a laissé peu de traces, le roi concéda aux nombreux chrétiens qui s’étaient réfugiés en Galice ces domaines déjà petits, que les multiples partages successoraux ont achevé de morceler. La pression démographique est telle que même les dunes littorales ont été colonisées : la vigne couvre leurs versants tandis que dans les creux interdunaires la culture irriguée de la pomme de terre est fertilisée par les algues marines.

Ce remarquable système agricole du Minho se transforme progressivement vers le sud au fur et à mesure que le climat devient plus typiquement méditerranéen. En dehors des régions disposant d’assez d’eau pour arroser les prés en hiver (piémont nord de la serra da Estrela, basse plaine alluviale du Mondego...), la culture du maïs, irriguée grâce à des puits à balancier, alterne avec des cultures de légumes d’hiver (fèves, pois, choux...) sur des champs piquetés d’arbres fruitiers. Là où l’irrigation n’est plus possible, le maïs doit être semé beaucoup plus tôt pour achever sa croissance, ce qui élimine les cultures d’hiver ; si, de plus, les sols sont minces, on doit même renoncer au maïs ; ce sont alors les cultures arbustives méditerranéennes qui l’emportent : vigne dans la plaine maritime au sud de la Vouga et dans la vallée de Dão, olivier plus au sud. Dans la région de Coimbra par exemple, où les champs portent alternativement blé et légumes et sont complantés d’oliviers, le paysage a perdu tout caractère minhote. Enfin, les rizières du golfe d’Aveiro et du bas Mondego achèvent de donner à ces régions un cachet plus méridional.

Cette dégradation progressive du système de culture intensif du Minho ne peut nourrir les mêmes densités humaines, d’autant que la surface cultivée se restreint considérablement : de vastes forêts de pins ont été plantées sur les terres gréseuses, sableuses et caillouteuses de la Beira Litoral, là où les landes servaient de pâturages d’hiver aux troupeaux de moutons des montagnes voisines.

De la même façon, le paysage du Minho se transforme progressivement lorsqu’on s’élève vers les hauts plateaux orientaux. On le voit pénétrer dans les petits bassins où les températures hivernales déjà plus fraîches obligent souvent à remplacer les prés d’hiver par la culture du seigle. Au-delà de 600 m d’altitude, le maïs ne peut plus se développer assez vite pour qu’une seconde culture soit possible dans l’année sur le même champ et il fait même place à la pomme de terre dans le bassin de Chaves. Dans les montagnes, l’élevage devient l’activité principale, avec une transhumance qui entraîne parfois le dédoublement de l’habitat. Dans les montagnes les plus arrosées (serra do Gerês), les pâturages abondants accueillent des bovins alors que vers le sud (serra da Estrela) les ovins l’emportent.

Dans les hauts plateaux du Trás-os-Montes et de la Beira Alta enfin, les rigueurs du climat réduisent les possibilités de la vie rurale. La culture du seigle prédomine en alternance avec la jachère pâturée, ainsi que les maigres friches, par des troupeaux ovins. Depuis la fin du siècle dernier, des défrichements et le remplacement du seigle par le blé sur les meilleures terres ainsi que l’extension de la culture de la pomme de terre n’ont pas réussi à améliorer sensiblement le niveau de vie précaire de cette région demeurée très isolée et où les coutumes anciennes conservent une grande vitalité. Dans un paysage d’openfield divisé en deux soles, avec habitat groupé, le système de la vaine pâture est encore en vigueur et maintient l’interdiction des clôtures, les contraintes d’assolement et même le système du tirage au sort périodique pour la répartition des terres de labour. Les conditions physiques ne suffisent pas à expliquer cette originalité du Trás-os-Montes : peuplés par une population farouche, les Lusitaniens, que les Romains eurent bien des difficultés à vaincre, il semble que ces hauts plateaux aient été peu touchés par la romanisation et qu’ils aient de ce fait conservé les pratiques communautaires héritées de la civilisation pastorale de leurs premiers habitants ; lors de la Reconquista, ces coutumes étaient si ancrées que la royauté a concédé les terres à des collectivités qui ont maintenu leurs traditions.

Le Douro traverse ces plateaux en étranger : après 100 km de gorges sauvages auxquelles s’appuie la frontière avec l’Espagne, sa vallée s’élargit quelque peu dans les schistes ; mais elle reste suffisamment encaissée pour que ses versants jouissent d’un climat chaud et lumineux. C’est ici qu’au prix d’un travail acharné les hommes ont implanté le célèbre vignoble de Porto : après avoir aménagé les pentes en terrasses, ils ont pulvérisé le schiste pour y accumuler un peu de terre arable et taillé des piliers de granite pour soutenir les vignes ; c’est à dos d’homme qu’est apporté le fumier et qu’est remonté le raisin. La création de ce vignoble remonte au xviie s. ; son extension s’est accrue après 1820 quand on fit sauter des rapides qui entravaient la navigation vers l’amont. La crise du phylloxéra l’a fait régresser, une partie des vignes ayant été remplacée par des amandiers ou des oliviers.

Le vignoble attire des hauts plateaux voisins une main-d’œuvre considérable pour les vendanges. Ces hautes terres souffrent en effet d’un fort excédent de population qui entretient depuis longtemps une forte émigration. L’agriculture archaïque n’y est complétée par aucune autre activité : le travail de la soie fondé sur l’élevage du ver à soie a périclité, et les ressources du sous-sol, pourtant riche, ne sont pas exploitées faute de voies de communication (seul le wolfram a été exploité pendant la guerre). Bragance (8 600 hab.) et Guarda (12 800 hab.) ne sont que de vieilles places fortes et des marchés ruraux ; l’installation d’une usine de montage automobile à Guarda n’a pas changé la physionomie de la ville. Sans doute, l’aménagement du Douro sur lequel de grands barrages sont en cours de construction permettra d’étendre les surfaces irriguées et d’ouvrir une voie navigable à certaines ressources minières : étain et wolfram au nord de Miranda do Douro ; fer près de Torre de Moncorvo. Mais l’énergie électrique profite dès à présent à la façade atlantique, où la vie industrielle se concentre.